Bien qu'en évolution modeste, le marché des voitures à motorisation alternative peine à se développer au Maroc à cause des défis de l'offre, du prix et du manque de bornes de recharge. Le passage à l'hybride est une première étape avant de songer au 100% électrique. Après avoir subi un coup de massue durant la première année de la crise du Covid-19, qui a fait chuter les ventes de 19,7%, le marché automobile a pu se rattraper en 2021 en réalisant une performance satisfaisante avec une croissance de 5,7% par rapport à l'année 2019, selon les chiffres présentés par l'Association des Importateurs de Véhicules au Maroc (AIVAM) qui a fait l'inventaire de la performance du secteur durant l'année écoulée. Jusqu'à présent, le marché demeure dominé par les véhicules thermiques et on peut dire, à lire les statistiques des ventes, que la mobilité verte commence à émerger bien qu'elle soit loin de devenir une réalité au Maroc. Le Marché évolue mais très timidement Avec 3,2% de parts de marchés, les voitures à motorisation alternative (hybride et électrique) progressent, quoique modestement. Les performances commerciales le confirment. En 2021, les ventes de voitures "écolos" ont progressé de 145% par rapport à 2019. Ceci est dû essentiellement à la hausse de la demande des voitures hybrides dont les ventes sont passées de 1886 unités en 2019 à 4196 en 2021. Les voitures électriques demeurent moins commercialisées puisque seules 267 unités ont été vendues l'année précédente. La "Citroën Ami", modèle fabriqué à l'usine Stellantis à Kénitra et qui procure jusqu'à 70 km d'autonomie, reste la plus vendue. Quant aux voitures hybrides rechargeables, la demande a augmenté de façon notoire vu que 421 véhicules ont été vendus en 2021, contre 139 en 2020 et 89 en 2019. Ces chiffres dénotent d'une certaine «acceptation grandissante" des consommateurs, conclut le président de l'Association, Adil Bennani, qui estime, toutefois, que la part de marché de l'électrique reste toujours modeste. "Cela reste très timide par rapport à l'Europe où la part de marché des véhicules à motorisation alternative dépasse 20%", explique-t-il. Bien que le marché automobile mondial se dirige rapidement vers la mobilité électrique, le Maroc peine à s'adapter aussi vite que d'autres pays plus avancés. Plusieurs défis barrent le chemin vers la mobilité verte. L'un des principaux défis est d'ordre culturel, le consommateur marocain n'est pas encore prêt à rouler sur un véhicule électrique pour des raisons strictement écologiques. Puis s'impose la barrière du coût, les voitures électriques demeurent hors de portée du consommateur ordinaire, qui préfère rouler dans un véhicule diesel ou essence puisque ça lui coûte évidemment moins cher. A cela s'ajoute le problème de l'offre qui reste peu développée. Adil Bennani fait savoir que le modèle de Citroën reste l'unique modèle qui marche dans les ventes. "En dehors de la Citroën Ami, il n'y a rien du tout, a-t-il mis au clair. Nous sommes allés vérifier cela en nous rendant dans différents salons d'exposition. Dès qu'on demande le catalogue des voitures électriques, les conseillers commerciaux nous disent aussitôt qu'ils ne sont pas disponibles sur le champ et qu'il faut une procédure qui prend beaucoup de temps pour passer une commande. Le manque de bornes de recharge Si l'offre est si peu développée au Maroc, c'est pour deux raisons, dont l'Insuffisance des bornes de recharges rapides sur le réseau routier national. Il en existe 80 au Maroc, dont le tiers n'est quasiment pas opérationnel, selon le président de l'AIVAM. La majorité des bornes se trouvent dans l'axe Tanger-Marrakech. Dans l'état actuel des choses, il est rare de trouver une station de service où l'on peut trouver une borne opérationnelle, ce qui fait que le propriétaire d'une voiture électrique ne peut jamais oser quitter l'espace urbain puisque l'autonomie des voitures demeure faible (de 75 km à 200 km selon les modèles). Donc, il devient impératif de renforcer les équipements de recharge. Le Maroc a fait un premier pas dans ce sens, avec l'inauguration de la plateforme "Green Energy Park", gérée par l'Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN) et l'Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Cette plateforme est capable de produire 300 unités par mois, sur commande. Vers un système Bonus-Malus pour encourager la mobilité verte ? Pour booster le marché des voitures alternatives aux motorisations thermiques, la solution appartient à l'Etat qui doit, selon les responsables de l'AIVAM, intervenir par des incitations et des subventions pour pouvoir accélérer la transition vers la mobilité durable et faire en sorte que les prix soient plus abordables pour les consommateurs. L'Etat pour sa part, semble prendre au sérieux cette question d'incitation, le ministère du Transport et de la Logistique étudie sérieusement la possibilité de la mise en place d'un système bonus/malus en fonction des émissions de CO2, comme l'a précisé Salim Benamara, Chef de la direction de la Réglementation, selon lequel, cette mesure pourrait entrer en vigueur en 2024. Il s'agit d'une prime accordée par l'Etat aux véhicules les plus économes en énergie. En tout cas, le chemin s'annonce long aux yeux du vice-président de l'AIVAM, Obada Nasreddine, qui estime que l'impréparation des consommateurs fait qu'il faut parier sur le développement du marché des voitures hybrides comme première étape, avant de songer à l'électrique. Ceci dit, le passage vers l'électrique sera progressif et ne pourra devenir une réalité tangible qu'en 2035. Anass MACHLOUKH Repères La transition maintenant ou jamais Sans doute quelques années nous séparent-elles de la fin du règne des voitures thermiques, issues du modèle de la révolution industrielle. Compte tenu de l'essor des véhicules électriques, plusieurs constructeurs ont fait part de leur volonté d'abandonner le thermique, à partir de 2025, pour se consacrer pleinement à la production des voitures du futur, c'est-à-dire hybrides et électriques qui seront la norme à partir de 2035. Des marques comme Toyota ont converti totalement leur gamme de voitures à l'hybride. Parc automobile : Le défi du rajeunissement L'un des défis qui se pose est le vieillissement du parc automobile au Maroc. Le Royaume dispose d'un parc automobile de plus de 500.000 véhicules de plus de 30 ans. Le défi du rajeunissement du Parc dans les années qui viennent est un enjeu écologique, puisque ça permet de réduire les émissions de gaz et la consommation de l'énergie thermique. L'info...Graphie Semi-conducteurs La pénurie réduit les ventes de voitures au Maroc
La pénurie des semi-conducteurs au niveau mondial n'a pas manqué d'affecter l'approvisionnement du marché marocain. L'AIVAM estime les dégâts à 10.000 ventes perdues. La pénurie qui a touché le marché mondial s'est répercutée négativement surtout sur les délais de livraison. "Sans cette pénurie, on aurait sûrement réalisé une performance historique cette année avec plus de 185.000 véhicules vendus, chiffre que nous n'avions jamais atteint jusqu'ici", a regretté Adil Bennani. En se projetant sur l'avenir, le patron de l'AIVAM prévoit que la crise des semi-conducteurs est loin de prendre fin en 2022, et pourrait même s'aggraver ce qui pourrait menacer le dynamisme commercial du marché automobile. "On va vivre des moments difficiles'', a-t-il reconnu, faisant savoir qu'une usine en Allemagne a pris feu. Rappelons que les semi-conducteurs sont des matériaux utilisés dans l'électricité des voitures, la pénurie est due à la hausse de la demande mondiale sur ces composantes qui sont utilisées également dans les ordinateurs et les appareils électroniques. Ces appareils sont de plus en plus demandés à cause du recours croissant au télétravail et au e-learning.
Marché automobile Après la chute due au Covid-19, les ventes repartent à la hausse
La crise du Covid-19 a sérieusement impacté le marché automobile au Maroc, provoquant en 2020 une chute de 19,7% des ventes des voitures neuves. Le marché s'est montré plus résilient en 2021 en réalisant une croissance 5,7% par rapport à l'année 2019 après la chute de 2020. En 2021, 175.360 voitures ont été vendues, un chiffre plus élevé que celui enregistré en 2019 où 148.189 unités ont été vendues. Il s'agit d'un effet de rattrapage selon Adil Bennani, président d'AIVAM qui a indiqué que le secteur est en phase de retour à la normale. Toutefois, cette performance reste en deçà de celle de 2018, souligne le président de l'Association qui pense que les ventes réalisées en 2021 auraient pu être meilleures s'il n'y a avait pas eu la pénurie des semi-conducteurs à l'échelle internationale. Celle-ci s'est répercutée négativement sur l'approvisionnement des concessionnaires et sur les délais de livraison. Concernant les marques, l'hégémonie de celles françaises s'est confirmée de nouveau en 2021, «Dacia» domine toujours le segment des VP, avec une part de marché de 28,6%, soit 44.029 nouvelles immatriculations, suivie de Renault qui a écoulé 20.386 nouvelles unités (part de marché de 13,2%), de Peugeot (12.230 véhicules et part de marché de 7,9%) et de Hyundai (12.008 unités et 7,8% en part de marché). Les voitures particulières (VP) demeurent les plus achetées avec une part de 68,5% des ventes tandis que les voitures utilitaires (VUL) en absorbent 31,5%. 21.237 unités ont été vendues, enregistrant ainsi une performance historique, la plus élevée des cinq dernières années. Le SUV (Sport Utility Vehicle) continue sa montée en puissance dans le marché en s'imposant comme un segment phare.
3 questions à Adil Bennani «Le renforcement de l'offre est indispensable pour encourager les gens à acheter les voitures électriques»
Adil Bennani, président de l'Association des Importateurs de Véhicules au Maroc (AIVAM), a répondu à nos questions sur le futur du marché des voitures électriques au Maroc. - Les constructeurs automobiles vont progressivement vers l'abandon des voitures thermiques au profit des modèles électriques, comment percevez-vous le marché automobile marocain dans les années à venir ? - La transition vers les voitures à motorisation alternative arrivera fatalement au Maroc vu que les voitures diesel cesseront bientôt d'être produites, tandis que la production des voitures essence durera un peu plus. Dans les années qui viennent, nous n'aurons que les véhicules hybrides, hybrides rechargeables et les voitures électriques à vendre. L'hybride constituera l'essentiel des ventes au Maroc durant les prochaines années, tandis que le "Full electric", prendra plus de temps. -Comment dépasser la barrière psychologique puisque les consommateurs demeurent encore réticents vis-à-vis des voitures électriques ? - J'estime qu'en plus des incitations fiscales, il faut parier sur la sensibilisation des clients pour que l'on puisse avancer dans notre chemin de la mobilité verte. Outre cela, le renforcement de l'offre est l'une des conditions sine qua non pour que les gens fassent confiance aux voitures électriques. -Les bornes de recharge restent encore peu disponibles au Maroc, combien en faudra-t-il pour satisfaire les besoins du pays ? - Pour relever le défi, il faut passer pendant les trois prochaines années, c'est-à-dire à l'horizon de 2025, à 1000 bornes opérationnelles. Se contenter de 100 ou 200 bornes à l'échelle nationale n'est pas suffisant puisque l'autonomie des voitures électriques reste faible et il faudra des années pour qu'elles puissent augmenter. Nous avons proposé cela aux pouvoirs publics et nous espérons atteindre cet objectif. Recueillis par A. M.