ALM : La CGEM a décidé de ne pas prendre part aux rencontres d'affaires qui se tiendront en marge de la visite officielle du Premier ministre turc. En tant que président de la commission des Conseils d'affaires de la CGEM pouvez-vous nous en dire plus quant aux raisons de cette décision ? Hakim Marrakchi : La CGEM a été sollicitée il y a quelques jours seulement pour mobiliser ses membres en vue de la visite de la délégation turque. Nous ne savons pas qui sont les hommes d'affaires turcs qui viennent, ni les secteurs dans lesquels ils opèrent. Sur le fond, la CGEM souhaite discuter avec ses homologues turcs de moyens visant à rééquilibrer les échanges bilatéraux. Des rencontres B to B ne permettraient que d'entériner la situation actuelle qui nous est fortement défavorable. La Turquie est un partenaire économique de taille. N'avez-vous pas peur qu'un tel incident (boycott) pèse sur les intérêts économiques du Maroc et nous mette dans une position d'adversité inutile ? La CGEM ne boycotte pas la rencontre. Elle y participe au niveau protocolaire. Le Premier ministre turc a effectué une visite officielle au Maroc, en marge de laquelle des rencontres B to B ont été organisées, sans que nous soyons avisés sur le fond. Ces rencontres ne constituent pas l'objet central de la visite et nous restons disposés à améliorer nos relations avec nos partenaires turcs dans un cadre concerté et équilibré. Le Maroc et la Turquie sont liés par un accord de libre-échange. Cet accord profite visiblement plus aux entreprises turques qu'aux entreprises marocaines. L'accord prévoit pourtant des mécanismes de concertation qui ont pour but justement de parer à ce genre de situations. En tant que patronat en avez-vous fait part au gouvernement ? Le rééquilibrage des accords de libre-échange figure parmi les points que la CGEM, représentant du secteur privé, a soumis au gouvernement dans le cadre de la plate-forme de travail public-privé qui lie la Confédération à l'Exécutif. Aujourd'hui, 7 ans après l'entrée en vigueur de cet accord, le déficit commercial avec la Turquie se creuse continuellement. Il s'est établi à près de 2 milliards de dirhams uniquement au cours des 3 premiers mois de cette année. Cet accord est également entaché par l'existence de nombreuses barrières non tarifaires avec des délais de dédouanement de marchandises marocaines qui peuvent prendre jusqu'à 40 jours : la Turquie a développé un dispositif de défense commerciale redoutable. Cet exemple montre combien il est regrettable de n'avoir pu préparer plus avant la rencontre avec nos partenaires turcs: les rencontres B to B sont avantageuses pour les exportateurs turcs mais ne permettent pas d'aborder les problèmes économiques réels que pose l'accord de libre-échange, ni même les opportunités qu'il pourrait nous offrir.