Le Maroc, à l'instar des pays arabes, s'oppose au déplacement des Gazaouis vers l'Egypte. Un exode qui signifie la liquidation totale de la cause palestinienne. Décryptage. À l'heure où nous écrivons ces lignes, les Palestiniens continuent de subir les bombardements intensifs de l'armée israélienne qui veut aller plus loin en pilonnant davantage la bande de Gaza dans les jours à venir, à en croire le porte-parole de Tsahal, le général Daniel Hagari. Dans sa volonté d'en finir avec le Hamas, considéré comme groupe terroriste par les Israéliens et leurs alliés occidentaux, et comme une faction de résistance par les Gazaouis, l'armée israélienne n'épargne pas les civils dont plus de 4100 sont morts depuis le début de l'assaut aérien de Tsahal qui s'apprête à envahir la bande par une opération terrestre de grande envergure. Opération sans cesse retardée, le temps de régler la question des otages pris par le Hamas au début de son assaut baptisé « Déluge d'Al-Aqsa ». Or, la communauté internationale s'inquiète du coût humain d'une telle entreprise vindicative de la part d'Israël, dont même les alliés, Etats-Unis et Union Européenne, qui le soutiennent inconditionnellement, préviennent Tel-Aviv de la nécessité de prendre en compte le droit humanitaire. Pour le côté arabe, l'heure est au cessez-le-feu. C'est ce qui ressort du Sommet de la Paix qui s'est tenu, samedi, au Caire, et auquel a participé le Maroc par l'intermédiaire du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Cesser les hostilités signifie la fin du cauchemar humanitaire, a souligné le Secrétaire Général de l'ONU, Antonio Guterres, profondément inquiet du carnage qui règne à Gaza, dont la population est sous embargo israélien et se voit ainsi recluse dans la plus grande prison à ciel ouvert au monde. Une prison où les missiles tombent du ciel à longueur de journée. Hormis l'arrêt des bombardements, les habitants gazaouis n'ont nul autre choix que de fuir l'enfer par les corridors humanitaires, notamment le passage de Rafah, toujours fermé aux civils et par lequel est passé, toutefois, un convoi d'aide humanitaire pour la première fois. Déplacement vers Sinaï, solution intenable ! Israël a invité les populations civiles à évacuer Gaza, mais vers où ? Vers l'Egypte dans le désert du Sinaï ? Pas question pour les pays arabes, dont le Maroc qui s'est vivement opposé à cette option qui signifie un exil forcé pour les Gazaouis, d'autant plus que rien ne garantit leur retour à leur pays après la guerre dont personne ne connaît la durée. Peut-être risque-t-elle de durer des années. Au nom du Royaume, le Chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a rejeté "toutes les solutions et idées visant à déplacer ou à déporter les Palestiniens de leur territoire et à mettre en danger la sécurité des pays voisins". En effet, le gouvernement de Benjamin Netanyahu, le plus extrême des cabinets israéliens depuis des années, pousse vers cet exode collectif des habitants gazaouis au mépris des mises en garde de l'Egypte qui redoute fort bien ce scénario. Le Caire craint de se voir empêtré dans une situation critique avec des milliers de réfugiés dans le désert du Sinaï. Le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, en a horreur et n'a pas manqué de le faire savoir lors de son tête-à-tête avec le Chancelier allemand, Olaf Schulz, quand il a dit que le déplacement forcé des civils vers son pays signifierait définitivement la fin de la cause palestinienne et l'enterrement du rêve d'un Etat palestinien indépendant. Le président égyptien, qui n'a jamais haussé le ton aussi fermement contre les Israéliens, craint que Tsahal tente de lui faire un coup insidieux en lui déléguant "le problème des Gazaouis" par les appels à évacuation. Le spectre d'une nouvelle Nakba ! Le Caire estime que ce déplacement forcé, tant souhaité par les Israéliens, risque de "déplacer la résistance palestinienne" dans le territoire du Sinaï. Ce qui pourrait aboutir à une situation inédite où Israël pourrait être ciblé par attaques depuis l'Egypte. C'est le spectre de l'escalade qui revient entre les deux pays qui ont tourné la page de la guerre depuis des décennies après les accords de Camp David. Cela dit, tout déplacement forcé des Gazaouis vers l'Egypte ressemblerait à la Nakba de 1948. Sortir de l'engrenage par le haut Pour éviter cet engrenage, le Maroc, pour sa part, a plaidé pour la désescalade et multiplie les appels "à cesser l'effusion de sang et les agressions militaires, et à épargner à la région des affres d'un conflit qui risque d'anéantir ce qui reste des chances de la paix et de la stabilité". Le Maroc a rappelé également l'essentiel. Il ne saurait y avoir de paix durable au Proche Orient sans qu'il ait deux Etats, un israélien et un palestinien, vivant côte à côte dans les frontières tracées par les Résolutions des Nations Unies. Nasser Bourita a souligné "l'impératif de lancer un véritable processus de paix qui mène à la solution à deux Etats, avec un Etat palestinien dans les frontières du 4 juin 1967, avec Al Qods-Est comme capitale". Aussi, le ministre a-t-il insisté, au nom du Maroc, sur l'urgence d'ouvrir davantage les corridors humanitaires et sur l'obligation de respecter le droit international qui interdit le ciblage des populations civiles. Ce qui ne semble pas être actuellement une préoccupation pour l'armée israélienne dont le ministre de la Défense, Yoav Galant, a dit publiquement et sans vergogne, au lendemain de l'attaque du Hamas, qu'il privera les Gazaouis de l'eau, de l'électricité et des vivres, les traitant d'"animaux humains". Une déclaration qui n'a étonnamment pas suscité l'écœurement des gouvernements occidentaux. Duplicité occidentale ! Cependant, ces propos ne sont pas passés inaperçus et ont fait couler beaucoup d'encre partout dans le monde, y compris en Occident où les opinions publiques commencent à hausser le ton contre leurs gouvernements qui soutiennent inconditionnellement Israël. La prise d'assaut du siège du Capitole américain par des foules de manifestants indignés en est un parfait exemple qui signifie qu'il est impossible d'enterrer la cause palestinienne dans l'esprit des gens quoi qu'on fasse, même à coup de lavage de cerveau médiatique. Les chancelleries occidentales font ainsi preuve d'un deux poids-deux mesures flagrant en restant silencieuses face à la mort des civils palestiniens tout en condamnant unanimement la guerre de la Russie en Ukraine.