Nabil El Bousaadi En signant, le 1er Février dernier, son quatrième coup d'Etat en 63 ans, l'armée birmane était loin de se douter que celui-ci n'allait pas passer comme une lettre à la poste, comme ceux qui l'ont précédé, mais qu'il allait donner lieu à la plus forte mobilisation qu'ait connu le pays tout au long de ses 6 dernières décennies suite à l'intense campagne de désobéissance civile qui, cette fois-ci, a été lancée par le mouvement pro-démocratie. C'est, en effet, par milliers que les birmans de tous âges ont investi, ce lundi, les rues des principales villes du pays en dépit du communiqué de la veille à travers lequel la junte militaire avait mis en garde les manifestants contre toute tentation d'inciter la population à « l'émeute et l'anarchie ». Cette importante mobilisation est intervenue au lendemain de la journée la plus meurtrière qu'ait connu le pays depuis le coup d'Etat puisqu'elle s'est soldée ce samedi par le décès de deux personnes à Mandalay et d'une troisième à Rangoon ; toutes tombées sous les balles de la police. La veille, c'est des milliers de birmans qui avaient participé, dans la périphérie de la capitale, aux funérailles de Mya Thwate Thwate Khaing, cette jeune épicière qui a rendu l'âme ce vendredi dix jours après avoir été blessée par balles à la tête et qui est devenue, ainsi, la première icône de la résistance anti-junte. Trois semaines après le coup d'Etat, la mobilisation semble donc bien loin de s'essouffler et la campagne de désobéissance civile continue à perturber fortement le fonctionnement de l'Etat et de son économie. En effet, nonobstant l'important déploiement, dans la capitale, des camions de la police et de l'armée, ce lundi, les birmans sont sortis en masse pour dénoncer le coup d'Etat en brandissant des banderoles en soutien à Aung San Suu Kyi, l'ancienne cheffe du gouvernement civil tenue au secret depuis son arrestation le jour du putsch. « Nous sommes ici, aujourd'hui, pour participer à la manifestation, pour nous battre jusqu'à ce que nous gagnions. Nous nous inquiétons de la répression mais nous continuerons. Nous sommes tellement en colère » a déclaré, la rage au ventre, Kyaw Kyaw, un étudiant de 23 ans qui ne manifeste aucune crainte à devoir affronter des forces de l'ordre armées jusqu'aux dents qui, si elles font usage bien souvent de balles en caoutchouc tirent, parfois à balles réelles tout en s'aidant de bombes lacrymogènes et de canons à eau. Mais si, dès le 1er Février, le putsch de l'armée birmane a été dénoncé par de nombreuses chancelleries occidentales, l'escalade des tensions qui s'en est suivie a provoqué de nouvelles condamnations à telle enseigne que les ministres des Affaires étrangères de l'Union Européenne ont prévu de tenir une réunion ce lundi à l'effet de prendre, à l'encontre de la junte birmane, les sanctions qui s'imposent. Raison pour laquelle après avoir rappelé que « malgré les manifestations illégales et les incitations aux troubles et à la violence, les autorités (birmanes) font preuve de la plus grande retenue en ayant recours le moins possible à la force pour faire face aux perturbations », le ministère birman des Affaires étrangères a estimé que ces dénonciations sont une « ingérence flagrante » dans ses affaires intérieures. Il y a lieu de signaler, enfin, que selon une association d'aide aux prisonniers politiques, après son putsch, l'armée birmane a procédé à l'arrestation de 640 personnes parmi lesquelles des cheminots, des fonctionnaires et des employés de banques qui ont arrêté de travailler en réponse à l'appel à la désobéissance civile lancé par les pro-démocratie et par solidarité avec l'opposition à la junte. Que dire donc pour terminer sinon qu'au vu de la détermination des uns et des autres, il semble bien que le bras-de-fer qui, cette fois-ci, oppose les birmans à leur armée soit fait pour durer. Alors, attendons pour voir...