Pour ne pas laisser passer la menace de ces deux nuits Par Abdelhak Najib Il a suffi de 48 heures de pluie pour que la capitale économique du pays, sa vitrine à l'international, son cœur palpitant, son poumon vibrant, soit asphyxié par un déluge. Des rues inondées, des boulevards coupés, des zones entières sinistrées, le centre-ville sous l'eau, avec des cascades naturelles qui coulent vers des égouts bouchés, parce que jamais entretenus. Qu'une ville comme Casablanca soit paralysée à cause d'une averse, que dire des petits patelins livrés aux coulées de boue et à des lahars dévastateurs ? Que dire des petits hameaux dans les régions montagneuses qui ont dormi sous l'eau, presque ensevelis par des montées des eaux, répétitives, connues des autorités locales, mais contre lesquelles aucune mesure n'a été prise en amont pour sauver des populations entières, déjà coupées du monde, par la neige et le froid. Ces deux journées du 6 et 7 janvier sont à marquer de fer rouge dans les annales de la honte de notre cher Maroc. Et dire que notre pays se fâche quand on ne lui accorde pas l'organisation de grandes manifestations sportives. La belle affaire ! Qui croit encore que l'on est capables d'organiser la coupe du monde ? Réveillez-vous avant de prétendre à des défis aussi grands. Pour qu'une ville comme Casablanca, bâtie sur un fleuve (le Bouskoura), qui coule sous le macadam, se noie à chaque fois qu'il pleut, c'est que les responsables de la ville n'ont pas encore pris la pleine mesure du danger d'une ville dont les assises reposent sur l'eau, la boue, et des terrains glissants. Faudra-t-il attendre une catastrophe de grande envergure qui décime des milliers de personnes pour les pleurer et tirer enfin les leçons qu'il faut? Faudra-t-il assister à l'effondrement de milliers de maisons menaçant ruine pour se résoudre à trouver des solutions à long terme pour une ville menacée par les eaux ? Pourquoi, il faut toujours compter les morts pour réagir ? Nous le savons, Casablanca souffre de sa situation géographique et géologique. Sa nappe phréatique est alimentée en continu par un fleuve sous-terrain, un surplus d'eau et c'est l'inondation. Nous l'avons vécu dans la chair à de multiples reprises. Quand les responsables vont-ils décider de faire de cette menace une priorité pour la survie de la ville, qui compte des infrastructures importantes pour la survie de notre économie: un aéroport, un port stratégique, des quartiers financiers, des usines et des manufactures, des centres commerciaux, des niches d'économie parallèle, des quartiers à haut risque urbain... ? Le topo est clair et le constat est très vite fait. Pourtant, depuis des décennies, malgré toutes les alertes dont celle de 2011 aurait, à elle seule, suffit à nous faire prendre les mesures idoines, rien n'a été fait. Pire, dans une ville-chantier où l'on construit partout, où l'on creuse des tunnels pour désengorger les routes et les points de passage, où l'on restaure un centre-ville longtemps délaissé et en désuétude, toutes les priorités doivent converger vers une décision sans ambages : régler le gros problème des eaux et juguler les risques des inondations à répétitions, le mal suprême dont souffre toute l'agglomération. A la lumière de ces deux nuits noires du 6 et 7 janvier 2021 (cadeau de bonne et nouvelle année de la part des responsables) qui doit répondre de ce qui a frappé plus de 4 millions de Marocains en ne parlant que de la ville de Casablanca, sans évoquer tout le reste du royaume qui a jeté l'éponge, qui a abdiqué devant le danger ? Qui va prendre sur lui la responsabilité d'une faillite de gestion de la plus grande ville du pays? Où sont les élus locaux qui doivent prendre le pouls de leur ville et alerter sur les dangers qu'elle encoure ? Où sont les députés qui doivent faire de ce danger une urgence à régler pour la survie des citoyens ? Que fera la mairie de la ville, que fera la commune urbaine et le conseil de la ville ? Les Marocains attendent des mesures fortes pour les sauver, car un danger de plus, avec une année de peur, d'angoisse et de morts causés par la pandémie du Covid 19, a déjà frappé de plein fouet des populations livrées à elles-mêmes. Abdelhak Najib