Arrivé au pouvoir en 2018 à la faveur d'une révolution pacifique, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian est visé, depuis l'automne dernier, par des appels à la démission à la suite de la cinglante et humiliante défaite de l'Arménie dans la guerre menée contre l'Azerbaïdjan pour le contrôle du Haut-Karabakh. Pour rappel, après avoir été confrontée au risque d'une débâcle lors de sa guerre avec l'Azerbaïdjan, l'armée arménienne, qui avait perdu quelques 6.000 hommes, avait poussé le Premier ministre Nikol Pachinian à accepter le cessez-le-feu négocié par le président russe Vladimir Poutine même s'il impliquait d'importantes pertes territoriales pour l'Arménie puisqu'il a permis à l'Azerbaïdjan de reconquérir ces larges pans de son territoire qui étaient tombés sous le contrôle de l'Arménie lors de sa victoire contre les troupes azéries en 1994. Mais l'humiliation ressentie par les arméniens a été tellement insoutenable que la crise politique qui couvait déjà depuis novembre 2020 a connu un spectaculaire rebondissement jeudi dernier lorsque l'Etat major de l'armée s'est rangé du côté des manifestants et a appelé au départ du Premier ministre. Qualifiant cette déclaration de « Coup d'Etat », le Premier ministre arménien a immédiatement limogé le colonel-général Gasparian et appelé ses partisans à descendre dans la rue. Entouré par quelques 20.000 personnes rassemblées au centre de la capitale, Erevan, Nikol Pachinian a exhorté les militaires à « protéger les frontières et l'intégrité territoriale de l'Arménie » car « l'armée ne peut pas participer aux processus politiques. L'armée doit obéir au peuple et aux autorités élues par le peuple (...) Ce sont mes ordres et personne ne peut y désobéir (...) Ceux qui ont volé le peuple n'ont pas la possibilité de revenir au pouvoir... Si quelqu'un franchit les limites des déclarations politiques, il sera arrêté ». Il ajoutera : « c'est la fin du velours » en référence à la « révolution de velours » qui l'avait porté au pouvoir au printemps 2018. Mais en étant forts du soutien de l'armée, quelques 10.000 manifestants ont investi, le lendemain, les principales artères de la capitale et bloqué toutes rues entourant le Parlement à l'aide de barricades et de tentes avec pour seule idée en tête de chasser leur indésirable Premier ministre. Même son de cloche du coté de l'ancien Premier ministre Vazgen Manoukian que l'opposition souhaiterait voir à la tête du gouvernement et qui a déclaré que « le peuple doit descendre dans la rue et exprimer sa volonté pour qu'on évite un bain de sang et la crise ». Après s'être regroupé devant le siège de la présidence, les protestataires – dont la colère était palpable et pour lesquels « le temps de Nikol est terminé » – empruntèrent le chemin menant à la résidence du Premier ministre bien décidés à ne point en découdre avec ce dernier car, par sa faute, « plusieurs jeunes ont été tués (et) la souveraineté du pays a été affaiblie ». « Qui respectera un pays dont le dirigeant a capitulé à l'arraché et a été humilié publiquement par Aliev (le président azerbaïdjanais) ? » s'est même demandé une jeune manifestante. Mais quand Nikol Pachinian s'est dit prêt à entamer des consultations avec l'opposition sans s'empêcher, néanmoins, de brandir la menace d'arrêter tous ceux qui violeraient, Guegham Manoukian, un responsable de la « Fédération révolutionnaire arménienne », opposition, a répondu qu'il ne parlerait avec le Premier ministre que de sa démission. Mais, bien que de Paris, Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie française, ait invité les partisans du Premier Ministre Nikol Pachinian et l'opposition arménienne à entamer un « dialogue » pour préserver la « démocratie », le bras-de-fer entre les deux parties semble être là pour durer sauf revirement de dernière minute. Alors, attendons pour voir... Nabil El Bousaadi