Si, lors de son apparition en Bolivie, la pandémie du coronavirus avait éclipsé les tensions politiques opposant les partisans de l'ancien président Evo Morales au gouvernement transitoire de Jeanine Anez, celles-ci n'ont pas tardé à refaire surface; les premiers reprochant au nouveau pouvoir sa mauvaise gestion de la crise sanitaire et les seconds accusant leurs prédécesseurs de leur avoir légué un système de santé défaillant extrêmement précaire. Contraint le 10 novembre dernier de se dessaisir du pouvoir et de s'exiler en Argentine, l'ancien président Evo Morales dénonce fortement «l'improvisation» dont font preuve les nouvelles autorités de La Paz qui, pour enrayer la propagation du Covid-19 sur leur territoire, seraient les seules à combattre «la pandémie avec des fusils et des tanks de guerre». Or avec à peine 1.167 contaminations et 62 morts, la Bolivie qui compte 11 millions d'habitants, reste, pour l'heure, le pays d'Amérique latine le moins touché par le nouveau coronavirus. Déplorant, toutefois, l'insuffisance des tests de dépistage effectués – moins de 500 pour un million d'habitants – et le manque de matériel médico-sanitaire, les nouvelles autorités boliviennes tentent, tant bien que mal, de rattraper ce retard en lançant une commande de 250.000 tests. En outre, à en croire Virgilio Prieto, le chef de l'unité épidémiologique au Ministère de la Santé, les mesures «radicales» de confinement prises très tôt, dès le 23 mars, ont permis de contenir la propagation du virus. Interrogé sur l'insuffisance des tests de dépistage, ce dernier répondra que «tous les cas suspects» présentant des symptômes sont systématiquement testés. Mais cette crise sanitaire qui s'est rapidement transformée en un règlement de compte politique est venue bouleverser l'agenda des élections mis en place à l'effet de sortir le pays de la crise post-électorale qui le secoue depuis Octobre dernier. Si donc la majorité des huit candidats à l'élection présidentielle avaient suggéré de les reporter, faute de pouvoir faire campagne en pleine pandémie, Luis Arce, le candidat du Mouvement vers le socialisme (MAS) de l'ancien président, et Carlos Mesa, le candidat de centre-droit – tous deux donnés favoris par différents sondages – se sont élevés contre tout report. Ce profond désaccord a été à l'origine des heurts qui ont éclaté ce jeudi soir à El Alto et dans d'autres localités non loin de la capitale. Aussi, ce n'est que très tard dans la nuit de jeudi à vendredi 1er mai que, lors d'une session d'urgence, l'Assemblée a approuvé l'ajournement du scrutin et sa tenue dans un délai maximum de 90 jours. L'adoption de ce nouvel agenda va-t-elle «calmer le jeu» et permettre aux autorités boliviennes de s'atteler, pour l'heure et comme il se doit, à enrayer la propagation du coronavirus ? Attendons pour voir…