Le mois sacré de Ramadan est généralement associé à l'offre abondante des produits de consommation et leur variété dans les magasins, ce qui renforce l'envie de les déguster, mais pendant le jeûne observé de l'aube au coucher du soleil, les fidèles se retrouvent privés de satisfaire leurs désirs croissants. Face à ces désirs qui augmentent sous l'effet des bonnes odeurs des plats préparés pour l'occasion comme la harira, les gâteaux ou les poissons grillés, le consommateur se trouve enclin à effectuer des achats excessifs qui dépassent souvent ses besoins quotidiens lors de la rupture du jeûne, du dîner ou du Shour. Dans certains cas, une personne pourrait même contracter un crédit afin de satisfaire sa faim avec des produits alimentaires achetés pour bien garnir la table du ftour sans tenir compte réellement de l'importance de cette énorme quantité de nourriture et de boissons, contribuant ainsi à l'épuisement de sa santé et à l'affaiblissement de son pouvoir d'achat. Ce gaspillage, lié à la satisfaction des désirs alimentaires incontrôlés, laisse émerger certaines manifestations ainsi que des comportements nuisibles et en violation flagrante avec les principes du jeûne qui constitue l'un des cinq piliers de l'Islam. L'abondance des déchets d'une manière qui rompt avec les habitudes observées durant les autres mois de l'année figure parmi ces manifestations, et cela apparait clairement à travers le volume des déchets qui s'accumulent chaque nuit, rendant la tâche des éboueurs difficile et contribuant à la pollution de l'environnement. Dans ce cadre, le chercheur en sociologie Mostapha Aboumalik souligne que durant le Ramadan, les habitudes de se nourrir restent pour la majorité des fidèles loin de la sagesse derrière le jeûne qui est un mois de solidarité, de générosité et d'entraide où on doit penser aux couches vulnérables et aux nécessiteux. Dans une déclaration à la MAP, M Aboumalik a rappelé que le concept de la nutrition en général a beaucoup changé avec le temps et traduit aujourd'hui une sorte d'excès, de profusion et de compétition autour des repas d'une manière qui mène à la dilapidation, ce qui par ricochet impacte négativement sur la santé, l'état psychologique et matériel des membres de la société. Selon lui, le fait de justifier la dilapidation par le proverbe « l'œil se rassasie avant le ventre » est une illusion, rappelant que ce genre de concept a favorisé l'émergence d'une nouvelle culture et des rituels alimentaires qui découlent de la volonté de surmonter les aspects de la privation, tout en ajoutant que cette méthode a dépassé le domaine de la nutrition pour inclure les autres manifestations et les traditions socioculturelles. Dans le même ordre d'idées, le président de la Fédération nationale des boulangeries et pâtisseries du Maroc (FNBP), Lhoucine Azaz, a indiqué que le mois sacré est devenu dernièrement l'occasion où chacun pourrait s'adonner à ses plaisirs de manger et de déguster différents plats, notant qu'à l'approche de l'Iftar, les files d'attente se forment devant les boulangeries et les fidèles viennent s'approvisionner en produits nécessaires à la rupture du jeûne d'une manière pouvant dépasser leurs besoins de base. M. Azaz, qui est également vice-président du réseau bio-professionnel des céréales, a indiqué se sentir triste de voir des tas de pain et dérivés gaspillés à un moment où le Maroc est parfois contraint d'importer plus de 50 pc de ses besoins en blé, estimant que ce taux atteindra 20 pc d'ici 2030, grâce aux mesures adoptées dans le cadre du Plan Maroc Vert (PMV). Il a, en outre, affirmé que la FNBP ne rate aucune occasion pour appeler à une consommation rationnelle de pain et ses dérivés, rappelant dans ce cadre les pertes que subissent les propriétaires de boulangeries concernant plusieurs matières inclues dans la préparation de tout ce qui a trait à leurs produits, comme les tartes, les différentes variétés de pains et les gâteaux. Le président de la Fédération nationale des boulangeries et pâtisseries du Maroc a également indiqué qu'il est possible d'évaluer l'ampleur et la gravité des pertes subies en visitant le marché national de Kelaât Sraghna dédié spécialement aux restes de pain. Quoiqu'il soit un mois de générosité et de partage des valeurs qui caractérisent le peuple marocain, le Ramadan ne tolère pas la dilapidation qui n'est acceptée ni par la raison ni par la religion, a-t-il dit-il, estimant qu'en dépit des impacts négatifs de l'épidémie du Coronavirus, la maladie nous a appris une leçon importante, celle de « la bonne gestion ». Les impacts du confinement sanitaire ont poussé les acteurs du secteur, à l'instar des autres composantes de la société, à revoir leur mode de gestion, a-t-il indiqué, rappelant dans ce sens que depuis l'annonce du premier cas de la maladie du Coronavirus en mars 2020 et les mesures préventives qui ont été prises ensuite, les propriétaires des boulangeries ont été contraints de réfléchir comment accueillir le mois sacré cette année d'une manière différente des dernières années, c'est-à-dire à « un rythme moindre ». M. Azaz a justifié cette décision par le fait que ces dernières années, les propriétaires des boulangeries subissaient des pertes d'au moins 60 à 150 galettes de pain par jour, mais à l'heure actuelle, la rationalisation des dépenses constitue un pari à gagner à cause des contraintes qu'a connues le secteur dernièrement dues notamment à l'augmentation des coûts, l'arrêt de travail imposé par les mesures préventives et la baisse de la demande des propriétaires de cafés, de restaurants et des traiteurs qui constituent les principaux clients.