ALM: Un peu plus d'une année après votre arrivée au ministère de la fonction publique et de la modernisation de l'administration, peut-on parler déjà d'un premier bilan ? Abdelâdim El Guerrouj : Une année dans la durée du mandat d'un gouvernement peut sembler effectivement courte si l'on s'en tient à la réalisation de projets structurants et de grande envergure, ayant un impact fort et tangible auprès de l'opinion publique en général et du citoyen en particulier. Ce genre de projets s'inscrit inéluctablement dans la durée; l'essentiel étant de prendre le bon cap. D'un autre côté, la période d'une année pour un gouvernement peut être considérée comme suffisante pour poser les jalons de la mise en œuvre des engagements pris par le gouvernement, évaluer si les actions initiées à différents niveaux ont été bien entreprises, et commencer, d'ores et déjà, à tirer un premier bilan que l'on peut qualifier de bilan d'étape. Pour l'instant, il est certain que les actions engagées par le ministère de la FPMA ont permis, à ce stade, de le repositionner pour lui faire retrouver la place qui lui revient dans une logique de transversalité et dans le cadre d'une politique gouvernementale faisant de l'administration publique un acteur majeur du développement économique et social, de la moralisation de la vie publique et de la mise en œuvre d'une meilleure gouvernance publique. Pouvez-vous nous citer vos réalisations ? Sans être exhaustif, au titre des réalisations saillantes de l'année 2012, je cite la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle Constitution en ce qui concerne les nominations dans la haute fonction publique, pierre angulaire de la performance de l'action publique et la bonne gouvernance. En effet, j'ai veillé sur la mise en place d'une loi organique et son décret d'application qui prônent les principes de mérite, d'égalité, de reddition des comptes et de transparence. Un travail de fond pour l'élaboration d'une stratégie nationale de la modernisation de l'administration, première opération du genre dans notre administration. Le lancement, également pour la première fois, des travaux relatifs à l'élaboration de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. Ainsi le lancement d'un vaste programme de simplification des procédures administratives les plus utilisées par le citoyen et l'entreprise dont les fruits commencent à se faire ressentir (équivalence des diplômes, permis de conduire, carte grise…); la mise en œuvre des principes constitutionnels de bonne gouvernance dans la fonction publique. L'instauration du concours comme seul moyen d'accéder à la fonction publique, accompagnée de la création d'un portail dédié à la publication des offres d'emploi dans le secteur public (www.emploi-public.ma) permettant ainsi de garantir l'égalité des chances et le droit d'accès à l'information. La lutte contre l'absentéisme non justifié et non autorisé. Le programme national de communication pour la sensibilisation et la lutte contre la corruption. L'un des faits marquants de l'année 2012 a été l'adoption de la loi sur les nominations dans les hautes fonctions. Qu'en est-il aujourd'hui de son application ? Rappelons d'abord que la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle Constitution du Royaume représente une des missions majeures du gouvernement et qui passe par l'adoption d'un certain nombre de lois. La loi organique relative aux nominations aux emplois supérieurs en fait partie. Une des premières actions que j'ai entreprises a été la préparation et l'adoption par le Parlement, dès le début du mandat, de cette loi organique, qui consacre les principes constitutionnels du mérite, de la transparence, de l'égalité des chances, et de la reddition des comptes. Je rappelle que la mise en œuvre de l'application de cette loi a commencé en novembre 2012, après la promulgation du décret d'application, c'est-à-dire depuis 4 mois. Sur ces 4 mois, 140 nouvelles nominations ont été adoptées en Conseil de gouvernement prônant les principes de mérite et de transparence au service de l'objectif suprême de cette loi, à savoir doter l'administration publique de responsables de haut niveau, de profils en phase avec les nouvelles exigences de l'administration, en termes de performances et de souci profond de servir le citoyen. Pour revenir à la lutte contre la corruption, tout d'abord, quel est votre commentaire sur le classement du Maroc par les ONG internationales? Et pourquoi le choix de lancer une campagne de sensibilisation? Est-ce que vous avez d'autres mesures pour lutter contre ce fléau ? Tout d'abord, permettez-moi de préciser qu'il s'agit d'un programme national et non pas d'une simple campagne qui s'inscrirait dans un horizon de temps limité. Nous avons décidé de faire de la sensibilisation une action permanente devant préparer le terrain à la mise en place d'une stratégie nationale de sensibilisation, d'éducation, de prévention et de lutte contre la corruption, en impliquant l'ensemble des acteurs concernés. La 2ème vague de ce programme interviendra incessamment, après évaluation de la première étape qui s'est déroulée en décembre et janvier derniers. Dans l'état actuel des choses, toute action dans ce sens est la bienvenue. D'aucuns conditionnent cette sensibilisation par d'autres facteurs. Mais qu'est-ce qui nous empêche d'agir à ce niveau pour une meilleure mobilisation générale contre ce fléau qui obère le développement de notre économie et entrave les avancées démocratiques de notre pays. Pour ce qui est du classement du Maroc, il est vrai qu'il a été classé 88ème sur 176 Etats en 2012 d'après Transparency International et 80ème en 2011. Ce classement est à relativiser, puisque la note du Maroc s'est améliorée pour passer de 3.4 à 3.7. Par ailleurs, il s'agit d'un indicateur de perception et la démarche adoptée par cette organisation dans le classement des pays fait l'objet de controverses quant à la méthodologie adoptée et aux résultats surprenants pour le cas de certains pays. Pour agir efficacement dans ce sens, mon ministère conduit actuellement les travaux d'élaboration de la première stratégie nationale de lutte contre la corruption qui tient compte des acquis dont dispose notre pays et les actions nécessaires, à travers les axes suivants : actualisation et renforcement de l'arsenal juridique relatif à la lutte contre la corruption ; renforcement du cadre institutionnel des instances de la gouvernance ; adoption des mesures préventives basées sur le renforcement des institutions du contrôle et de reddition des comptes ; éducation et communication, et enfin partenariat et coopération internationale. Vous avez présenté une ambitieuse stratégie pour la modernisation de l'administration publique. Où en êtes-vous aujourd'hui dans sa mise en œuvre ? Permettez-moi de préciser qu'il ne s'agit nullement de faire de la modernisation une simple ambition velléitaire, bien au contraire, c'est une stratégie réaliste basée sur des projets de modernisation ciblés et concrets, prenant en considération nos engagements ainsi que tous les moyens mobilisables. Cette stratégie repose sur trois leviers majeurs, à savoir la valorisation du capital humain, le «réingeneering» des procédures et la réorganisation des structures. Aussi, cette stratégie place le citoyen au cœur des politiques publiques et permet ainsi de créer une nouvelle confiance entre le citoyen et l'administration. Mon ministère s'est engagé dans la mise en œuvre de cette stratégie, et ce, à travers des projets concrets de simplification des procédures administratives, leur dématérialisation, le développement de l'administration électronique et l'amélioration de l'accueil dans les administrations. Aussi, un vaste chantier relatif à la déconcentration est en cours, devant promouvoir les services de proximité, le développement de la vision et des compétences régionales et locales, afin de renforcer l'efficacité et la bonne gouvernance dans le cadre de la régionalisation avancée. Six commissions thématiques ont été créées dans le cadre du dialogue social. Les travaux de ces commissions avancent-ils toujours sachant qu'une haute commission de concertation vient d'être créée ? La création des commissions thématiques constitue une mise en pratique de la méthodologie adoptée en commun accord entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Ces commissions ont eu pour mission d'étudier des sujets structurants d'un caractère précis et technique de la part de spécialistes des deux parties. Quant à la Haute commission du dialogue social, elle concrétise l'approche de dialogue que le gouvernement adopte avec ses partenaires sociaux et économiques. C'est une instance pour entamer le dialogue et la concertation entre toutes les parties concernées en vue de traiter différents sujets et de parvenir à déterminer des orientations à même de promouvoir le développement économique et social du pays. Enfin, est-ce que vous pouvez nous parler du plan d'action de votre ministère en 2013 ? J'ai établi, dès ma nomination, un plan d'actions stratégiques pour toute la durée du mandat, matérialisé par une contractualisation avec les différentes directions du ministère. Plusieurs projets ont déjà abouti, d'autres sont en cours de réalisation et représentent les actions structurantes et majeures au titre de cette année 2013. Sans être exhaustif, je peux citer des projets parmi les nombreux chantiers en cours de réalisation : la modernisation de toute l'administration, le projet de loi sur le droit d'accès à l'information, le projet de refonte du statut général de la fonction publique, la mobilité dans l'administration, la lutte contre la corruption, la formation continue, la fusion de l'Ecole nationale d'administration (ENA) et l'Institut supérieur de l'administration (ISA), ainsi que le projet de charte des services publics. Droit de grève La loi organique de la grève reste un point litigieux entre le gouvernement et certains syndicats. Cette loi verra-t-elle le jour prochainement en dépit de ces divergences ? ? Concernant la loi sur la grève (article 29 de la Constitution), il s'agit d'une disposition constitutionnelle que le gouvernement est appelé à mettre en application et, à ce titre, il s'est engagé à travers son programme législatif. Cela se justifie par la détermination à préserver l'exercice du droit de grève tout en garantissant les droits des autres parties prenantes.