Le Hamas ne sera pas en position d'émettre un veto sur les décisions de l'Autorité palestinienne relatives au désengagement de Gaza, ni d'exiger la fixation de la date des élections législatives. Depuis le mardi 12 juillet, après des attentats-suicide, des opérations des hélicoptères israéliens ont fait 8 morts à Gaza et plusieurs blessés civils. D'autre part, des tirs de rockets et de fusées Kassam contre le territoire israélien, la ville de Sdérot et le Néguev occidental ainsi que les colonies encore habitées de Gouch Katif, au sud de Gaza ont fait dix morts et des dizaines de blessés. Tous les attentats ont été montés par le Jihad islamique puis par le Hamas qui ne voulait pas laisser, à son petit concurrent, la seule intervention. L'action aérienne n'est pas seulement une réplique, mais aussi une provocation, disent des analystes israéliens, contre la « Houdna ». A partir de jeudi soir, de véritables combats sont ouverts entre la police palestinienne et les militants du Hamas, accompagnés de ceux du Jihad. Ces tirs entre Palestiniens s'étaient multipliés et se poursuivaient dans les rues de Gaza faisant de nombreux morts de tous les côtés. Cela n'a pas empêché le porte-parole du Hamas de déclarer : « il est évident que nous ne cherchons pas l'escalade », dans les relations avec l'Autorité palestinienne. L'autre escalade contre Israël s'est ajoutée à cette situation, le Hamas ne pouvant plus séparer la lutte contre l'Autorité palestinienne, de celle contre les Israéliens. Cependant, dans la réalité, un nouveau rapport de forces s'était créé, le Hamas ayant décidé de prendre part à la politique palestinienne, en acceptant de devenir une partie de l'OLP et de participer aux élections parlementaires, quelle qu'en soit la date. Le Hamas a accepté de participer à la «négociation politique», face à l'Egypte et n'a pas adopté la «pause» comme seulement une mesure militaire mais aussi politique : il s'était, donc, créé un nouveau rapport entre les parties. L'analyste Dany Rubinstein du journal Haaretz, est allé, jeudi dernier, jusqu'à parler de « Troisième Intifada du Hamas contre l'Autorité palestinienne. En effet, le Hamas est opposé à Mahmoud Abbas (Abou Mazen), et la population de Gaza n'admet pas la reprise des tirs de Kassam. Dans l'atmoshpère de cette nouvelle situation, selon le Hamas, les attaques contre Israël sont une mission sacrée». Et celui qui s'y oppose est considéré comme un non-patriote. Le président Mahmoud Abbas, accompagné du Premier ministre Ahmed Qorei (Abou Ala) et, en particulier du ministre de l'Intérieur, Nasser Youssef, a ainsi, provoqué à nouveau la colère du Hamas. Cette violence s'est focalisée sur Nasser Youssef, qui, face au silence des autres ministres, a mené le combat à lui seul. Mais il est loin de cacher la rage du Hamas contre les réels patrons Abou Mazen et Abou Ala. Le vrai reproche fait à Abou Mazen est d'avoir violé son engagement d'organiser les élections parlementaires à la date promise, soit le 17 juillet 2005. Le Hamas espérait que les élections se dérouleraient à l'ombre du désengagement israélien de Gaza, que le mouvement orthodoxe aurait voulu présenter comme une fuite d'Israël devant ses actions. Le Hamas n'a donc pas voulu accepter de voir Abou Mazen « lui brouiller les cartes ». C'est pourquoi la reprise massive des tirs de Kassam (114 fusées…) a été concomitante à l'arrivée de Mahmoud Abbas à Gaza. Sans omettre de signaler que le Hamas ne pouvait supporter qu'un petit groupe, le Jihad, puisse mener, seul, le combat contre Israël… A présent, le Hamas ne sera pas en position d'émettre un veto sur les décisions de l'Autorité palestinienne relatives au désengagement de Gaza, ni d'exiger la fixation de la date des élections législatives. En fait, il apparaît que le Hamas semble plus fort lorsqu'il se contente de menacer que lorsqu'il essaie d'émettre sa menace à exécution. La violence des tirs de Kassam entraîne l'affaiblissement de l'Autorité palestinienne et augmente le risque d'une reconquête de la Bande de Gaza par l'armée israélienne (Tsahal), voire même la perte du levier politique de l'organisation du Hamas, au lendemain du retrait de Gaza. En attendant, le monde entier se mobilise pour essayer d'éviter l'escalade de la confrontation après la centaine d'obus Kassam tirés sur le territoire israélien, provoquant, avec l'attentat suicide au centre de la ville de Netanya, une dizaine de morts israéliens. Et de l'autre côté les attaques aériennes ciblées contre les militants du Hamas, qui représentent une provocation à l'éveil du combat du Hamas, d'où les heurts violents entre l'organisation et les services de sécurité avec plus de vingt morts. Des dizaines de chars israéliens sont concentrés sur le territoire du Nord de Gaza avec un ordre de Sharon de réagir en cas de nécessité. Une délégation égyptienne est attendue pour sauver la situation et garantir le retrait coordonné. Dans l'attente de l'arrivée de la secrétaire d'Etat Condoleeza Rice, une dernière chance est donnée à Mahmoud Abbas pour «remettre au pas» le Hamas, ses services de sécurité palestiniens disposant de 40 000 hommes pour le faire, s'il le veut… Le Hamas s'est emprisonné dans une double pression. D'un côté, il veut conserver l'exclusivité du pouvoir de veto sur les relations de l'Autorité palestinienne avec Israël, à l'occasion du désengagement de Gaza. Face à la capacité de veto du Jihad islamique, qui diminue le monopole de l'usage de la force du Hamas contre l'autorité palestinienne. Il apparaît, à présent, que le Jihad lui a ravi le monopole, car ce petit mouvement n'a rien à perdre sur le plan politique et peut, donc, se permettre d'agir en toutes directions. D'un autre côté, le Hamas veut manifester son pouvoir en qualité de partenaire de l'Autorité palestinienne. Il se voit contraint de se conduire respectueux des accords qu'il a passés avec l'Egypte : donc, un cessez-le-feu. Le chef des services de sécurité égyptiens, en séjour à Gaza, l'a rappelé, dimanche dernier, aux dirigeants du Hamas qu'il a rencontrés. Il leur a demandé, brutalement « Avez-vous l'intention de faire de Abou Mazen un « nouveau Arafat » du point de vue des Israéliens ? C'est-à-dire, le mettre hors-jeu ? » Dans ces conditions, a-t-il ajouté «Israël sera peut-être amené à quitter Gaza sous le feu, mais le Hamas ne tirera aucun bénéfice politique si la Bande de Gaza continuait à être sous occupation israélienne directe ». L'Egypte bénéficie, actuellement, du concours de la Syrie qui vient, pour la première fois, d'accepter l'ouverture d'une ambassade palestinienne à Damas. L'Egypte a, également, demandé à la Syrie de calmer le terrain et de revenir au respect des ententes avec le Caire, afin de permettre un retrait ordonné, ainsi qu'un redéploiement des soldats égyptiens sur le couloir de Philadelphie (frontières entre l'Egypte et Gaza). De source égyptienne, la Syrie ferait preuve de bonne volonté, mais ne saurait pas exploiter toutes les cartes dont elle dispose. D'où le peu de détermination de son appel au calme envers les chefs du Hamas. De son côté, l'analyste Dany Rubinstein considère : « Le fait que la majorité des Palestiniens voit dans le retrait de Gaza, une victoire de l'Intifada, est bien connu, et d'ailleurs difficile de le contester. Des années de négociations du processus de paix n'ont pas abouti au retrait d'Israël de Gaza. L'idée du désengagement ne s'est imposée à Ariel Sharon, qu'après les attentats suicide, les fusées Kassam et les tirs d'obus. Même si les attentats ne sont pas, objectivement, la cause de cette décision, les Palestiniens, eux, en sont convaincus. Ils confirment qu'Israël ne comprendrait rien d'autre que le langage de la force et du terrorisme». Tout cela deviendrait, évidemment, indiscutable si les Israéliens se retiraient de Gaza sous le feu. Une telle ambiance, le Hamas se l'attribue, non sans raison, affirme Dany Rubinstein. Le désengagement doit transférer sous l'Autorité palestinienne de vastes territoires, puisque les colonies et les installations militaires israéliennes représentent 30 % de la bande de Gaza. Cette bande qui connaît une des plus grandes densités de la population dans le monde. Le Hamas veut participer au partage du butin, et dit «nous avons participé à cette situation avec notre sang, nous exigeons de participer aux décisions ». Et jusqu'au dernier jour, les dirigeants du Hamas étaient certains qu'il en serait ainsi. Ils avaient pris un accord avec Abou Mazen, portant sur deux points : le Hamas participera à la « Houdna » et, en contrepartie, il y aura des élections législatives. Le résultat de ces élections qui devaient avoir lieu le 17 juillet dernier, devait fixer le nouveau rapport de forces, en formant un gouvernement qui aurait reflété, en conséquence, le partage des postes et du butin laissé par les Israéliens. Le Hamas considère qu'il a tenu son engagement de cesser le feu, mais Abou Mazen l'a violé en renvoyant la date des élections,contrairement aux accords de base entre les deux parties. Le Hamas considère que le pouvoir reste ainsi dans les mêmes mains, «celles des corrompus qui veulent se partager entre eux les biens laissés par l'évacuation des Israéliens. Donc le Hamas considère qu'il ne récoltera pas les fruits de son combat ». Un compromis possible est apparu, à cette situation que le Hamas ne pouvait accepter, la création d'une commission commune chargée de la gestion des biens laissés par les Israéliens. Les gens du Hamas, dans cette toile de fond multiplieront les actes de violence contre tous les objectifs, y compris, bien sûr, ceux des Israéliens. Pour le Hamas, si tous les biens évacués tombaient entre les mains des « corrompus », il lui importe peu de mettre des obstacles au désengagement israélien de Gaza… Mais dès lundi, une nouvelle pause s'est instaurée. La pression militaire israélienne d'un côté, et la pression politique de l'Autorité palestinienne, de l'Egypte et des Etats-Unis ont ramené un calme relatif. Avec une baisse réelle des incidents dramatiques entre Palestiniens d'une part, et les tirs d'obus et de Kassam sur les villages israéliens, de l'autre. Le Hamas, en outre, a réaffirmé son attachement à la Houdna, au cessez-le-feu et promet de s'y tenir « même en cas de provocation, dit-il, de la part des Israéliens ou de l'Autorité Palestinienne ». Le Hamas n'exige plus la démission du ministre de l'Intérieur, Nassser Youssef. La crise semble, à présent, à nouveau résorbée. Tous les Palestiniens ayant compris, malgré les provocations des hélicoptères israéliens, d'aller trop loin contre leurs propres intérêts, à un mois du retrait des Israéliens du territoire de la bande de Gaza. « Il s'agit, enfin, d'une occasion qu'il n'est pas question, encore, de rater ».