Il est de coutume que le gouvernement présente son premier bilan à mi-mandat devant le parlement, non pour avoir un vote de confiance, mais tout simplement pour informer les représentants de la Nation et à travers eux l'opinion publique sur ce qui a été fait et ce qui ne l'a pas été en renouvelant son engagement pour le restant de son mandat. Un tel exercice est nécessaire pour animer la vie démocratique et faire revenir une bonne partie des citoyens qui ont déserté la vie politique à s'intéresser de nouveau à la chose publique. Le pays a besoin d'un nouveau souffle démocratique. Le gouvernement a joué jusqu'à présent dans la « discrétion » comme s'il est interdit de parole et son chef le reconnait officiellement. Ainsi, le Chef du Gouvernement, lors de ses rares interventions, ne cesse de répéter que lui et son gouvernement sont là pour travailler et non pour parler. Le bon sens voudrait que lorsqu'on travaille assez, voire beaucoup, on a forcément des choses à dire, des projets à expliquer, des plans à exposer. Ce lien « organique » entre le peuple et son gouvernement, franchement, on ne le voit pas. La « messe » prononcée chaque jeudi par le porte-parole du gouvernement au terme de la réunion hebdomadaire, demeure statique, au point qu'on aurait pu se contenter de l'envoi de la déclaration aux médias qui s'occuperaient de sa diffusion. Tout ce qu'on y apprend, consiste à connaitre les noms des heureux promus aux postes de responsabilité. Une opération qui passe rarement sans faire du bruit tellement la méfiance est de mise et une bonne partie des citoyens ne croient plus, à tort ou à raison, à la sincérité de la procédure suivie pour désigner les responsables dans le cadre de l'article 92 de la Constitution. Un gouvernement est là pour corriger les dysfonctionnements, imaginer des solutions, soulager les douleurs de ceux qui souffrent et qui manquent de beaucoup de choses, réduire le fossé entre « ceux qui ont tout et ceux qui n'ont rien » pour reprendre le « témoignage poignant » exprimé par une jeune étudiante lors d'une consultation de la commission nationale sur le nouveau modèle de développement. On ferait mieux d'écrire « le mort-né NMD » ! C'est par rapport à ces impératifs qu'il convient d'apprécier le bilan gouvernemental. Bien sûr, il faut récuser toute démarche nihiliste qui présenterait notre pays comme si rien de positif ne s'y produit. Beaucoup de choses ont été réalisées et d'autres sont en cours de réalisation. Cette chronique ne se prêterait pas à faire l'inventaire de tout ce qui a été fait dans différents domaines à la fois économiques, sociaux et culturels. Cependant, on ne manquera pas de souligner les victoires engrangées par notre pays en faveur de notre cause nationale et de la consolidation de notre intégrité territoriale. Aussi, on rappellera avec force le projet de la généralisation de la protection sociale dont il faut espérer qu'il aille à son terme. Pour ce faire, le gouvernement doit veiller à réunir les conditions de son succès à travers notamment la mise en œuvre intelligente des textes de loi votés au parlement et ne pas céder au charme trompeur de la « marchandisation de la santé ». Tout comme d'ailleurs le domaine de l'éducation où rien n'est encore réglé après ce bras de fer qui a opposé le gouvernement et les enseignants (à travers les syndicats les plus représentatifs et les « tansikiate »). Mais reconnaissons que le gouvernement n'a pas été au rendez vous sur d'autres aspects. Il n'a pas fait assez en matière de protection du pouvoir d'achat de la population car il est resté prisonnier de dogmes en croyant aux vertus du marché et en s'occupant davantage de la défense de ses intérêts de classe. Autrement, comment expliquer son silence face aux appels qui lui ont été adressés de toutes parts et de tous les milieux l'invitant à réguler le prix des hydrocarbures et remettre en service la SAMIR ? En définitive, tout laisse croire, sauf miracle au cours de la deuxième mi-temps de son mandat, que le gouvernement ne parviendra pas à tenir ses engagements qu'il a déclinés d'une façon chiffrée à l'horizon 2026. Il s'est engagé à réaliser un taux de croissance moyen de 4% au cours de son quinquennat, les résultats sont hélas loin du compte : 1,3% à peine en 2022 et 2,8 % en 2023. Par ailleurs, le gouvernement nous a promis de créer 1million d'emplois, soit une moyenne annuelle de 200000. Le résultat est plus que décevant. Au lieu de créer des emplois, le gouvernement crée des problèmes en détruisant des centaines de milliers d'emplois existants, fussent-ils des emplois non rémunérés et précaires. Devant cet échec patent, il s'est engagé à rattraper le temps perdu au cours du restant de son mandat pour faire de l'emploi sa première priorité. Prenons-en acte. Le même constat d'échec pour le taux d'activité des femmes qui est l'un des plus bas au monde. L'engagement qui consistait à porter ce taux à 30% en 2026, au lieu de 20% en 2021 est tombé à l'eau et relève désormais d'un miracle. Au contraire, ce taux a baissé à 19 % en 2023. Le gouvernement avance mais à reculons ! En outre, tous les engagements relatifs à la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités sociales consistant à retirer un million de ménages de la pauvreté et de la précarité et à ramener l'indice de Gini à 39% au lieu de 46,4%, relèvent du domaine de vœux pieux tant que les politiques publiques consistent à déshabiller « Bourbaïme » pour habiller « Boukidar ». Ces noms amazighs sont pris à bon escient pour rappeler l'engagement du gouvernement à créer un fonds spécial de 1 milliard DH à l'horizon 2025 pour l'opérationnalisation de la loi organique fixant les étapes de la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe et les modalités de son intégration dans l'enseignement et dans les différents secteurs prioritaires de la vie publique. En 2024, ce fonds est doté de 300 millions DH à peine. Mais là où le gouvernement a fonctionné « à minima » et mérite un « carton jaune » c'est au niveau de la promotion des valeurs démocratiques. Ce déficit démocratique venant s'ajouter aux déficits commercial et budgétaire, se manifeste à travers les relations du gouvernement, avec l'opposition parlementaire et les partis d'opposition, ses hésitations dans l'accomplissement de certaines réformes fondamentales dont la procédure pénale, la lutte contre l'économie de rente, la corruption, les conflits d'intérêts et le « mariage illégal » entre l'argent et la politique. Le gouvernement va-t-il enfin prêter l'oreille aux critiques fondées qui lui sont adressées et interroger sa conscience pour rectifier le tir et repartir sur de nouvelles bases : en mettant en avant les intérêts nationaux ; en prenant en considération les attentes et les besoins de notre peuple ; et en étant à la hauteur de la réputation dont jouit notre pays sur le plan international ?