L'Instance centrale de lutte contre la corruption (ICPC) considère que la corruption dans notre pays est plus qu'un phénomène, mais un « fait social total qui évoque des aspects politiques, économiques, administratifs mais aussi sociétaux et culturels» selon l'expression chère empruntée à son président Abdeslam Aboudrar. Celui-ci présentait hier, le rapport annuel de l'instance qui vient d'être soumis au Premier ministre. Dans ce document, premier du genre depuis l'installation des membres de l'ICPC en décembre 2008, un diagnostic fort et inquiétant de la corruption est dressé. Les politiques publiques en matière de lutte contre la corruption sont aussi passées au crible, avant de proposer une stratégie de lutte ponctuée autour de 113 mesures pratiques couvrant tous les domaines concernés. Si l'ICPC valorise les avantages et acquis institutionnels et juridiques réalisés par les pouvoirs publics, elle fustige toutefois, les insuffisances enregistrées dans le domaine de lutte contre le fléau. C'est le cas du plan d'action gouvernemental qui souffre de «l'absence d'une dimension stratégique» traduisant une vision globale intégrant des orientations, des objectifs et des actions à entreprendre suivant un calendrier précis et prévoyant des mécanismes de coordination, de concertation, de suivi et d'évaluation permettant d'en contrôler la réalisation. De même, l'arsenal juridique existant qui est «vaste et relativement approprié» reste «insuffisant», tandis que le cadre institutionnel jugé de «global et complémentaire» souffre de «manque d'harmonie et de cohésion, en raison de l'existence de certaines contraintes» à l'exemple de la faiblesse du contrôle politique, de l'effectivité limitée des organes de contrôle financier et administratif, de l'existence d'obstacles qui limitent l'efficacité des juridictions financières, de l'ambivalence du cadre judiciaire relatif à la lutte contre la corruption et bien évidemment de l'autonomie limitée de l'ICPC, notamment au niveau de la gestion administrative et financière. Parmi les insuffisances entachant les politiques publiques, il est aussi indiqué l'existence des «instruments de communication et de dénonciation non consolidés, isolés et difficiles à utiliser dans la pratique» illustrés à travers l'appréhension relative à la dénonciation, le faible niveau de résolution des affaires soumises aux administrations, le nombre limité des affaires transmises aux autorités judiciaires et aussi le traitement inadéquat et l'insuffisance notoire au niveau de la communication. Par ailleurs, le rapport de l'ICPC se distingue par son apport au niveau des propositions énoncées pour contrecarrer le phénomène. Il s'agit en fait, d'une stratégie globale de prévention de la corruption ventilée autour de huit orientations traduites en 123 mesures pratiques. Ainsi et outre l'approfondissement du diagnostic, de l'évaluation et de la programmation de la lutte contre la corruption, cette stratégie porte aussi sur le parachèvement du dispositif de répression et la consécration des valeurs de bonne gouvernance dans le secteur public. Le renforcement de la transparence de la vie politique et moralisation de l'action des partis politiques, la promotion de l'intégrité et la transparence de la gestion des finances publiques et des marchés publics figurent parmi les orientations stratégiques proposées, tout comme la moralisation du système judiciaire et le renforcement de son rôle dans la lutte contre la corruption, tout comme la promotion des principes d'intégrité, de transparence et d'éthique dans le secteur privé. Enfin, l'intérêt est accordé à la promotion de l'information et de la communication et le développement de partenariats et d'alliances objectives pour lutter contre la corruption. Dans le registre des recommandations et propositions, l'ICPC plaide pour la poursuite de l'actualisation et de l'harmonisation de la législation nationale, le renforcement des mesures institutionnelles et l''accompagnement par des mesures adéquates visant par exemple à développer des outils d'observation, de promotion des techniques d'investigation et de mesure et aussi diversifier les sources de collecte de données pour l'élaboration d'une cartographie des risques de corruption au Maroc. Il s'agit aussi de promouvoir l'évaluation des politiques publiques dans le domaine de la lutte contre la corruption Le cercle d'information, de communication et de sensibilisation en matière de prévention de la corruption est appelé à s'élargir, à travers l'activation du rôle important des médias et l'encouragement de la participation citoyenne au processus de prise des décisions et aussi l'adoption de programmes de sensibilisation l'encouragement à la dénonciation des actes de corruption et l'adaptation des citoyens aux dispositions légales concernant la lutte contre la corruption. En outre, l'ICPC recommande de renforcer la participation active de la société civile, en l'incitant à communiquer davantage, en la dotant de moyens lui permettant d'attirer les profils requis, en l'aidant dans son travail d'orientation du public concernant les différentes voies de transmission des plaintes. La société civile devra être également encouragée à entreprendre des études et des enquêtes, à procéder à la création de centres d'information et de collecte de données sur la corruption et à établir des réseaux nationaux, régionaux et internationaux. Sur ce registre des recommandations, l'ICPC préconise aussi de développer des outils de coopération et de partenariat avec les acteurs concernés au niveau national, local et international.