Le secteur de l'automobile électrique, longtemps avantagé par des subventions étatiques et la prolifération d'une fibre écologique, semble être rattrapé par la réalité des coûts au Royaume-Uni. À en croire les chiffres de l'Advanced Propulsion Centre (APC), organisme créé en 2013 pour aider le secteur à relever le défi de la décarbonisation, les constructeurs du pays prévoient de réduire considérablement leur production de véhicules électriques dans les années à venir. Face à l'envolée des coûts, mais surtout à un pouvoir d'achat qui s'effrite à vue d'œil depuis maintenant une année, l'APC a réduit d'un quart son estimation de la production de voitures électriques au Royaume-Uni en 2025, à 280.000 unités. Une baisse d'autant plus déconcertante qu'elle intervient trois mois seulement après une prévision initiale de 360.000 unités pour 2025. Le contexte économique « incertain » devrait pousser les acheteurs vers des véhicules moins chers, explique l'organisme qui sert de passerelle entre le gouvernement, les constructeurs et le monde universitaire. Les voitures électriques coûtent jusqu'à 10.000 livres sterling de plus que les modèles à combustible classique, fait observer l'APC, relevant qu'en dépit du coût d'exploitation plus attrayant sur la durée, les consommateurs sont susceptibles de privilégier le bénéfice à court terme dans l'environnement actuel. Les données publiées en début de semaine par le groupe automobile AA abondent également dans ce sens, faisant notamment valoir la baisse récente des prix de l'essence et du diesel. Le coût de l'essence est désormais à son plus bas depuis le début de la guerre en Ukraine, le prix moyen à la pompe étant tombé à 149,74 pence par litre lundi, après avoir atteint un pic de 191,53 pence l'été dernier. Cette baisse réduit l'avantage des voitures électriques sur les voitures à essence en termes de coût au kilomètre et vient s'ajouter à l'annonce du ministre des Finances, Jeremy Hunt, selon laquelle les propriétaires de véhicules électriques perdront leur avantage fiscal à partir de 2025 et devront payer la même taxe d'accise que les propriétaires de voitures à essence. De plus, l'interdiction des ventes de voitures à essence et diesel n'entrera en vigueur au Royaume-Uni qu'en 2030 et l'interdiction des hybrides n'interviendra que cinq ans plus tard. Une donne que déplorent beaucoup de militants climatiques et qui explique, selon eux, la lenteur de la transition observée. Et pour ne rien arranger, la start-up Britishvolt, qui était porteuse du projet d'une méga-usine pour la production de batteries, a déposé le bilan en début de semaine, laissant un trou béant dans l'infrastructure industrielle du pays, tout en hypothéquant l'avenir de la production électrique au Royaume-Uni. En plus des facteurs antérieurs, l'APC a également justifié sa révision à la baisse des prévisions par « des retards dans les investissements et des problèmes persistants d'approvisionnement pour certains composants, tels que les puces informatiques ». Par le passé, le centre avait déjà mis en garde contre les problèmes d'approvisionnement, en particulier en ce qui concerne la disponibilité du lithium, un élément clé des batteries. Le centre, qui essaie de mettre à profit sa relation unique entre l'industrie automobile, ainsi qu'avec le paysage politique et universitaire pour promouvoir l'électrification de la flotte automobile, estime que cela pourrait freiner la transition et pousser les fabricants à se tourner vers leurs projets de véhicules à hydrogène comme alternative. À long terme, le centre conserve une position plutôt sceptique, estimant qu'une reprise pour 2030 reste « incertaine » en raison d'une situation géopolitique volatile et de problèmes potentiels d'approvisionnement. Ces craintes se font clairement ressentir dans les prévisions des constructeurs au Royaume-Uni. Par exemple, BMW a confirmé l'arrêt de la production de la Mini électrique dans son usine d'Oxford pour transférer en Chine l'ensemble de la production de sa prochaine génération à zéro émission. De son côté, Nissan continue de produire la Leaf entièrement électrique à Sunderland, mais dit se concentrer sur l'expansion de la production de la prochaine génération de la version hybride du Qashqai, l'une des voitures les plus vendues au Royaume-Uni. En ce qui concerne les voitures de luxe, segment qui a le mieux résisté à l'épreuve de la pandémie, Bentley et Rolls-Royce se sont toutes deux engagées à passer au tout électrique, mais seulement d'ici 2030. Cette tendance ne concerne pas uniquement le Royaume-Uni, mais s'étend à l'ensemble du continent, selon l'APC qui s'attend à ce que la production de véhicules électriques en Europe soit inférieure d'un million d'unités aux prévisions antérieures, notamment du fait de l'impact de l'augmentation du coût de la vie et de l'inflation.