Classée, dans le rapport 2020 de Transparency International, au 168e rang sur 180 dans l'indice de perception de la corruption, la République Démocratique du Congo aurait entamé son opération «main propres» en application des directives présidentielles visant l'instauration d'un «véritable Etat de droit». Mais si une telle initiative étonne bon nombre d'observateurs, ce qui choque encore plus c'est que le premier à en payer les frais, au terme d'un procès anti-corruption sans précédent, est Vital Kamerhe, 61 ans, ancien président de l'Assemblée nationale et directeur de cabinet du chef de l'Etat. Economiste de formation, engagé au plus haut niveau sur la scène politique depuis une vingtaine d'années, l'intéressé s'était même désisté en faveur de Félix Tshisekedi avant l'élection présidentielle du 30 décembre 2018 et se préparait à déposer sa candidature pour les présidentielles de 2023 conformément à un arrangement politique conclu entre les deux hommes à Nairobi en novembre 2018. Reconnu coupable du «détournement de deniers publics portant sur le montant de 48.831 millions de dollars provenant des fonds publics initialement alloués à la construction de 1.500 logements sociaux, Vital Kamerhe a été condamné ce samedi à «20 années de travaux forcés». Deux autres personnes sont impliquées dans la même affaire et reconnues coupables des mêmes faits ; à savoir, Jamal Samih, homme d'affaire libanais à la tête des sociétés de construction «Husmal» et «Samibo» et Jeannot Muhima Ndoole, chargé du service import-export à la présidence de la République. Le premier a écopé de la même peine que Vital Kamerhe et le second de deux années d'emprisonnement. Appelés à la barre en tant que témoins, Henri Yav, l'ancien ministre des finances et Deogratias Mutombo, le gouverneur de la Banque Centrale du Congo ont affirmé que c'est sur un ordre émanent de Vital Kamerhe qu'ils ont payé, en procédure d'urgence, le promoteur libanais. Le tribunal a, par ailleurs, qualifié d' « acte de corruption » la cession à la belle-fille de Vital Kamerhe, d'une partie d'une concession appartenant à Samih Jamal. Considérant, enfin, que les prévenus ainsi que leurs proches se sont enrichis de manière illicite après la signature de ces marchés de construction, le tribunal a ordonné la confiscation des fonds déposés dans les comptes bancaires de l'épouse, la belle-fille et le cousin de Vital Kamerhe et des propriétés immobilières acquises au moyen des fonds détournés. De son côté le promoteur immobilier libanais Samih Jamal sera expulsé du territoire nationale après l'exécution de sa peine. Joint au téléphone par RFI, le bâtonnier Joseph Guhanika, avocat principal de Vital Kamerhe, affirme qu'il compte interjeter appel car outre le fait que le tribunal n'a donné aucune preuve des détournements de fonds reprochés à son client, le juge n'a pas, non plus, tenu compte du fait qu'en tant que Directeur du cabinet du Chef de l'Etat son client qui continue de clamer son innocence, ne faisait qu'obéir aux ordres du Président. Evoquant, enfin, un simulacre de procès, Maître Pierre-Olivier, l'avocat étranger de Vital Kamerhe ne compte pas s'en arrêter là mais exercer tous les recours possibles tant sur le continent que devant l'Organisation des Nations-Unies. Parviendra-t-il, à l'issue de ces démarches, à extirper son client des griffes de la justice de la RDC ? Attendons pour voir...