lsmaël Hanyiéh reporte, encore une fois, l'investiture du Parlement palestinien, au mercredi, soit le lendemain des élections législatives israéliennes prévues aujourd'hui. Ismaël Hanyiéh, est arrivé à conclure qu'il était impossible de mobiliser à ses côtés, - après des semaines de transactions et de négociations -, d'autres partis, pour former un gouvernement d'union des Palestiniens. Le leader du Hamas s'est présenté, le 20 mars 2006, devant Mahmoud Abbas (Abou Mazen), Président de l'Autorité palestinienne, pour composer une équipe du gouvernement, basée sur les seuls militants de son parti. Le Président Abou Mazen l'a chargé de former un gouvernement en lui imposant des limites, proches de celles de la communauté internationale: la reconnaissance de l'Etat d'Israël, le respect des accords internationaux signés par l'Autorité palestinienne et l'adhésion à la résolution du Sommet arabe de Beyrouth de 2002. Celle des Etats arabes engagés à reconnaître l'Etat d'Israël et à entretenir, avec lui, des relations diplomatiques, sous réserve de son retrait des territoires occupés depuis 1967. De même, d'accepter la solution du problème des réfugiés palestiniens conformément aux décisions internationales. Le programme présenté par Ismaël Hanyiéh ne répondait à aucune de ces conditions. Abou Mazen, au lieu d'exprimer son opposition, a préféré éviter la crise et laisser le Hamas tenter sa chance devant le Conseil législatif palestinien (Parlement). Auparavant, le mouvement islamiste devait obtenir l'aval de ce programme et la composition du gouvernement par l'organe suprême de l'OLP, l'Exécutif national, réuni le 22 mars 2006 à Ramallah. L'OLP, dont le Hamas n'a jamais accepté de faire partie est le dépositaire de la souveraineté palestinienne, et non l'Autorité palestinienne qui ne représente que Gaza et la Cisjordanie. L'OLP représente, en effet, la totalité du peuple palestinien à travers le monde,- y compris les réfugiés , et le Fatah y reste largement majoritaire. La question qui s'est posée, restait claire. L'OLP aura-t-elle l'aval des 15 membres de l'Exécutif de l'OLP, ou bien oseront-ils refuser leur aval, responsabilité que leur a confiée Abou Mazen? Il semblait, au départ, peu probable que l'Exécutif torpille la formation du gouvernement du Hamas. Même si Abou Mazen n'a pas spécifié que l'aval demandé était indispensable, voire une condition incontournable. Pourtant le Hamas a assuré, quelle que soit la décision de l'OLP, qu'il poursuivra la procédure et demandera la confiance du Parlement, où il dispose d'une majorité absolue, -74 sièges sur 132-. Cependant, Abou Mazen a tenu à mobiliser l'OLP et le Monde arabe pour amener le Hamas à modérer ses positions et à s'aligner sur la politique officielle de l'Autorité palestinienne. Le ministre israélien de la Défense, Shaül Mofaz, est allé jusqu'à déclarer le 21 mars 2006 : «il appartient au Président de l'Autorité palestinienne de décider s'il faisait ou non partie du jeu politique de son Institution». Le spécialiste des affaires du Proche-Orient, Dany Rubinstein, a laissé entendre, contre toute hypothèse, que Mahmoud Abbas et tous les dirigeants de l'Autorité palestinienne seraient démissionnaires, contre un gouvernement unique du Hamas. Il a même rappelé la position, du temps du Président Yasser Arafat, du Professeur Ali Jarbaoui, de l'Université de Bir Zeit: «Les Palestiniens ont, à force de combat, réussi à se doter d'Institutions nationales». Ils ne semblaient avoir aucune raison d'y renoncer, d'autant que l'attaque de la prison de Jéricho aurait redonné son actualité à cette position. Les scènes d'humiliation des prisonniers n'ont pas épargné l'Autorité palestinienne, amenant certains publicistes à aller jusqu'à appeler, avec exagération, «l'Autorité à se saborder». Que se passerait-il dans ce cas? Qui d'autre pourrait administrer les territoires palestiniens? Il est impensable, assurait-on, que des dirigeants puissent accepter, volontairement, de se dessaisir de leur pouvoir : donc, la perspective d'une disparition de l'Autorité palestinienne n'est pas envisageable. En attendant, le cas de Gaza devient dramatique. Le seul point de passage, celui de Karni, entre Israël et Gaza, est sans cesse fermé. L'approvisionnement de la population est en danger, car de là, seulement, aujourd'hui, transitent les produits de base (l'huile, la farine, le sucre), dont le manque se fait déjà sentir. Les Américains interviennent sans cesse, leur patience en a assez de la fermeture incessante de ce passage vital pour l'économie palestinienne de Gaza. Et aucune solution... comme celle avec l'Egypte, n'apparaît. Certains vont jusqu'à envisager, théoriquement, un mandat international pour protéger ou assurer le ravitaillement de la population de la Bande de Gaza. Il est évident que les luttes internes rendent plus difficile la prise en main du peuple palestinien, ce qui permet à certains de critiquer Abou Mazen, en prétendant «qu'il s'enfermera dans sa position de faiblesse». Ce sont les accords d'Oslo qui définissent les pouvoirs de l'Autorité palestinienne, mais le Hamas ne reconnaît pas les accords d'Oslo. Sa victoire électorale pose un vrai problème, que pense, aujourd'hui, le peuple palestinien? Que souhaite-t-il pour son avenir? Où est le pouvoir palestinien? Il faut tout d'abord confirmer que le Comité éxécutif de l'OLP, présidé par Abou Mazen, après avoir demandé au Hamas d'amender son programme, enregistre le refus absolu d'lsmaël Hanyiéh d'être engagé par la direction de l'OLP. Il confirme qu'il demandera au Parlement palestinien la confiance pour la composition de son gouvernement. En ajoutant «le Hamas ne reconnaît pas la primauté de l'OLP dont il ne fait pas partie à moins d'un amendement de statut et une représentation paritaire méritée du Hamas ». Pour l'OLP, le programme du gouvernement doit être basé sur celui de la politique de l'Institution suprême des Palestiniens et de ses engagements sur les plans arabes et internationaux. En conséquence, l'OLP a finalement refusé l'aval à «un programme qui s'écarte de ses principes». Abou Mazen, en dépit de cette décision, a décrété, sans attendre, la poursuite de la procédure de formation du gouvernement du Hamas «sans obstacle». Cette position n'a pas empêché le porte-parole du Fatah de déclarer: «le refus de reconnaissance de l'OLP par le Hamas est une sorte de révolution politique». Ainsi, le Falah affaibli, divisé, essaie de conserver une influence dans l'Autorité palestinienne, toujours présidée par Abou Mazen et tout en continuant à mener une guerre d'usure au Parlement, contre le Hamas. Abou Mazen reste modéré en évitant même une vraie confrontation avec le Hamas, contrairement aux appels de plusieurs de ses adversaires au Fatah qui le soupçonnaient de se servir du Hamas pour neutraliser ses pairs au sein de l'institution historique. Il faut rappeler que le Comité exécutif de l'OLP était un organisme renommé et dominé par le Président Yasser Arafat. La plupart de ses membres n'ayant pas été élus, n'ont aujourd'hui aucune représentativité politique. Donc sa dernière décision contre le Hamas, ne peut constituer un ultimatum, ni une manière d'émettre un veto à la formation du gouvernement: il n'y a pas de risque d'une crise constitutionnelle. Abou Mazen a rencontré le président du Parlement,- un professeur militant modéré du Hamas -, pour fixer, avec lui, les modalités de vote d'investiture du gouvernement d'Ismaël Hanyiéh, sans le conditionner à l'acceptation de la décision du Comité exécutif de l'OLP, d'autant que pour le Hamas, en cas de crise constitutionnelle « le Parlement est l'instance suprême et non l'OLP». Mais dans la réalité politique de la région, le Hamas devenu un vrai parti politique, sera à l'épreuve dans tous les cas. Ehoud Olmert, Premier ministre par intérim israélien a déclaré, dans son programme électoral, qu'il poursuivrait la politique de désengagement de Cisjordanie, de manière unilatérale. Par contre, Shimon Peres, membre du parti Kadima créé par Ariel Sharon et présidé, à présent par Ehoud Olmert, considère ouvertement, qu'il est nécessaire de trouver «une voie de contacts avec le gouvernement élu des Palestiniens ». Le président du Parti travailliste, Amir Peretz, dit la même chose, en ajoutant comme Shimon Peres, que dans le cas contraire, il accepterait d'envisager une décision unilatérale, avant l'an 2010, comme Ehoud Olmert l'a affirmé. De son côté Mahmoud Abbas, faisant fi du programme et de l'attitude du Hamas, déclare qu'il entamerait une négociation de paix, pour arriver à un résultat définitif avant la fin de l'année 2007, soit dans une année... En attendant, lsmaël Hanyiéh reporte, encore une fois, l'investiture du Parlement palestinien, au mercredi, soit le lendemain des élections législatives israéliennes prévues le 28 mars 2006. Pour le chef du gouvernement palestinien pressenti, il n'y a pas de crise constitutionnelle malgré la lettre que lui a adressée le Président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, exprimant: «Sa déception que le programme du gouvernement Hanyiéh ne soit pas conforme à la ligne politique de l'OLP : l'organe suprême du peuple palestinien». En effet, aux termes du mandat qu'Abou Mazen a confié dans sa lettre à Hanyiéh, le Président de l'Autorité palestinienne laisse entendre qu'il pourrait être amené à user de ses compétences. En un mot «de censurer le gouvernement s'il s'avérait allant à l'encontre des intérêts du peuple palestinien».