Pour gagner la guerre en Afghanistan, le président Barack Obama doit vaincre sur deux autres fronts. Le premier se trouve au Pakistan, pays frontalier de l'Afghanistan et troisième puissance nucléaire en Asie. Le deuxième front se trouve ici même aux Etat Unis : c'est celui de l'opinion publique américaine. Le Pakistan – pays avec lequel Washington est lié par un dialogue stratégique – est important car il abrite les sanctuaires des dirigeants d'Al-Qaïda, qui restent au cœur des préoccupations américaines. Le rapport sur la stratégie militaire en Afghanistan présenté au président Obama cette semaine, rappelle d'emblée que « l'objectif premier des Etats Unis en Afghanistan et au Pakistan est de démanteler et éventuellement de défaire une fois pour toute » le réseau d'Oussama Ben Laden. Le rapport qui a été partiellement publié jeudi, revient sur l'importance du rôle que joue l'armée pakistanaise dans la province du nord-ouest : une zone tribale où l'autorité d'Islamabad a souvent été plus que symbolique. Cette région frontalière avec l'Afghanistan est la cible presque quotidienne des attaques téléguidé des drones américains. Washington est convaincu que ces contrées montagneuses et difficiles d'accès, abritent les sanctuaires ou se cachent les leaders d'Al-Qaida, qui trouvent refuge chez les combattants de la branche pakistanaise des Talibans. Mais pour réaliser des avancées sur le front pakistanais, Barack Obama sait qu'il doit ménager le gouvernement et – surtout – l'armée du Pakistan. Pendant sa comparution devant les medias jeudi, il n'a pas oublié de saluer les offensives militaires déjà lancées par Islamabad dans la région frontalière. Cependant, il a précisé qu'éliminer ces sanctuaires nécessite davantage d'efforts. Car « les progrès n'ont pas été assez rapides, donc nous allons continuer à insister auprès des dirigeants pakistanais pour qu'ils s'occupent des repaires de terroristes au sein de leurs frontières», a-t-il ajouté. En Afghanistan, le rapport souligne les progrès réalisés sur le terrain depuis l'augmentation des effectifs militaires décidée par Obama en 2009. Ces progrès permettent d'envisager avec une certaine sérénité la date de juin 2011 pour commencer un retrait partiel des troupes. Mais là aussi, le doute est permis, surtout si l'on croit les conclusions auxquelles sont parvenues différents services secrets américains. D'après le New York Times, ces conclusions dressent un tableau sombre de la situation en Afghanistan, où la guerre ne pourra pas être gagnée tant que les responsables pakistanais continuent à ne pas coopérer pleinement avec l'administration américaine. A cela vient s'ajouter «la corruption endémique qui sévit à tous les niveaux du gouvernement du président Afghan Hamed Karzai ». Cette donne, confirmée, entre-autres, par les récentes révélations du site WikiLeaks, vient compliquer encore davantage la stratégie de la Maison Blanche qui prévoit de remplacer les troupes américaines par des soldats afghans, nouvellement entrainés. Or, répondent les critiques de la politique des Etats Unis en Afghanistan, « vous ne pouvez pas faire confiance à un gouvernement corrompu pour qu'il prenne efficacement la relève d'opérations militaires, qui demandent un degré très élevé de compétence et de discipline». Enfin au niveau interne, la publication du rapport vise à rassurer une opinion publique de plus en plus sceptique quant à la pertinence de cette guerre ! Un sondage réalisé par ABC News et le Washington Post révèle que 60 pour cent des Américains estiment que cet effort militaire «ne vaut pas le coup ». Le même sondage indique que plus de la moitié des Américains considère que l'été 2011 est le bon moment pour commencer le désengagement militaire américain de ce pays lointain. Et puis il y a le cout financier de la guerre : 100 milliards de dollars par an, qui viennent s'ajouter au déficit public dont souffre le budget fédéral. Un chiffre pareil en temps de crise et à deux ans de l'élection présidentielle de 2012, n'est pas fait pour rassurer les stratèges électoraux du président américain; même si celui-ci demeure – pour l'instant du moins - très populaire parmi ces concitoyens.