Elaborés au fils des années, plusieurs rapports, de sources indépendantes s'apparentant à des organismes comme les Nations Unies, font état de la position qu'occupe le Maroc en matière de trafic de cannabis. Les rapports concernant le trafic de drogue au Maroc sont unanimes : notre pays est leader mondial en matière d'exportation de cannabis. Une lecture furtive dans plusieurs documents traitant de cet aspect démontre le degré d'implantation de cette pratique. Un rapport confidentiel de l'Observatoire géopolitique des drogues (OGD), remis en 1994, soulignait déjà que le Maroc est le premier exportateur mondial et le premier fournisseur du marché européen de cannabis. D'après cette étude, « le développement du commerce international du haschisch marocain n'est pas le seul fait de trafiquants européens…». Ce qui laisse supposer que des Marocains sont bel et bien impliqués dans ce trafic. Mieux encore, ce rapport faisait déjà état de l'implication de hauts responsables. « Très hiérarchisée », l'organisation du trafic intègre à la base « au moins 200 000 agriculteurs » dans le nord du pays. Au sommet, se trouvent « les commanditaires, barons de la drogue qui gèrent, financent et contrôlent, par intermédiaire interposé, la commercialisation ». La corruption assure aux réseaux de trafiquants l'appui des protecteurs, que l'on peut trouver associés au trafic à tous les niveaux, du plus humble fonctionnaire des douanes aux plus hauts responsables, en passant par tous les échelons de l'administration centrale, des administrations locales, des organisations politiques ou des institutions élues , précise encore le rapport. « Aucun des réseaux qui sont parvenus à conquérir un réel poids économique et politique n'a pu le faire sans la bienveillance des autorités », note l'étude. Tantôt protecteurs, tantôt commanditaires, les responsables impliqués dans les filières d'exportation du cannabis sont légion. L'étude citait déjà un ancien gouverneur de Tanger, Karim Laalj, qui aurait ainsi « joué un rôle déterminant dans la structuration des réseaux de trafiquants », avant d'être écarté. La liste des présidents de Chambres de commerce et d'industrie, de dirigeants de sociétés, de députés… est longue. Les choses n'ayant évolué que trop peu, ou pas du tout, cette première étude paraît d'une consternante actualité. Et pour cause, une autre, sortie récemment, faisant état de la même situation. Le rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), dépendant des Nations Unies, témoigne qu'au Maroc « la culture illicite du cannabis sur de vastes étendues demeure une préoccupation majeure ». Le rapport estime que 60 % à 70 % de la résine de cannabis saisie en Europe provient du Maroc. Pis, les zones où la culture de cannabis est pratiquée s'étendent désormais dans l'ouest et le sud du pays. Autre rapport, autres faits allant dans le même sens : une étude réalisée en février 2002 par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies. « Environ 90% du haschisch saisi en Europe en 1999 provenait du Rif marocain où il constitue la principale activité agricole », note cette étude. La drogue originaire du plus beau pays du monde est acheminée principalement par l'Espagne, et dans une moindre mesure, par le Portugal et la France, vers les autres pays européens. Certaines filières passeraient même par l'Algérie et la Tunisie ou y aboutiraient, note ce rapport. Concentrée dans la région du Rif, au nord du pays, la monoculture du kif, le plant de cannabis, couvrait, en 1993, entre 64 000 et 74 000 hectares, note le rapport, estimant que ces surfaces ont « été multipliées par dix en dix ans ». « Le Maroc est capable de produire annuellement plus de 1 000 tonnes de haschisch destiné à l'exportation », note le rapport. Moyen privilégié de dissimulation de la drogue destinée à l'exportation, la transformation des véhicules particuliers ou commerciaux est pratiquée dans une multitude de garages spécialisés. Des mécaniciens aménagent des caches destinées à tromper la vigilance des douaniers et l'odorat des chiens, tout en réduisant le poids du châssis et de la carrosserie en fonction de la quantité de drogue à transporter. Ce qui est à noter, c'est que cette activité ne profite même pas aux agriculteurs, mais plutôt aux barons du trafic de drogue, marocains mais aussi européens. Le rapport de l'ONU souligne d'ailleurs que les pays consommateurs tirent 98 % des revenus de la drogue, alors que les pays producteurs doivent se contenter du reste.