Pour un « coup de gueule », ç'en est vraiment un et c'est le moins que l'on puisse dire en voyant qu'après avoir coupé tout contact avec le Premier ministre israélien au motif qu' « il n'est plus quelqu'un avec qui l'on peut parler », le Président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a indiqué que son pays « travaillait en coulisses », avec ses alliés régionaux, pour tenter de garantir un flux ininterrompu d'aide humanitaire, à Gaza, a rappelé, pour consultation, l'ambassadeur d'Ankara en Israël et refusé de rencontrer le chef de la diplomatie américaine, attendu, ce dimanche, dans la capitale turque. Cette visite du chef de la diplomatie américaine à Ankara qui est la première depuis qu'Israël est entré en guerre contre le Hamas, en riposte à l'attaque perpétrée par les combattants du mouvement islamiste palestinien le 7 octobre dernier, intervient au moment où la colère contre l'Etat hébreu et l'Occident se fait entendre de plus en plus dans les rues de Turquie et jusque dans le palais présidentiel dès lors que les incessants bombardements de Tsahal ont donné lieu à un « massacre immoral, sans scrupule et méprisable » des populations civiles de Gaza, en majorité des femmes et des enfants. C'est à ce titre, d'ailleurs, que pour disperser les centaines de manifestants qui s'étaient rassemblés dimanche devant une base aérienne abritant des forces américaines dans le sud-est du pays, la police turque a fait usage de bombes lacrymogènes et de canons à eau. Aussi, pour éviter de rencontrer personnellement Antony Blinken qui vient à Ankara pour tenter d'apaiser la colère de l'un des alliés les plus stratégiques mais aussi les plus difficiles de Washington, Recep Tayyip Erdogan a laissé à son ministre des Affaires étrangères, Hakan Fidan, le soin de recevoir son homologue américain. A noter qu'avant de venir en Turquie, le diplomate américain s'était d'abord rendu à Tel Aviv puis à Amman, la capitale du royaume hachémite, où il a tenu une séance de travail avec les ministres des Affaires étrangères de Jordanie, d'Egypte, d'Arabie Saoudite, du Qatar et des Emirats Arabes Unis consacrée aux attaques israéliennes contre Gaza et a rendu une visite « surprise » au président de l'autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, en Cisjordanie. De là, le diplomate américain s'était rendu dans la partie grecque de l'île de Chypre où il a rencontré le président Nikos Christodoulidis puis à Baghdad où il s'est entretenu avec le Premier ministre irakien, Mohammed Shia al-Sudani, de l'évolution de la situation à Gaza. Mais, pour bien faire comprendre à la Maison Blanche qu'il condamne fermement le « soutien sans limite » qu'elle apporte à l'Etat hébreu, le président turc a préféré poursuivre son voyage en province et se rendre, lundi, au village d'Ayder, au nord-ouest du pays, afin d'observer « la transformation urbaine » de cette région, laissant, ainsi, à son ministre des Affaires étrangères, le soin d'entamer, avec le chef de la diplomatie américaine, les discussions se rapportant à la guerre entre le Hamas et Israël alors même que cette dernière menace d'avoir d'importantes répercussions sur les relations entre les Etats-Unis et la Turquie du moment que, tout en étant membre de l'OTAN, Ankara est très impliquée dans les conflits du Moyen-Orient. Les Etats-Unis vont-ils tenir compte du message clair et sans équivoque qui leur a été adressé par le président Recep Tayyip Erdogan et obliger leur protégé israélien à rebattre ses cartes, plier l'échine et tempérer son ardeur ? Attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI