Nabil El Bousaadi «L'accord de cessez-le feu trilatéral entre la Russie, l'Azerbaïdjan et l'Arménie est respecté de manière cohérente. La situation au Haut-Karabakh est stable. Plus de 48.000 personnes sont déjà rentrées chez elles après le cessez-le-feu» a déclaré, ce lundi, Vladimir Poutine en recevant, à Moscou, son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian qui, sans se serrer la main, se sont contentés, toutefois, de se saluer à distance avant de s'asseoir à une table ovale en face du président russe. Mais si, pour le chef du Kremlin, l'accord de paix conclue sous l'égide de la Russie, le 9 novembre dernier, qui a mis fin à 6 semaines d'affrontements ayant fait des milliers de morts au sein des forces armées des deux pays et de la population civile et permis à l'Azerbaïdjan de conserver les territoires conquis au cours du conflit tout comme le déminage de centaines d'hectares et la réouverture de 182 kilomètres de routes, constitue «un préalable pour régler ce conflit sur le long terme», la tristesse et le désarroi consécutifs à la défaite persistent du côté arménien. La raison est très simple. Cet arrangement a permis à l'Azerbaïdjan non seulement de reconquérir les larges pans de son territoire qui étaient tombés sous le contrôle arménien dans les années 1990 mais, également, de disposer, en Arménie, d'un corridor reliant l'enclave azérie du Nakhitchevan à l'Azerbaïdjan et qui, pour le moment, a été placé sous le contrôle de quelques 2.000 soldats russes «de maintien de la paix» dans le cadre d'une mission dont il va falloir «préciser», ultérieurement, les contours et la durée. Pour rappel, l'enclave du Haut-Karabakh, reconnue par la communauté internationale comme étant partie intégrante de l'Azerbaïdjan bien qu'étant majoritairement peuplée d'arméniens, était, jusqu'en Octobre dernier, contrôlée par ces forces séparatistes arméniennes qui, à l'issue du conflit qui a duré du 27 septembre au 9 novembre derniers, ont fini par être repoussées par les troupes de Bakou aidées par des soldats syriens dépêchés par la Turquie. Aussi, le dépit des arméniens est-il dû, également, au fait que plusieurs d'entre eux craignent que leur Premier ministre, qui n'a pas de liens personnels avec le Nagorny-Karabakh, désormais, très affaibli après avoir été amputé de près de 60% de son territoire, n'en vienne à faire de nouvelles concessions à Moscou en acceptant de se retirer de la région de Syunik sur laquelle l'Azerbaïdjan a des visées et de faire, ainsi, le jeu de la Russie qui, dans cette partie de «billard à trois bandes» qui se joue entre elle, la Turquie et l'Azerbaïdjan cherche à consolider son emprise dans le Caucase du sud. Enfin, si l'accord de paix signé, sous l'égide de Moscou, entre Bakou et Erevan démontre la grande influence de Moscou dans la région, il permet, également, au Kremlin de maintenir l'équilibre avec l'Azerbaïdjan dont la victoire arrachée grâce à l'aide de la Turquie a mis le président Ilham Aliev dans une position politique instable sur la scène intérieure. Aussi, en soutenant ce dernier, Moscou cherche, également, à se démarquer de cette pieuvre turque qui n'arrête pas d'étendre ses tentacules dans le monde turcophone. Poutine réussira-t-il à faire barrage à Erdogan et à le stopper dans son élan ? Rien ne l'indique, pour l'heure, mais attendons pour voir...