Les Tangéroises et Tangérois raffolent des promenades nocturnes, surtout en été. Mais cette année, l'histoire est tout autre. Pour cause de pandémie, les promenades jusqu'à tard le soir sont à éviter, surtout dans une ville comme Tanger où les cas positifs sont de plus en plus nombreux depuis quelques semaines déjà. Pour éviter les attroupements, réunion en petit groupe etc., la circulation à Tanger est limitée. Au-delà de minuit, les taxis ne sont plus actifs. C'est à ce moment que les chauffeurs clandestins entre en jeu. Enquête. Tanger est sur toutes les lèvres, non pas pour ses beaux paysages, ses plages et ses terrasses, mais plutôt pour les tristes records de contamination à la Covid-19. Pour tenter de juguler la pandémie, les autorités compétentes ont procédé à de nombreuses mesures pour limiter la circulation des habitants de la ville. Entre autres mesure, les petits et grands taxis voient leur nombre de passagers quasiment divisé par deux. Les petits taxis ne peuvent embarquer plus de deux clients au lieu de trois, tandis que les taxis blancs passent de six voyageurs à trois. En plus de cela, il leur est strictement interdit de prendre des clients au-delà de 00H. Les Tangéroises et Tangérois sont connus pour être des couche-tard. En été tout particulièrement, ils prennent plaisir à flâner entre le «Bulevar» et «Playa», récemment dotée de sa Marina. Mais voilà que sans taxis, la mission se complique, surtout pour le chemin du retour. C'est à ce moment que les taxis clandestins entrent en jeu. Il est 00:30 mardi 11 août, sur l'avenue tangéroise «Prince Héritier», non loin de l'ancienne gare routière. Les taxis se font rares, très rares. Au bout de 15 minutes, aucun taxi grand et petit n'est passé par cette artère. Jusque-là rien d'étonnant puisque les douze coups de minuit ont retenti il y a près d'une heure. Quelques instants plus tard, une Golf 3 de couleur blanche remonte l'avenue. Roulant à faible vitesse, le passager guette le client potentiel. Une fois arrivé à notre niveau, ce même passager nous demande si nous attendons un taxi. Répondant par l'affirmatif, il nous demande notre destination. Après lui avoir indiqué où comptions-nous nous rendre, sans se concerter avec le chauffeur, il nous proposa de nous déposer pour 20 Dhs. Il est à noter que ce trajet ne dépasse pas la somme de 10 Dhs à bord d'un «vrai» petit taxi. Ayant trouvé cela trop cher, hormis le fait que nous ne comptions pas nous hasarder à faire un trajet en taxi clandestin, il proposa de nous accompagner pour 15 Dhs, avançant pour crédibiliser l'arnaque, que son acolyte et lui prennent de gros risques, et qu'ils risquaient de se faire embarquer au même titre que le véhicule. Une fois arrivés (à pieds) au quartier Goya, un taxi à l'arrêt nous confirme que depuis la levée du confinement obligatoire, de plus en plus de particuliers se risquent à cette activité strictement interdite par la loi, de surcroit en temps de pandémie. «Ils sont actifs de jour comme de nuit, mais c'est surtout après minuit, heure à laquelle nous sommes sommés de clôturer notre journée de travail, qu'ils reprennent le flambeau», souligne-t-il. Prénommé Saïd, ce trentenaire ajoute que «ces taxis clandestins représentent un réel danger. D'une part le passager n'est pas en sécurité puisqu'il n'a aucune certitude sur l'intention du chauffeur clandestin» avant de tonner : «de plus, contrairement aux taxis, le passager n'a aucune assurance que le véhicule du taxi clandestin a été désinfecté. En cette période trouble, et au vu du nombre toujours croissant des dépistés positifs au nouveau coronavirus, je crois que la moindre des choses est de s'assurer de ne pas s'exposer inutilement et encore moins risquer sa vie fortuitement à bord d'un taxi clandestin». Dans la perle du Détroit, l'immense majorité des habitants saluent les mesures de sécurité sanitaire prises par les autorités. Ils sont tout à fait conscients que pour un retour à la vie normale, il faut faire des concessions. Alors que les autorités compétentes sont sur le pied de guerre depuis le mois de mars, travaillant d'arrache-pied pour tenter d'endiguer la pandémie, et que, à cause de cette dernière, l'activité économique, à travers les nombreux corps de métier touchés, subit un recul, les chauffeurs clandestins se pavanent dans les rues de l'une des villes les plus exposées du royaume, pour embarquer finalement, des personnes du même acabit, «des inconscients du danger».