Il y a maintenant dix jours, Rabat, la capitale du Royaume, était quasi-inondée. Presque noyée par des pluies torrentielles qualifiées d'«exceptionnelles» par les responsables de la société délégataire de la distribution d'eau potable et d'électricité de Rabat et sa région. Il n'y a eu jusqu'à présent aucun décompte chiffré des dégâts publié par les autorités, aucun bilan des pertes matérielles ainsi occasionnées. Les conférences et communiqués de presse ont surtout rapporté des évidences, un volume surprenant des précipitations pluviométriques en un laps de temps très court a suffi pour submerger foyers et commerces dans certains quartiers et les principales artères de la capitale. Surprenant? Pas aussi sûr. Et quid de la célérité et de l'efficacité des premiers secours et interventions? C'est surtout sur cet aspect des évènements que s'est penché l'enquête de votre dossier du week-end. Quel volume de précipitations pluviométriques a reçu Rabat en ce mardi 15 septembre? Selon un communiqué de presse de Veolia Environnement daté du 15 septembre, il est tombé du ciel en ce jour là 90 millimètres d'eau en moins de trois heures. Volume comparable à la pluviométrie de tout le mois de novembre, le plus humide de l'année. L'Office de la météorologie nationale, instance des plus crédibles s'il en est, a informé à travers son responsable de la communication, que l'importance des pluies qui se sont abattues sur Rabat et Salé avait atteint les 33 millimètres le 15 septembre, entre 7 heures et 9 heures du matin. «Il s'agit de la période pluvieuse la plus violente depuis l'arrivée de Veolia Environnement à la tête de REDAL en 2002» précise le communiqué précité pour expliquer le fonctionnement défectueux des réseaux d'assainissement et les pannes électriques dans certains quartiers. Ces «pluies précoces dites “décennales”», que la wilaya de Rabat n'aurait pas connues depuis 2002, c'est-à-dire la date d'arrivée de Veolia, le réseau de canalisation ne pouvait pas les refouler, selon Veolia. Jusqu'à quel point est-ce que c'est vrai? Les dégâts étaient en tout cas au rendez-vous. Des gens ont vu leurs maisons envahies par les eaux, aussi bien dans des quartiers aussi modernes comme ceux de Souissi, Agdal, Dar Essalam et Hay Riad que populaires comme ceux de Yakoub Mansour et Taqaddoum. Des commerçants ont perdu pour des centaines de milliers de dirhams de marchandises. La gare de Rabat-Agdal a été totalement inondée. Le trafic des navettes entre Rabat et Casablanca a été interrompu pendant des heures. Nombre d'usagers de ces navettes n'ont pu rejoindre leur travail ce matin là. Le réseau routier de la capitale non plus ne s'en est pas sorti indemne. Des conduites d'assainissement ont débordé sur les grands axes routiers, les rendant impraticables pendant des heures. Le tunnel ferroviaire entre Agdal et le centre ville, ainsi que les ponts de Mediouna au quartier Mabella, Beni Iznassen au quartier Agdal et celui de Hay Nahda ont été submergés. Nombres de conducteurs qui s'y trouvaient ne doivent leur salut qu'à des passants qui les ont sortis avec peine de leurs véhicules envahis par les eaux. Des voitures ont été littéralement abandonnées aux flots. Le récit d'un témoin: «Il n'y a pas que les voitures qui ont été inondées, un monsieur qui essayait de sortir sa voiture d'un garage, situé dans une cave, a failli mourir noyé. Il a bien essayé de se sortir de son véhicule, mais il n'y est pas parvenu. Le flux des eaux de pluies était trop puissant et il ne parvenait pas à ouvrir la portière. Il serait sûrement mort si des gens n'étaient pas intervenus pour le sauver en lui ouvrant cette portière». Des images dignes de films hollywoodiens. En tout, une trentaine de véhicules abîmés, dont les propriétaires devront verser de fortes sommes pour les remettre en marche. Réaction en chaîne En pareille situation, chaque problème posé finit par en entraîner un autre. Le blocage des axes principaux de la capitale a engendré de tels embouteillages que la tâche des équipes d'intervention et de secours en a été compliquée. Et plus ces équipes tardaient à remplir leur tâche, plus les citoyens qui en avaient besoin souffraient. Pour cette autre raison, nombre de fonctionnaires et d'employés n'ont pu se rendre à leur travail qu'après des heures de retard. Les quartiers industriels de Vita et celui en face des immeubles Fadesa, ont été également engloutis. Aucune idée pour l'instant du volume des pertes enregistrées. A côté de cela, l'interruption du courant électrique qui a touché 60% du quartier Agdal et 30% du centre ville, selon les chiffres de la REDAL, passe pour un petit incident mineur. Aurait-il pu être possible de prévenir, ou du moins de réduire par des mesures préventives préalables, tous ces dégâts? Voici l'avis d'un haut cadre public qui a requis l'anonymat. Vous allez d'ailleurs constater à la lecture de cet article que toutes les personnes qui ont accepté de répondre à nos questions l'ont fait en requérant l'anonymat. Les autres, tels les responsables de la REDAL et du Conseil de la ville que nous avons contacté, n'étaient pas prêts à fixer rendez-vous au moment de la réalisation de l'enquête. La presse a des délais à respecter qui rentrent souvent en contradiction avec la notion du temps de certains responsables. Pour en revenir à l'avis de ce haut cadre public, il a déclaré que «deux bulletins d'alerte météorologique ont été émis par les services concernés un jour avant le début des pluies torrentielles. Le premier le matin du 14 septembre, le second le même jour en début de soirée. «Le problème c'est que le bulletin météo n'a pas été bien exploité. Quand on alerte des régions ou des communes, il faut que les gens réagissent. C'est-à-dire qu'il faut prévenir les différents responsables des services concernés qu'un bulletin d'alerte météo a été reçu, prévoyant de fortes perturbations atmosphériques. Parmi les services concernés dans le cas de figure, les services techniques de la commune, la police, pour la régulation du trafic routier et les pompiers. Il est sûr que ce bulletin météo a atterrit sur les bureaux, mais n'a malheureusement pas été pris en considération. Il aurait suffi d'un minimum de réactivité de la part de certains hauts responsables, à la lecture de ce bulletin météo, pour arriver à réduire les dégâts enregistrés. Les responsables des différents départements doivent prendre les bulletins d'alerte météo très au sérieux et avec un sens certain de responsabilité. Quand un bulletin de ce genre tombe, il faut vite réagir en appelant toutes les personnes intéressées afin qu'elles prennent les précautions d'usage et les mesures qui s'imposent. Que le problème se pose effectivement ou pas, les responsables se doivent dans tous les cas de figure de réagir. C'est leur devoir. Au cours des dernières inondations à Rabat, personne ne semble avoir réagi à temps, c'est-à-dire à la lecture du bulletin d'alerte météo». Et les responsabilités ne s'arrêtent pas là. D'autres aspects de ces inondations doivent également être soigneusement examinées. De la boue… partout ! Pourquoi le réseau de canalisations de Rabat n'a-t-il pu contenir les flux d'eau ? Le système d'égouts de la capitale, selon un cadre technique spécialisé qui a également requis l'anonymat, ce sont 37 km de canalisations, enterrées à pas plus de 3,5 à 4 mètres de profondeur. Selon ce cadre, ce ne serait pas assez profond pour éviter les inondations dues aux reflux des conduites d'évacuation. Les eaux usées s'écoulent le long de canalisations de 30 cm de diamètre, qui donnent sur d'autres de 40 cm, ensuite 60 cm, avant d'achever leur parcours vers l'océan à travers des collecteurs de forme ovoïdale de 2 m de hauteur. La dernière canalisation à avoir été refaite est celle de l'ancienne Médina, en 1988. C'est-à-dire bien avant la gestion déléguée. Depuis lors, … Mais il n'y a pas, bien sûr, que les travaux de réfection. La démarche la plus courante consiste à procéder à un curage des regards du système des égouts de manière périodique, en raison des ordures et de la boue qui viennent sans cesse obstruer les conduites. Et c'est là l'un des points clés du problème soulevé. Voyons d'abord ce qui s'est produit ce matin du 15 septembre dans le système des égouts de Rabat. Les explications du cadre spécialisé. «L'averse se déplace généralement dans le sens de l'écoulement des eaux dans les conduites. Les eaux prennent de la vitesse en s'écoulant vers l'océan. Pendant ce temps, les canalisations en aval continuent de recevoir de nouvelles quantités d'eau, jusqu'à saturation. Surtout si certaines de ces canalisations sont obstruées. Et qui dit vitesse d'écoulement, dit aussi la pression qui en découle. D'où les débordements des canalisations». «En raison du volume exceptionnel des précipitations, les canalisations de Rabat ont été vite saturées» ajoute notre expert, qui se veut le plus objectif possible. Redal a mis l'accent sur une autre difficulté qui est venue compliquer encore plus les choses. «Le problème des boues a aggravé davantage la situation, notamment à Hay Riad. Les terres déposées le long du Boulevard Abderrahim Bouabid pour l'aménagement d'un important jardin dans cette zone, avec la pluie, ces terres se sont transformées en boues». Plus explicite, notre expert précise comment cela s'est passé dans les conduites des eaux usées. «Les eaux chargées de boues sont ainsi alourdies. Ce qui en diminue relativement la vitesse d'écoulement. Ces eaux ont donc rencontré en chemin les eaux de pluies recueillies par les autres regards, en aval. Celles-ci ne sont pas chargées de boues, donc plus légères et à écoulement plus rapide. Les eaux dont la vitesse d'écoulement est plus grande, même si plus légères, ont fait reculer les eaux chargées de boues, dont l'écoulement est plus lent. Plus simplement, suite au choc entre les deux courants d'eau, ce sont les eaux boueuses qui ont reflué». Quelques 10% de la glèbe entassée pour terrasser le nouveau jardin du boulevard Abderrahim Bouabid ont donc été transformées en boues déversées par la suite dans les regards d'assainissement. C'est cette boue qui a provoqué l'obstruction des canalisations et le reflux des eaux sur les chaussées. Du moins au niveau de Hay Riad. Qui est responsable de quoi? Selon l'article 50 de la charte communale, parmi les attributions du président du conseil communal figure la prise des «mesures nécessaires à la prévention des incendies, des sinistres, des inondations et autres calamités publiques». Il veille également à «l'hygiène, la salubrité des habitations et dans les voiries, l'assainissement des égouts, l'alimentation et la répression de l'entreposage des dépôts d'ordures en milieu habité. Il participe à la sauvegarde et la protection des sites naturels…» Concrètement, ce sont les services techniques de la commune qui ont les moyens et les ressources humaines nécessaires pour faire face à ce genre de situation. Mais comme à Rabat ces prérogatives ont été déléguées à une entreprise privée, la REDAL, détenue par Veolia, c'est à elle que revient la charge d'intervenir pour débloquer la situation, sans que cela ne diminue pour autant de la responsabilité du président du conseil communal qui demeure l'autorité exécutive de la commune. «Le moins que REDAL aurait pu faire, si tout le monde avait réagi à temps, c'était le pré positionnement du matériel d'intervention aux abords des points noirs que les techniciens de cette entreprise ne peuvent pas ne pas connaître» s'insurge le haut cadre public. A un autre niveau, selon l'article 5 du Dahir fixant les attributions des gouverneurs, le gouverneur ou wali chapeaute tous les services extérieurs des différents départements ministériels se trouvant sous sa juridiction. C'est lui qui devient directeur des secours en pareille situation. C'est lui aussi qui assure la fonction de coordinateur principal des différents services concernés par les interventions d'urgence et les premiers secours, en cas de catastrophe naturelle. Il y a bien eu réunion d'un comité de gestion de crise supervisé par le wali, mais une fois seulement que les inondations se sont produites et les premiers secours déjà envoyés sur le terrain. Or, cette procédure aurait dû être entamée dés réception du bulletin d'alerte de la météo. «J'ai travaillé sous les ordres d'un wali, maintenant décédé, et je me rappelle très bien que lorsqu'il recevait un bulletin d'alerte quelconque, il convoquait les responsables des différents services concernés pour leur dire ces quelques mots: «J'ai reçu un bulletin d'alerte, que Dieu nous préserve des catastrophes. Je n'ai rien à vous apprendre, chacun de vous connaît son travail et sait ce qu'il faut faire en cas de besoin. Je compte sur vous pour m'appeler si nécessaire». Chacun de ces hauts responsables faisait alors l'inventaire des moyens et personnels nécessaires dont-il dispose et les mobilisait pour parer à toute éventualité. Comment faire parvenir les secours ? Nous avons interrogé plusieurs responsables publics et élus sur la mise en œuvre du plan ORSEC. Qu'elle ne fût notre surprise d'apprendre que, contrairement à bien d'autres pays, «il ne s'agit pas plus que d'un document qui tient l'inventaire des moyens existants. Il ne comporte pas les procédures et tâches à exécuter. Depuis les tremblements de terre d'Al Hoceïma, une démarche dans ce sens a été toutefois engagée» indique notre haut cadre. Autre défaillance constatée et pas des moindres en pareille situation, celle de la régulation de la circulation au niveau des points de passage névralgiques pour la fluidité du déplacement des secours. C'était un véritable problème. La police était dans la même situation que les citoyens, incapable de se déplacer pour porter secours à qui que ce soit. Selon un simple agent de police rencontré par hasard et qui ignorait avoir affaire à des journalistes, c'était «ettelfa», personne ne savait ce qu'il fallait faire. Les services de police ne disposent pas de canots pneumatiques pour circuler en cas d'inondations, ni d'aucun autre moyen pour porter secours d'ailleurs. La circulation était bloquée au carrefour de Hilton, à la place Bab El Had, celle en face de la gare routière de Kamra, la route de Oulja, l'autoroute allant vers Casablanca à hauteur de Hay El Fath et dans pas moins de 13 avenues de la capitale. Un dispositif d'urgence a bel et bien été mis en place, pour faire face aux conséquences des intempéries, et les autorités sont quand même intervenues pour désembouteiller la circulation sur les grandes artères de Rabat, de Salé et Témara. Un service mérite toutefois d'être salué, celui de la protection civile de Rabat. Etirée de partout ce jour là, elle a laissé bonne impression par ses efforts remarquables. Plus de 60 de ses élements ont été mobilisés, 18 pompes et 22 camions pour pomper les eaux dans différents quartiers de Rabat, Salé et Temara. Ses secouristes ont eu eux aussi à patienter longuement dans les embouteillages avant de pouvoir se rendre sur les lieux où les citoyens ont fait appel à leur aide. Redal dit avoir reçu, entre 6 heures du matin et midi, quelques 3.000 appels téléphoniques de personnes réclamant son intervention, soulignant que d'importants moyens techniques et humains avaient été déployés sur le terrain, dont 10 camions «hydro curseurs» et d'importantes ressources humaines. Veolia souligne que «la priorité d'intervention s'est axée sur les carrefours, les grandes artères et les routes menant aux établissements scolaires avant de répondre aux problèmes des particuliers ». Avant d'ajouter que « les perturbations de la circulation ne sont pas dues à un dysfonctionnement ou à des problèmes au niveau du réseau de la canalisation». Ainsi, le courant a pu être rétabli «en 17 minutes pour l'ensemble de la zone affectée, à l'exception des quartiers desservis par 3 postes enterrés qui ont été inondés et dont la remise en service a nécessité un délai supplémentaire» souligne fièrement le communiqué de Veolia. Pourtant, nombre de citoyens sont loin de partager ce constat de satisfecit. Les refoulements des égouts, les défauts dénoncés des équipements de la ville, l'accusation redondante de déficit d'entretien du réseau, son insuffisance également, sont quelques unes des critiques et reproches adressées à REDAL par des citoyens en colère pour avoir essuyé des pertes conséquentes. Des citoyens dégoûtés «Je suis écoeuré, s'exclame un habitant du quartier Hay Riad. Quand je paye ma facture d'eau et d'électricité, je paye aussi l'assainissement. Avant, quand les régies dépendaient du ministère de l'intérieur et des communes, on pouvait dire qu'elles ne savaient pas travailler. Mais maintenant que ces régies ont été déléguées à des entreprises privées, nous sommes censés avoir enfin affaire à des professionnels. S'ils me comptabilisent l'assainissement, cela veut dire qu'ils sont responsables des dégâts que ces inondations ont occasionnées». «Pourquoi paye-t-on plusieurs tranches pour l'assainissement, comme on le fait pour l'eau potable ? Plus je fais couler d'eau dans les canalisations des eaux usées, plus je facilite l'assainissement pourtant» s'interroge mi moqueur mi blasé un ingénieur à la retraite. «Les responsables de REDAL comptent parmi ceux qui reçoivent les bulletins d'alerte météo, ils se devaient donc de réagir à temps» estime en conclusion le haut cadre public. «Sur l'ensemble du réseau, il y a des canalisations qui sont dites “visitables”, c'est à dire que l'on peut inspecter et nettoyer périodiquement, et d'autres qui ne le sont pas» explique le cadre technique spécialisé. Or, le mardi 15 septembre à Rabat, «tous les regards étaient bouchés. Chaque année, un message est envoyé aux communes pour leur rappeler de procéder au nettoyage des regards et conduites des eaux usées. Cela fait près d'un mois que ce message a été envoyé à REDAL qui a commencé le travail mais avec beauqoup de retard. Ce n'est concrêtement qu'après les inondations que ses équipes de curage sont devenues visibles. C'est un déficit d'appréciation flagrant. Quand s'approche la saison des pluies, il faut s'y préparer». La fourmi n'en disait pas moins à la cigale dans la fable de La Fontaine. Selon des informations difficiles à confirmer ou infirmer, vu l'indisponibilité des responsables de REDAL pour répondre à nos questions, sur les 37 km de canalisations du système d'égouts de Rabat, la société déléguée a bien purgé cet été les regards sur 27 km. Il serait resté des regards non nettoyés sur quelques 10 km, sûrement là ou se sont produits les colmatages qui ont provoqué les refoulements des eaux de pluies par les égouts. Au total, «plus de 200 employés de REDAL et 10 hydro cureuses ont été mobilisés pour effectuer les travaux nécessaires au curage de réseaux» selon le communiqué de Veolia, mais… après les inondations ! Le non assainissement des canalisations en prévision des eaux pluviales, n'est pas le seul reproche fait à REDAL. Notre cadre technique spécialisé insiste sur le devoir pour la société gestionnaire de la distribution de l'eau et de l'électricité à Rabat et région d'inciter les gens qui ont des sous sols et caves de doter leurs conduites des eaux usées de clapets anti-reflux. Ces petits outils empêchent le retour des eaux usées dans les canalisations vers les maisons, surtout au niveau des sous sols et des caves». «A partir d'un mètre de profondeur par rapport au niveau du sol, existe le risque d'inondation par refoulement des eaux usées dans les canalisations» tient-il à préciser. Ce cadre de longue expérience propose même une solution pour les canalisations partiellement ou totalement obstruées et difficiles à reconstruire là ou elles sont situées. «Une solution pour renforcer le réseau, consiste à installer des canalisations dérivées, placées à 30° des canalisations principales». Affaire « capitale » Rabat, ce n'est pas n'importe quelle ville. C'est la capitale du Royaume du Maroc. Elle abrite un certain nombre de sites sensibles qui ne doivent jamais être mis hors fonction. Il en va de la sécurité nationale. C'est aussi une vitrine au reluisement de laquelle des fonds importants ont été affectés. Le projet de la vallée du Bouregreg est celui d'une cité tournée vers l'avenir et la modernité. Les conséquences des dernières inondations, qui auraient pu être autrement plus graves si les précipitations avaient duré plus longtemps, font réfléchir et se poser nombre de questions. Rabat serait-elle en fait plus fragile que ne le laissent penser ses ambitieux projets ? «C'est une aberration de voir la capitale cesser de fonctionner. C'est inadmissible» martèle avec véhémence un chef de division dans un département ministériel, dont une bonne part des fonctionnaires ce sont absentés ce jour là. «Il y a des gens qui passaient des concours, il y en a d'autres qui avaient des rendez-vous avec leurs médecins, etc. 60% des fonctionnaires n'ont pas pu rejoindre leurs postes, de même pour les élèves». «Tout ça parce que le bulletin météo n'a pas été pris en considération», se plaît le haut cadre public à répéter inlassablement, remuant ainsi le couteau dans la plaie. «On aurait pu, par exemple, diffuser à travers les différents médias audiovisuels une consigne pour demander à ce que les élèves ne se rendent pas à leurs écoles ce jour là. La pluie a commencé à 6 heures du matin, les parents auraient pu retenir leurs enfants, ce qui aurait constitué un souci de moins pour les autorités». «Toutes les infrastructures de circulation à Rabat étaient paralysées, submergées par les eaux. L'entrée de Rabat en venant de Casablanca était bloquée. Il y a donc un problème technique qui s'est posé. Les infrastructures sont là, mais encore faut-il qu'elles soient opérationnelles». Toutes les personnes au fait du sujet qui ont accepté de répondre à nos questions sont unanimes pour dénoncer non tel ou tel responsable qui aurait fait preuve d'inadvertance, ou tel ou tel entité qui aurait failli à son devoir, mais bien une culture de la négligence et une absence du sens de la responsabilité, flagrantes sur plusieurs aspects. «Je ne comprends pas que des départements ministériels se dotent d'installations informatiques qui coûtent des milliards pour les placer dans des caves qui ne disposent même pas de pompes de secours» s'amuse à souligner notre ingénieur à la retraite. «Le moins auquel ils se devaient de penser, c'est à la ventilation et à l'eau, deux éléments dont on ne peut oublier normalement de tenir compte». Le haut cadre public insiste plus sérieusement sur les mesures à élaborer et mettre en oeuvre en partant des leçons dictées par les récents événements. «On doit revoir les règles de la sécurité des parkings sous terrains. Si on ne tire pas les enseignements qu'il faut des catastrophes qui se produisent, d'autres ne vont pas manquer un jour de se produire sans que l'on ne puisse jamais parer efficacement aux dégâts. L'Agence urbaine, les services techniques des municipalités, la protection civile doivent revoir les critères imposés pour l'octroi du permis d'habiter pour les constructions avec caves, sous-sols ou parkings sous terrains. Comme la réglementation impose par exemple de disposer d'extincteurs, il faudrait aussi imposer aux unités industrielles et bâtiments accueillant du public de se doter de pompes pour vider les sous-sols et les caves dans les situations d'inondations». Bien des constats doivent être établis, des leçons tirées et des mesures préventives prises, partant des récentes inondations qui ont failli submerger la capitale en quelques heures de précipitations pluviométriques trop généreuses. Encore faut-il que les responsables concernés ne négligent pas de le faire, comme ils l'ont fait avec le bulletin d'alerte des services de la météorologie.