Un nouveau droit fondamental au travail Par Bouharrou Ahmed Deuxième partie La convention précise dans l'article 4 que le système national de sécurité et de santé au travail doit englober divers éléments dont notamment la législation nationale, les accords collectifs ; une autorité ou un organisme responsables en matière de sécurité et de santé ; des mécanismes visant à garantir le respect des législations ; la coopération entre les travailleurs et les employeurs au sein de l'établissement , un organe tripartite consultatif ; des services d'information et des services consultatifs en matière de santé au travail , la formation ; des services de santé ; la recherche ; un mécanisme de collections des données sur les risques et les lésions et leur traitement exploitation ; la collaboration avec les organismes d'assurances contre les risques professionnels. Quant au programme national, il doit en vertu de l'article 5 promouvoir une culture de prévention nationale en matière de sécurité et de santé, éliminer ou réduire au minimum les risques liés au travail ; etre élaboré et réexaminé sur la base de données fiables provenant de l'analyse des situations, comporter des objectifs, des cibles et des indicateurs. Enfin, ce programme doit etre diffusé et soutenu par les hautes autorités. La situation au Maroc La consécration du droit à un milieu de travail sûr et salubre en tant que nouveau droit fondamental au travail entraine des effets pour les Etats et met à leur charge une série d'obligations. Les effets Les instruments comportant les droits fondamentaux au travail annoncent que les Etats « sont invités à respecter, du seul fait de leur appartenance à l'organisation , même s'ils n'ont pas ratifié les conventions de l'OIT dans lesquelles ces principes trouvent leur expression »[1].l'inclusion du droit à un milieu du travail sûr et salubre dans la catégorie des droits fondamentaux a été adopté par consensus. Ce qui exprime la volonté de la communauté internationale dans son ensemble de s'engager dans la voie de la lutte contre les défis en matière de santé et de sécurité du travail. La notion de risques professionnels qui couvre les risques physiques s'étend aux risques de santé mentale, de harcèlement et de violence dans toutes ses formes. Par ailleurs, les Etats membres de l'OIT s'engagent à respecter les principes et les droits fondamentaux au travail du fait qu'ils adhèrent à la constitution de cette institution. L'inclusion de la notion de « milieu du travail sûr et salubre » en tant que nouveau droit fondamental au travail dans l'ensemble des droits fondamentaux au travail n'est qu'une réaffirmation des principes constitutionnels et des normes internationales portant sur les différents objets de la santé et la sécurité au travail. Les Etats sont donc tenus de respecter, promouvoir et réaliser de bonne foi et sur la base de la constitution les principes concernant les droits font l'objet des conventions précitées. Pour la mise en œuvre des conventions fondamentales groupées dans la Déclaration de 1998 amendée en 2022, Cet instrument prévoit dans son paragraphe 4 la mise en place d'un mécanisme de suivi promotionnel. Ledit mécanisme tend à promouvoir les principes et les droits fondamentaux, d'une part, et à identifier les domaines de l'assistance de l'OIT, à travers ses activités de coopération technique pour appuyer les pays qui, en ont besoin, d'autre part. Ses modalités et ses procédures sont précisées dans une annexe jointe à la Déclaration. Ce suivi est composé d'abord d'un suivi annuel concernant les conventions fondamentales non ratifiées. Il assure chaque par un dispositif simplifié les efforts fournis par les membres qui n'ont pas encore ratifié toutes les conventions fondamentales. Ensuite, il y a le rapport global sur l'effet relatif à la promotion des principes et droits fondamentaux au travail. Il porte sur les cinq catégories des principes fondamentaux contenus dans la Déclaration Le droit marocain Quel est l'état des lieux du droit de la sécurité et la santé au travail ? ce droit permet-il de promouvoir le droit à un milieu du travail sûr et salubre tel qu'il est encadré par les deux nouvelles conventions érigées en conventions fondamentales, la convention (n°155) et la convention (n°187). Cette règlementation nationale est-elle conforme à ces deux conventions fondamentales ? Elle est mise en œuvre d'une manière cohérente effective et efficace ? Les normes Au Maroc, les premières dispositions figurant dans le droit positif se trouvent dans le dahir des obligations et contrats (DOC) du 12/08/1913. En 1914 un dahir a été adopté pour régir les établissements insalubres incommodes et dangereux Avec l'adoption de la première réglementation du travail, objet du dahir du 13/071926, il y a Commencement du processus d'élaboration d'une réglementation de la sécurité et l'hygiène du travail. Celle-ci a concerné le travail dans l'industrie, le commerce et les services et le travail dans les mines. A partir de 1947, une nouvelle réglementation du travail a été adopté le 2 juillet pour remplacer la précédente. Dans ce contexte, les textes juridiques dédiés à la sécurité et à l'hygiène ont connu développement important jusqu'à 1952.la réglementation de la sécurité et de l'hygiène du travail couvrait à l'époque toutes les activités et les branches économiques. Dès l'indépendance, le Maroc a institué la médecine du travail dans les entreprises à risques et dans ceux employant 50 salariés et plus (dahir du 8/7/1957 concernant l'organisation des services médicaux du travail) et a mis crée une structure consultative tripartite sur la promotion de la médecine du travail, le conseil consultatif de médecine du travail. (Décret du 8/2/1958 pris pour l'application du dahir sur la médecine du travail) Le code du travail adopté en 2003 est d'un apport important à la santé et la sécurité au travail et mis en place deux institutions consultatives, l'une est nationale et à composition tripartite, le conseil de médecine du travail et de prévention des risques, l'autre est bipartite et mise en place au sein de l'entreprise ou de l'établissement, le comité de sécurité et d'hygiène. Le code du travail comporte des normes d'hygiène et de sécurité dans ses articles de 281 à 303. Ces normes consistent en des dispositions générales applicables à toutes les entreprises et à tous les établissements. Il s'agit, d'une part, d'une série d'obligations mises à la charge des employeurs. D'autre part, d'une panoplie d'interdictions visant la protection des salariés contre les risques. Ces mesures générales visent la propreté des locaux, leurs aménagements, la prévention de l'incendie, la protection des machines, les sanitaires et l'environnement du travail (aération, ventilation, insonorisation ..,..). Ces dispositions législatives à caractère général sont développées, précisées et complétées par l'arrêté du ministre de l'emploi et de la formation professionnelle n°93-08 du 12/05/2008 qui comprend 40 articles. Les dispositions de cet arrêté portent sur les bâtiments abritant les locaux du travail, les portes et les portails, l'entretien des murs, les conduites des évacuations des eaux résiduaires, les moyens d'hygiène (vestiaires, lavabos, toilettes et urinoirs. Elles régissent également l'ambiance des locaux du travail (l'aération, le chauffage, l'éclairage, la prévention du bruit, les locaux affectés à l'hébergement des salariés, la prévention de l'incendie...) D'autres textes particuliers d'hygiène et de sécurité sont en vigueur dont le décret n° 2-89-975 du 23/01/2001 sur l'amiante et le décret n° 2-08-528 du 21/05/2009 sur le benzène. Les institutions Le code du travail adopté en 2003 est d'un apport important à la santé et la sécurité au travail et mis en place deux institutions consultatives, l'une est nationale et à composition tripartite, le conseil de médecine du travail et de prévention des risques professionnels, l'autre est bipartite et mise en place au sein de l'entreprise ou de l'établissement, le comité de sécurité et d'hygiène En outre, il a créé un corps spécialisé celui des ingénieurs de sécurité pour veiller à l'application des mesures de sécurité et d'hygiène. Le conseil de médecine du travail et de prévention des risques professionnels est créé par l'article 333 du code du travail auprès de l'autorité gouvernementale chargée du travail. Etant une institution consultative et à composition tripartite, ledit conseil a pour mission de « présenter des propositions et avis afin de promouvoir l'inspection de la médecine du travail et les services médicaux du travail. Il s'intéresse également à tout ce qui concerne l'hygiène et la sécurité professionnelles et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ». Au sein de l'entreprise, le code du travail a créé par l'article 338, les comités de sécurité et d'hygiène dans les établissements occupant 50 salariés et plus pour promouvoir la santé et la sécurité au travail et prévenir les risques professionnels. En vertu de l'article 338, cette institution bipartite composée de représentants de l'entreprise, de délégués des salariés élus par les délégués des salariés et de représentants syndicaux éventuellement est investie d'importantes attributions en matière de sécurité et santé au travail. Elles consistent en la détection des risques auxquels sont exposés les salariés de l'entreprise, la vulgarisation de la législation d'hygiène et de sécurité, veille sur la bonne utilisation des moyens de protection, la proposition des mesures de réadaptation des salariés handicapés, et en l'émission de leur avis sur le fonctionnement du service médical du travail Par ailleurs, le comité doit procéder à une enquête à l'occasion de tout accident du travail, de maladie professionnelle ou à caractère professionnel. Enfin, il doit établir un rapport annuel à la fin de chaque année grégorienne sur l'évolution des risques professionnels dans l'entreprise à adresser par l'employeur au médecin inspecteur du travail et à l'agent chargé de l'inspection du travail. Pour donner effet au droit de la sécurité et de la santé au travail, assurer son effectivité, prendre en considération les caractéristiques technique et scientifique de ce droit, le code du travail a créé un nouveau corps inspectoral composé d'ingénieurs chargés du contrôle de l'application de ce droit (article 535). Ce corps coexistera avec ceux des inspecteurs du travail, des inspecteurs du travail et des médecins inspecteurs du travail. Ces différents agents chargés de l'inspection, chacun dans sa spécialité, disposent des mêmes pouvoirs et des mêmes outils juridiques pour contrôler l'application de la législation du travail. Pour une meilleure mise en œuvre Le droit marocain de sécurité et santé au travail comprend des mesures générales applicables à toutes activités et à tous les types de travaux. Contrairement à l'ancienne législation, les rédacteurs du projet du code du travail voulaient une législation du travail moins détaillée et synthétique. La même position a influencé la réglementation d'hygiène et de sécurité. Le droit actuel est lacunaire en matière de réglementation de sécurité et de santé au travail par activité et par branche. Pour faire face à ce vide juridique, le code du travail dispose dans l'article 587 que « demeurent provisoirement en vigueur les textes pris en application des dahirs, des décrets royaux portant loi et des dahirs portant loi mentionnés à l'article précèdent tant qu'ils ne sont pas contraires aux dispositions de la présente loi ». Cette disposition n'a jamais été appliquée et ne connaitra aucune application effective pour des raisons de logiques juridiques. Concernant sa position à l'égard des deux nouvelles conventions internationales du travail, la convention (n° 155) et La convention (n° 187) précitées, le Maroc a ratifié par le dahir n° 1-14-60 du 23/3/2021 (BO n° 1/6/2021) la convention 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail de 2006 à l'occasion de la célébration du centenaire de l'OIT en 2019. Mais il n'a pas encore ratifié la convention 155. Une comparaison globale entre la législation nationale les normes internationales contenues dans ces deux nouvelles conventions fondamentales révèlent que sur le plan législatif et règlementaire, la législation nationale est lacunaire. Le projet d'une loi- cadre sur la santé et la sécurité au travail dans les secteurs privé et public élaboré dans le contexte de l'affaire ROSAMOR dont un incendie a coûté la vie à 55 salariés le 26/04/2008 traine depuis longtemps malgré son inscription dans le plan législatif gouvernemental de 2011. Le droit de retrait en cas de danger imminent n'est pas prévu en cas de danger imminent. La réalisation des enquêtes et des études sur les risques professionnels est quasi-existante. Quant à la politique publique de sécurité et santé au travail marocaine, elle est incohérente, lacunaire, non coordonnée et non intégrée malgré l'existence d'un profil national pour la santé et la sécurité au travail, (document mis sur internet). Telle qu'elle est conçue, cette politique est en déphasage par rapport au cadre fixé par les deux nouvelles conventions fondamentales. D'où la nécessité de sa révision à l'occasion de la réforme du code du travail éventuellement. S'agissant des organes de coordination et de consultation sur la politique publique de sécurité et santé au travail auxquels fait allusion la convention n°155, le conseil de médecine du travail et de prévention des risques professionnels pourra jouer cette fonction. La coopération entre les employeurs et les travailleurs telle qu'elle est préconisée par cet instrument international est promue au sein de l'entreprise marocaine par le biais des comités de sécurité et d'hygiène. Partant de ces constats, la législation nationale de sécurité et santé au travail mérite d'etre revue en vue de son amélioration, de son adaptation totale aux apports des deux conventions collectives fondamentales. Les institutions de promotion et du développement de la sécurité et de la santé au travail sont à crédibiliser et à dynamiser en vue d'une action positive dans ce domaine. Les corps d'inspection spécialisés dans la sécurité et la santé au travail, les ingénieurs chargés de sécurité du travail et les médecins inspecteurs du travail devraient etre restructurés, valorisés et dotés d'un savoir-faire approprié pour une applicative effective du droit de la santé au travail. En dépit de cette pluralité des organes de contrôle, leur efficacité laisse à désirer. Leur restructuration locale et centrale et leur encadrement sont indispensables pour leur efficience et leur efficacité. Si les conventions fondamentales n° 155 et 187 sont complémentaires, leurs principes et règles se complètent également avec ceux de la convention (n°161) sur les services de santé adoptés en 1985. Compte de leur importance pour une mise en œuvre effective et efficace du droit à un milieu de travail sûr et salubre, la convention fondamentale n°155 et la convention technique n°161, méritent d 'etre ratifiées et mises en œuvre. Conclusion Le Maroc renforce actuellement la protection sociale et procède à sa généralisation. Les pouvoirs publics comptent réexaminer le code du travail. Dans ce contexte, Il est temps de se pencher sur la question de la concrétisation du nouveau principe et droit fondamental, « le droit à un milieu de travail sûr et salubre ». Cet objectif suppose une politique publique cohérente, coordonnée et réexaminée ; un système national en consistant en la mise en place d'une infrastructure de la sécurité et la santé au travail et un programme national fixant les priorités, les moyens d'action et ceux de l'analyse et de l'évaluation. Le droit à un lieu de travail sûr et salubre doit s'inscrire dans la protection de la vie des travailleurs, la préservation de l'intégrité physique et mentale des salariés, de leur dignité, de la protection de l'environnement aux alentours des enterprises, et dans les droits humains au travail. Bibliographie BIT, la sécurité et la santé au cœur de l'avenir du travail. Mettre à profit 100 ans d'expérience .1e édition, 2019 BIT, Droits fondamentaux au travail et normes internationales du travail, 1e édition 2004. BIT, Un milieu de travail sûr et salubre fait partie des principes et droits fondamentaux au travail. Bouharrou Ahmed, Droits fondamentaux au travail au Maroc et normes internationales : Quelle adéquation ? Almaarif aljadida mars 2020. Bouharrou Ahmed, droit à la santé au travail et système de santé au travail, in Bouharrou Ahmed, le droit du travail : transformation et mise en œuvre, Almaarif Aljadida, 2020. Bouharrou Ahmed, Le droit des conditions du travail. (La santé et la sécurité au travail). Almaarif Aljadida 2010. Ministère de l'emploi et des affaires sociales, la santé et la sécurité au travail. Le code du travail et ses applications, Mars 2015.