par Mustapha Labraimi Dans un contexte marqué par le creusement des inégalités sociales, le renchérissement des prix et l'absence d'une action gouvernementale avisée et déterminée à alléger les charges des ménages conséquentes à l'inflation, la consommation aura sa journée nationale, célébrée le 15 mars, sous le thème « Le consommateur marocain au cœur de la stratégie du développement du produit local. ». C'est ce qui explique la décision du gouvernement d'anticiper en la matière en décidant dernièrement « de suspendre la TVA et d'adopter un décret supprimant le droit d'importation sur les bovins domestiques ». Cette mesure était attendue par ceux qui savent « manger l'épaule » et qui en moins de deux ont pu parer à la hausse des prix de la viande rouge sans rougir. Pourquoi le feront-ils alors qu'ils ont profiter du soutien de l'Etat dans le cadre du « Maroc vert » pour, semble-t-il,« améliorer le fonctionnement, la maîtrise et la transparence du marché par la connaissance de l'offre, de la demande et des mécanismes du marché. ». Cette décision serait-elle un aveu de l'échec du plan propagé par les autorités gouvernementales ou un envoi de l'ascenseur à ceux qui contribuentà consolider la majorité gouvernementale ? Du produit local, on en parle plus. C'est la faute au tourisme qui a repris avec l'arrivée de mangeurs de viandes rouges, le redressement de la consommation après la pandémie alors que« l'offre de viandes rouges n'a pas suivi » !Comme si « la connaissance de l'offre, de la demande et des mécanismes du marché » ont été stipulés pour enrober la pilule amère, couteuse, inégalitaire et injuste de ce plan pour riches. Pour accompagner la viande rouge à la marocaine il faut mouiller son pain. Là aussi, le produit local n'est nullement promu puisque on importe les céréales pour exporter l'eau sous forme de fruits et de légumes. L'équilibre de la balance commerciale n'est pas pour autant atteint alors que la pénurie de la ressource hydrique devient menaçante. On importe du blé pour manger alors que certain se font du blé avec l'exportation de certains produits agricoles. Il est loin le temps où certaines variétés locales de Triticumétaient largement cultivées pour permettre l'exportation. Exemples parmi tant d'autres ! Le développement du produit local est devenu une question de souveraineté et non plus seulement une action de l'économie sociale et solidaire. Il permet la maîtrise de la production et la satisfaction du marché intérieur. L'amélioration de son rendement pousse au développement de la recherche scientifique. La consommation de ce produit « made in Morocco » deviendrait une habitude de l'ensemble de la société ; elle boostera l'arsenal juridique pour sa normalisation et sa labellisation en fonction des terroirs. Elle permettrait la fixation des « hommes de la terre » et leur accès aux progrès de la modernité et de l'émancipation. Elle leur évitera cette posture d'attente aux bords des routes pour commercialiser leur produit du terroir. Dans l'attente, la consommation dans notre beau pays se développe et change en fonction des lieux et des positions sociales. Les grandes surfaces essaiment sans que l'épicerie du quartier décline. Les malls et les centres commerciaux s'érigent et deviennent des lieux de rencontre et de vie. Le caddy a remplacé le couffin alors que le pouvoir d'achat est attaqué. Dans cette évolution apparente, les souks hebdomadaires du monde rural sont restés tels qu'ils sont depuis belle lurette ! Dans cet environnement, la loi 31-08 constitue un cadre juridique adéquat pour la protection du consommateur ; encore faut-il qu'elle soitappliquée convenablement par rapport à l'ensemble de ses objectifs.L'information sur les produits n'est pas toujours accessible, la protection des droits du consommateur reste conjoncturelle alors que la rétractation est soumise à « un avoir ». L'associatif est dynamique dans la défense de la population même s'il souffre des maux de l'ensemble du mouvement associatif marocain : fragmenté et généralement non outillé pour remplir sa fonction, avec l'existence « d'acteurs intéressés et influencés par le contexte ». Enfin, on oublie dans cette ferveur encouragée de la consommation, que l'élément humain reste le premier produit local. Son éducation, sa santé, les conditions de sa vie quotidienne, le respect de ses droits constitutionnels, sa culture, les valeurs qui régissent son comportement déterminent son attitude dans ce beau pays où il fait bon vivre, malgré les reliques du sous-développement, le retard de l'effacement des disparités territoriales et sociales.Le développement local, autant qu'il est le reflet des avancées de la Nation vers le bienêtre et la prospérité, autant il conditionne l'émergence de notre pays et la consolidation de sa position dans l'environnement régional et mondial. La consommation sans conscience ne serait-elle pas ruine de la personne humaine et moyen de son aliénation ?