L'école instrumentale du luth marocain puise dans l'univers complexe de la musique arabo-andalouse et cultive jalousement, depuis plusieurs années, sa différence et sa particularité. Pour bien de Marocains, les récitals de luth restent fatalement liés aux stars mythiques d'Egypte, telles que Ryad Soumbati ou Farid Al Atrach. Et pourtant, les luthistes marocains cultivent depuis plusieurs années un genre instrumental inédit, plus connu à l'extérieur des frontières qu'a l'intérieur du pays. Une école qui puise ses racines dans la tradition musicale arabo-andalouse et qui défend, non sans une certaine fierté, sa spécificité. Historiquement, le module instrumental à base des récitals du luth existe depuis des siècles. Mais c'est grâce au jeu raffiné de plusieurs Oudistes contemporains comme Chérif Muhieddine, Jamil Bachir, Salman Chakur ou encore Mounir Bachir, que le public a découvert le répertoire de cet instrument. Sur ce registre, les luthistes marocains ont fait leur marque depuis longtemps. Les compositions instrumentales marocaines explorent en effet un registre bien différent de celui des écoles égyptienne et syrienne, largement influencées par l'héritage turc. Celui-ci a influencé toute la production musicale du Moyen-Orient, particulièrement en matière de chant. Le répertoire du luth n'échappe pas à ce fait. Et toute la structure musicale de l'instrumental oriental repose sur les gammes turques. Un courant s'est distingué du lot : l'école irakienne, incarnée par le grand luthiste Mounir Bachir. Une particularité que partagent également les luthistes marocains. Leurs oeuvres constituent dans l'ensemble un prolongement de la tradition et l'aboutissement d'une recherche et d'un travail sur des modes très anciens, d'origine arabo-andalouse, voire persane. Reste que cet attachement à la tradition ne signifie pas fermeture. Des expériences plus transversales que les luthistes marocains tentent du côté du jazz et d'autres répertoires méditerranéens ou arabes. Dans ce registre, on peut citer les expériences de luthistes talentueux, tels que Driss El Maloumi, joueur de luth confirmé qui a réussi à assimiler dans son œuvre plusieurs styles de jeu des luths : tribal, berbère, oriental et occidental. Haj Younès, grand ambassadeur du luth marocain dont les récitals rencontrent un large succès dans des capitales aussi lointaines que Singapour ou encore Tokyo. Saïd Chraïbi, qui reste de loin le luthiste qui a le plus marqué par son œuvre le répertoire marocain de l'instrument. Considéré comme l'un des principaux fondateurs de ce grand mouvement musical, ses connaissances musicales et instrumentales font de lui l'un des maîtres les plus attachants du Oud dans l'ensemble du monde arabe. Né le 2 février 1951 à Marrakech, l'artiste est considéré comme l'un des plus grands joueurs de Oud marocains. Il découvre le luth à l'âge de 13 ans, avant de composer en 1979. Après avoir accompagné plusieurs chanteurs comme Naima Samih, Mahmoud El Idrissi, Saïd Chraïbi met sur pied dans les années 1980 une formation de 9 instruments, et commence à effectuer des tournées dans plusieurs pays. Son œuvre reste de loin celle qui a le plus tracé les différences entre les répertoires du Maghreb et ceux du Proche-Orient.