Conférence-débat autour de la violence sexuelle et sexiste au Maroc Romuald Djabioh Le Comité Parité Diversité a organisé une conférence-débat le jeudi 4 mai 2023 sur le thème « Comprendre la violence sexuelle et sexiste dans la société marocaine », à Casablanca au sein des locaux de 2M. L'événement a réuni plusieurs panélistes qui ont partagé leurs réflexions sur l'impact de ce phénomène sur les victimes et la société dans son ensemble, ainsi que sur les approches possibles pour lutter contre ce fléau. Les discussions ont notamment porté sur la perspective de la loi marocaine en matière de violences sexuelles et sur l'importance de l'éducation et du numérique dans la prévention et la sensibilisation. Retour sur les points clés de cette rencontre. De nombreux experts ont débattu, en effet, sur cette problématique. Ainsi, Mohssine Benzakour, enseignant universitaire et psychosociologue a expliqué que la thématique consistait à discuter de ce que sont le viol sexuel, la violence sexuelle et l'aspect sexiste. Selon lui, une approche scientifique impliquant des aspects psychologiques et juridiques a été élaborée pour clarifier la question. « Apparemment dans notre société, on tolère encore le viol. Et là, on est en train de le condamner et de faire en sorte d'aviser les personnes concernées, notamment les parlementaires, les politiciens, les juges, pour qu'ils prennent les choses plus au sérieux. Surtout d'après l'affaire du viol de Sanaa qui a été en première instance, où les criminels ont été condamnés à 2 ans de prison alors que le problème était vraiment très profond...», a-t-il fait constater. « Il est importance de travailler sur l'humain que nous sommes, avant de recourir à des lois pour résoudre les problèmes de société. Cela implique de construire une personne équilibrée et responsable capable de s'intégrer dans la société en développant des qualités telles que l'empathie et la confiance envers les autres. Cela nécessite un travail approfondi au niveau cognitif, émotionnel, de l'apprentissage et de l'interaction sociale. Si ce travail n'est pas effectué, nous serons toujours confrontés à des problèmes créés par l'homme, ce qui nécessitera encore plus de mesures légales pour les résoudre », a-t-il ajouté. Pour sa part, Ghizlane Mamouni, avocate et présidente de l'association « Kif Mama Kif Baba », a souligné l'importance de sensibiliser le public à la gravité de ces infractions et à leur impact sur les victimes, qui peuvent être poursuivies par ces actes toute leur vie. Elle a également abordé la nécessité de déconstruire les structures patriarcales présentes dans la société, qui alimentent la culture du viol et minimisent l'importance de ces délits, même lorsqu'ils sont commis contre des enfants. Abondant toujours dans le même sens, l'article 488 du code pénal a été soumis à une évaluation approfondie pour déterminer sa pertinence et son application. La version consolidée du Code pénal datant du 11 septembre 2011 énonce les peines encourues pour les infractions mentionnées. Toutefois, selon les observations formulées par l'avocate, les délits en question ne sont pas sanctionnés avec la sévérité requise, malgré les dispositions de cet article, qui énoncent clairement les sanctions qui en découlent... En conclusion, Ghizlane Mamouni a exprimé son espoir que les débats sur la problématique des violences sexuelles soient entendus par les parlementaires marocains. Elle est convaincue que ceux-ci ont le pouvoir de changer les choses et de protéger les enfants en proposant les réformes nécessaires, même si celles-ci peuvent sembler impopulaires. De son côté, Abdessamad Dialmy, sociologue, professeur d'université et consultant international en santé sexuelle, considère que la question de la violence sexuelle et sexiste est d'une importance cruciale. Selon lui, il est essentiel de dépasser cette problématique et de reconsidérer la manière dont les hommes définissent leur masculinité. Après avoir examiné les formes de violences sexuelles et sexistes présentes dans la société marocaine, il a exprimé son point de vue sur la question. « À mon avis, il est important d'aller au-delà d'une compréhension non seulement étroite, mais aussi culturelle de la violence sexuelle et du viol. Le viol ne consiste pas seulement à violenter une femme la nuit dans la rue et à la violer. Il s'agit d'un phénomène beaucoup plus large, tel que défini par les Nations Unies et son système. C'est une question complexe et variée qui comprend le viol de mineurs, celui des enfants vivant dans la rue, et même l'acte de violer sans violence. Il est également important de reconnaître que le viol d'un homme est aussi un cas à considérer, même si la loi ne le reconnaît pas comme tel.» Pour lui, la question à résoudre est de passer d'une définition étroite et réductrice de la violence à une définition plus large, qui englobe toutes ses formes. « Les Marocains doivent être éduqués pour comprendre que le viol ne se limite pas à une fille qui se fait agresser dans la nuit, mais qu'il peut prendre différentes formes. Il est essentiel de dépasser certaines limites culturelles pour changer la façon dont la société perçoit la violence… » « Il est très important de redéfinir la masculinité et de la reformuler sans recourir à la violence sexuelle. Les hommes doivent se réinventer en tant que membres de la société en redéfinissant non seulement leurs rôles, mais aussi leurs comportements à l'endroit de la femme... », a-t-il conclu. Chaimae Bentananat, créatrice de contenu à Jooj Media, a mis l'accent de son coté sur le rôle des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) dans cette problématique. Elle a souligné que les réseaux sociaux ont un impact important sur les représentations sociales et la banalisation du viol. En effet, grâce à ces plateformes, les victimes peuvent alerter et dénoncer. Ainsi, les réseaux sociaux contribuent à faire évoluer les mentalités et à sensibiliser le public à cette question cruciale.