Abdelhak Najib Comme prévue, l'armée israélienne a lancé son offensive terrestre et aérienne sur la bande de Gaza, à partir du 30 octobre 2023. Tsahal affirme avoir frappé plus de 600 cibles ces dernières 24 heures. Le bilan dépasse dorénavant les 8 500 morts à Gaza. Certaines sources avancent que la barre des 10 000 morts a déjà été franchi et que le pire est à craindre durant les prochains jours alors que des voix du monde entier insistent sur le fait que l'Etat d'Israël est en train de finaliser avec cette attaque de grande envergure son projet d'épuration ethnique poussant ce qui reste des Gazaouis à fuir en Egypte, dans le Sinaï. Hay Al Rimal, le quartier de l'université, la tour de Palestine, le camp Achatee, Deir Al Balah, Khan Younès, Jabaliya, El Shati, Maghazi, El Bureij, Nuseirat et des quartiers comme al-Daraj, Zaytoun, et al-Tuffah, ainsi que de nombreuses villes et quartiers ont reçu, depuis le début de la guerre dans les territoires palestiniens occupés, un déluge de missiles et de bombes réduisant de nombreuses zones en ruines et décombres. On peut citer des dizaines de quartiers entiers, qui ont été rasés de la carte par l'armée israélienne en trois semaines de guerre sans répit, avec des bombardements, jour et nuit, en ciblant des hôpitaux, des mosquées, comme c'est le cas de la mosquée al-Gharbi, al-Soussi et la mosquée Yassin, entre des dizaines d'autres qui n'existent plus. Les bombes ont aussi dévasté des usines, comme c'est le cas de la fabrique de lait qui a été bombardée par Tsahal privant les citoyens et surtout les enfants de lait. Cette offensive terrestre qui a pris un tournant, le lundi 30 octobre 2023 a coupé la bande de Gaza en deux zones : le nord et le sud. Selon de nombreux témoins que nous avons contactés, des journalistes, des artistes vivant à Gaza et des auteurs, hommes et femmes : « l'armée israélienne contrôle déjà le nord de la bande et pousse les habitants à fuir vers le sud. Le but est de rassembler le maximum des Gazaouis dans le Sud à la frontière avec l'Egypte avant de nous exiler tous vers le Sinaï. L'armée israélienne avance qu'elle veut nettoyer la bande de Gaza des terroristes, c'est pour cette raison qu'elle veut évacuer les populations en dehors de la bande », comme l'affirment de nombreux citoyens qui ont perdu maison, femme et enfants. D'ailleurs, depuis le 7 octobre 2023, ce sont 3 457 enfants et 2 136 femmes qui figurent parmi les morts recensés. Ce sont pas moins de 881 familles qui ont été touchées par l'offensive israélienne. Plus de 21 000 personnes ont été blessées dans la même période dans ce territoire palestinien. Aujourd'hui, les chars israéliens sont arrivés aux abords du quartier Al-Zeitoun dans la ville de Gaza, selon plusieurs témoins qui ont filmé l'invasion : «Ils ont coupé la route de Salaheddine (reliant le nord au sud) et tirent sur tout véhicule qui y circule», comme l'a précisé l'un d'eux. Partout, selon des milliers de témoins qui ont partagé ce qu'ils ont vu et filmé sur les réseaux sociaux, les scènes sont les mêmes montrant un territoire qui a basculé dans l'horreur. Des morts, des fosses communes et des ruines partout, avec des victimes toujours sous les décombres faute de moyens pour leur venir au secours. Une guerre totale Les forces terrestres israéliennes ont franchi un nouveau palier dans leur guerre contre Gaza. L'armée a mené, le 30 octobre 2023, plus de 150 attaques à l'aide d'avions de chasse, d'hélicoptères de combat et de drones détruisant de nombreux quartiers et semant la terreur au sein des populations. L'armée israélienne a dit avoir également frappé plusieurs cibles en Syrie en réponse à des tirs de roquettes. La même journée, l'armée israélienne a signalé des échanges de tirs à la frontière avec le Liban. C'est dire qu'Israël veut élargir le champ de ses attaques et embraser toute la région en impliquant le Liban et la Syrie dans le conflit. Une menace d'embrasement prise très au sérieux par plusieurs pays dont la Russie et la Chine qui redoutent une riposte iranienne faisant voler en éclat les minces chances de voir cette guerre contenue dans les frontières palestiniennes. Selon plusieurs observateurs, le plan israélien est clair : faire enflammer toute la région et chasser tous les Palestiniens de ce qui reste des territoires occupés, tournant ainsi la dernière page de ce conflit qui dure depuis 1948. Israël entend, avec cette nouvelle stratégie, rééditer la victoire de 1967. Car, il faut le savoir, le plus grand changement dans les frontières de la région s'est produit en 1967, lorsque le conflit connu sous le nom de guerre des Six Jours a amené Israël à occuper la péninsule du Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la plupart des hauts plateaux du Golan syrien, triplant ainsi la taille du territoire sous son contrôle. Pour parachever ce plan, Israël doit impérativement nettoyer Gaza des populations palestiniennes. D'où cette invasion du 30 octobre qui signe le début d'un chapitre nouveau dans la guerre en Palestine. Les colons prennent les terres des Palestiniens Entre-temps, Gaza brûle de toutes parts, surtout les régions du Nord poussant des dizaines de milliers de personnes à fuir. Cette politique de la terre brûlée, aussi vieille que l'humanité, est très efficace pour vider les lieux et occuper tout le territoire, d'abord par les soldats et les tanks, ensuite, par de nouveaux colons, comme cela a été le cas entre 1993 et 2000. Puis entre 2000 et 2023, une période durant laquelle le nombre de colonies a littéralement explosé, avec à fin 2021, environ 280 colonies et avant-postes, tous illégaux, dont 138 sont officiellement reconnues par le gouvernement israélien. En mars 2022, selon les Nations Unies, le nombre de colons israéliens atteignait les 710 000 personnes. Le taux de croissance de la population des colons a d'ailleurs augmenté de 42% par rapport à 2010. Ce taux a augmenté de 222% entre 2000 et 2021. En 2022, et sur l'année 2021, le Palestinian Central Bureau of Statistic comptabilise 483 sites occupés, avec 151 colonies, 163 avant-postes, 25 avant-postes reconnus comme colonies et 144 autres constructions, notamment des bases militaires pour assurer la pérennité des colonies. Le Conseil de Sécurité des Nations unies en décembre 2022, a indiqué que 4800 unités de logement ont été construites en 2022 dans la seule zone C (60% de la Cisjordanie occupée), contre 5 400 en 2021. En ce qui concerne Jérusalem-Est, les chiffres ont triplé par rapport à l'année dernière, avec 900 unités en 2021 contre environ 3100 en 2022. Voici comment Israël procède pour occuper les terres palestiniennes. Dans cette approche et pour plus d'efficacité l'Etat d'Israël procède à des destructions et des démolitions de biens palestiniens. En 2022, le bureau des Nations Unies de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) recensait 954 destructions de structures dont 82% ayant eu lieu en zone C et 15% à Jérusalem-Est. Ces démolitions entraînent des conséquences importantes : elles ont engendré le déplacement de 1032 personnes. Depuis début 2023, et en date du 18 avril 2023, 291 structures ont déjà été démolies, engendrant le déplacement de 415 personnes. Il faut savoir que la destruction de biens mobiliers ou immobiliers par une puissance occupante est interdite par l'article 53 de la IV Convention de Genève. Des lois internationales dont Tel-Aviv fait fi défiant toutes les instances internationales et continuant à chasser des Palestiniens en donnant leurs terres à de nouveaux colons, dans une logique implacable : pour chaque Palestinien chassé, ce sont 10 Israéliens qui s'installent à sa place.