Dans cette étude, Hamid Rais, architecte et Docteur en Géographie Urbaine, met en lumière quatre facteurs majeurs qui expliquent les dysfonctionnements urbains. Il s'agit de l'incapacité de la législation d'urbanisme actuelle à assurer un développement intégré; la multiplicité des acteurs et la dilution des responsabilités; la rigidité et la complexité des procédures d'établissement des documents d'urbanisme et enfin, l'absence de stratégie de mise en œuvre des instruments de planification urbaine. Avec l'accord de l'auteur et devant la pertinence de cette analyse et de sa forte argumentation, nous la reprenons en quatre parties pour rapprocher le lecteur des quatre facteurs explicatifs du malaise urbanistiques dans lequel vivent les habitants des agglomérations urbaines au Maroc. La croissance urbaine accélérée est devenu une réalité mondiale. Face à ce phénomène, les spécialistes de la planification des territoires ont eu recours à la planification urbaine qui, évolue et s'adapte aux différents contextes afin d'encadrer et guider les faits urbains à court, moyen et long termes. Mais dans le contexte actuel de nombreux pays, les politiques urbaines, instaurées par le biais de la planification spatiale, se trouvent défaillantes et dépassées par les changements rapides de la configuration de l'espace urbain. Ce décalage empêche alors une bonne coordination entre les actions publiques et privées et le développement socio-économique des territoires. Le Maroc n'échappe pas à cette réalité contraignante qui illustre l'incapacité du système actuel de planification urbaine à encadrer, de manière structurée et cohérente, le développement urbain durable de nos villes. La perception des causes de dysfonctionnements urbains sont multiples et diverses, selon les acteurs et leurs intérêts contrastés, mais parfois, des convergences d'avis apparaissent. Elles deviennent significatives lorsqu'elles sont récurrentes d'une ville à l'autre et confirment alors les problèmes de fond, qu'il faut traiter. Dans le but de mettre en lumière ces principaux problèmes au Maroc, nous traitons dans cet article des cas de métropoles marocaines variées, en ciblant en particulier celles qui illustrent le décalage entre les faits urbains (réalités) et les différents documents de planification. Ces décalages sont souvent reflétés sur le territoire par des incohérences d'ordre spatial, socio-économique et managérial. Devant ce constat se pose une grande question sur le pourquoi de cette incohérence et le décalage entre extension urbaine souvent démesurée et le développement socio-économique au potentiel limité et fragile ? Les avis des acteurs interviewés divergent à ce propos sur certains aspects tels que le rôle des institutions et l'effet du contexte régional et national sur la ville par exemple, mais l'analyse comparative des résultats permet en définitive de souligner les problèmes communs aux villes étudiées et les perceptions les plus dominantes à propos de leurs causes. Approche méthodologique La durabilité du développement des villes englobe plusieurs facettes, souvent visées par les documents d'urbanisme, comme leur intégration fonctionnelle au contexte, leur pouvoir d'inclusion sociale, leur cadre de vie et du bien-être humain et leur respect des équilibres environnementaux par exemple. Ces orientations ne sont pas dans de nombreux cas réalisées en réalité. A la lumière des travaux de terrain, on voit que la ville marocaine souffre de plusieurs dysfonctionnements dont le degré d'importance varie selon la taille de la ville, son positionnement dans l'armature urbaine régionale, Voir nationale ainsi que son degré de compétitivité économique. Le Maroc a connu au cours de la deuxième moitié du XXème siècle une urbanisation rapide. En effet la part de la population urbaine au Maroc ne représentait que 5% au début du siècle, 22% en 1955. Elle est actuellement à plus de 60% et serait en 2050 à 68%. Cette situation s'explique par le taux d'accroissement naturel; l'exode rural massif vers les villes pendant les périodes de sécheresse; le déséquilibre flagrant qui existe entre les conditions de vie dans les compagnes et les conditions de vie dans les grandes villes et enfin la concentration de l'action des pouvoirs publics dans les villes considérées comme principales sources de production de la richesse. Ce fort taux d'urbanisation, au cours des deux dernières décennies, est à l'origine de l'apparition de plusieurs phénomènes spatiaux dus essentiellement à l'incapacité des agglomérations urbaines à intégrer le flux important des populations rurales qui désirent s'installer définitivement dans les villes et aux déficits de prévisions notés dans les documents de planification urbaine. Ce phénomène a eu comme conséquence spatiale, d'une part, la densification des tissus anciens des Médinas, entraînant ainsi une dégradation, une taudification, puis un risque d'effondrement; la prolifération des quartiers d'habitat non réglementaire qui ont été considérés comme solution transitoire à une problématique dont souffraient les pouvoirs publics de l'époque, n'ayant pas les moyens financiers suffisants pour construire des logements réglementaires et bon marché et la constitution de ceintures de pauvreté autour des villes, sous forme de bidonvilles ou douars semi-ruraux sous équipés. Cette catégorie de la population qui réside dans ces espaces représente la classe la moins intégrée et la plus vulnérable de l'ensemble des populations résidant au sein des différents tissus urbains. Ce nouveau type d'espaces urbains constitués de bidonvilles ou d'habitat insalubre, a été implanté dans la majorité des cas sur des territoires impropres à l'urbanisation, hors des règles et en absence d'infrastructures de base. Actuellement la ville marocaine est souvent constituée de tissus anciens ou non réglementaires dégradés menaçant ruine; de centre – villes (centre colonial pour les grandes métropoles) faisant l'objet de plusieurs transformations urbaines; d'une multitude de lotissements réglementaires, juxtaposées ou éloignés, sans souci de cohérence ni d'harmonie entre les espaces; la persistance de plus 10% de bidonvilles au sein de certaines grandes agglomérations; une partie de ces tissus urbains et périurbains souffrent du manque d'infrastructures et d'équipements socio-collectifs; l'ensemble des nouveaux espaces urbains ayant intégré la nouvelle configuration de la ville marocaine a été à l'origine de l'émergence de nouveaux dysfonctionnements urbains, économiques, sociaux et organisationnels; l'étalement urbain; le déficit en équipements au niveau de certains quartiers périurbains de la ville; l'urbanisation des zones à risques ou à haut potentiel agricole; la fragilisation de l'économie urbaine par la prédominance du secteur informel périurbain; l'augmentation du sentiment d'insécurité dans les quartiers non réglementaires, les bidonvilles et même à l'intérieur des Médinas; l'aggravation du taux de pauvreté au sein des quartiers d'habitat insalubre. L'ensemble des éléments précités témoigne à la fois d'une crise de gouvernance des villes marocaines et de grands déficits de planification et mise en œuvre des documents de l'urbanisme. La problématique des décalages observés entre le contenu des documents d'urbanisme et les réalités de certaines villes marocaines soulève des questions multiples à propos des indicateurs, causes, processus de fabrication urbaine, responsables de ces phénomènes et des incidences qu'ils engendrent. Pour répondre à ces questionnements, le travail de terrain a été privilégié. Il est basé sur les visites de plusieurs sites et la réalisation d'une enquête multi-objectifs dictée par la complexité de la thématique, car le dysfonctionnement du système urbain prend différents aspects. Les principales interrogations se rapportent à la nature et la hiérarchisation des dysfonctionnements urbains et l'identification de leurs causes et impacts. L'échantillonnage des personnes ressources interviewées est élaboré de façon à toucher les principaux acteurs intervenant dans le processus de fabrication de l'espace urbain problématique. Il s'agit notamment de cadres techniques et juridiques relevant de l'autorité gouvernementale chargée de l'urbanisme et des autorités et collectivités territoriales, auxquels s'ajoutent quelques personnes ressources du domaine. Les aspects retenus dans le profil des enquêtés et en concordance avec les objectifs de l'étude sont d'ordres spatial, technique et institutionnel. Nous voulons ainsi analyser les perceptions des acteurs à propos de la planification urbaine, l'analyse de l'image véhiculée sur les outils de la planification urbaine par les acteurs directement impliqués, les décalages entre documents de planification et réalités de terrain et l'analyse des conflits d'image «la force juridique, les intérêts et enjeux». L'architecture du questionnaire est basée sur deux piliers. Le premier, relatif aux dysfonctionnements du système de planification urbaine au Maroc, et focalise sur les lacunes des textes juridiques en matière d'urbanisme, sur la qualité du contenu des documents d'urbanisme, la lenteur et la complexité des procédures d'établissement, d'approbation et enfin sur l'homologation des documents d'urbanisme et le mode et moyens de leur mise en œuvre et au système de gouvernance urbaine. Le second concerne les conséquences de la défaillance du système de planification sur les territoires urbains. Pour se faire, le questionnaire a porté sur la définition des dysfonctionnements urbains au Maroc, les causes des principaux dysfonctionnements urbains au Maroc, l'étalement urbain et comment est-il opéré, les équipements et d'infrastructures, la prolifération de l'habitat insalubre, l'urbanisation des zones à risques, la fragilité de l'économie locale, les risques sociaux engendrés et enfin les déficiences managériales des territoires. Sachant que la liste exhaustive des acteurs de l'urbanisation dans l'ensemble des villes étudiées est une tâche délicate, l'approche par échantillonnage s'impose. Il concerne un nombre de 840 personnes de différents profils (tab.1). L'approche du choix est basée sur le raisonnement plutôt que sur un modèle d'échantillonnage théorique. Ses critères sont essentiellement: – Le critère spatial, qui consiste à interviewer les acteurs agissant dans les espaces urbains les plus vulnérables. On se réfère ici à l'ancien découpage régional du pays car les entretiens ont été réalisés en 2012, avant la mise en place du nouveau découpage régional. On présentera donc les résultats selon le découpage des anciennes régions. – Le critère technique permettant d'identifier le profil des personnes qui interviennent dans l'élaboration des documents d'urbanisme. On a ainsi rencontré les géographes, les architectes, les ingénieurs (topographes, de génie civil, bâtiments… etc.), les juristes, les économistes et les sociologues. -Le critère institutionnel et managérial a été adopté pour équilibrer l'échantillon. Concernant le ciblage des entités administratives publiques, notre choix a porté sur les principales administrations concernées par le processus de planification urbaine : de la législation des textes juridiques, représentée par l'institution du parlement jusqu'à la gestion urbaine, représentée par les autorités, collectivités locales et les agences urbaines. Les points de vue des acteurs A travers l'étude, notamment dans sa phase d'investigation du terrain, les acteurs rencontrés sont multiples pour un meilleur croisement des points de vue. On s'est adressé aux acteurs institutionnels, aux techniciens, élus; académiciens et aux professionnels par exemple. L'étude montre que la majorité des acteurs de la fabrication urbaine considèrent que le système actuel de la planification urbaine au Maroc souffre de plusieurs dysfonctionnements. Les réponses des interviewés peuvent être synthétisées à ce propos comme suit: – incapacité de la législation d'urbanisme actuelle à assurer un développement spatial, économique, social et environnemental cohérent dans de nombreuses villes; – rigidité et complexité des procédures d'établissement des documents d'urbanisme; – absence de stratégies pertinentes de mise en œuvre des documents d'urbanisme en raison de l'incapacité à maîtriser les volets notamment sociaux, fonciers et financiers; – multiplicité des acteurs et dilution des responsabilités. L'ensemble des facteurs cités plus haut, interpelle le degré d'efficacité du système de planification urbaine mis en œuvre. Les principaux dysfonctionnements enregistrés seront la deuxième partie qui sera publiée demain. La législation de l'urbanisme : lacunaire ou mal exécutée Bien que de nombreux décrets et textes de lois relatifs à l'urbanisme sont publiés au bulletin officiel depuis 2014 (morcèlement des terrains, lotissements, copropriété, urbanisme et risques environnementaux, modalités d'autorisation de la démolition et de la réhabilitation, etc.), leurs effets ne sont pas encore ressentis sur le terrain. Les problèmes et dysfonctionnements urbains sont donc liés aux anciens règlements souvent évoqués dans les entretiens. En effet, le premier texte relatif à l'urbanisme au Maroc, remonte à l'année 1914 (au Dahir du 16 avril 1914). Ce qui a permis, au protectorat, de réaliser une dizaine de villes. S'en est suivi une série de textes juridiques instituant les principales règles de l'urbanisme : * la loi relative à l'établissement des Plans d'Aménagement pour les centres et banlieues des villes marocaines date du 27 janvier 1931. * La loi relative aux lotissements a été promulguée le 14 juin 1933. Elle visait à maîtriser la croissance de l'urbanisation. * La loi de l'urbanisme, actualisée en 1992 a été promulgué le 30 juillet 1952,. * La loi du lotissement de 1933 a été actualisée en 1953, en 1992 et en 2014, dans le but de définir juridiquement le lotissement et le morcellement, d'imposer le respect de cette réglementation pour les promoteurs et de mettre fin à la spéculation immobilière anarchique. * La loi relative au développement des agglomérations rurales a été promulguée le 25 juin 1960 pour rattraper les insuffisances et incohérences de l'urbanisation dans le monde rural. Malgré l'envergure de ces textes juridiques la morphologie urbaine reste spontanée et tendancielle dans de nombreuses villes du royaume. La majorité des enquêtés (70%) illustrent des avis favorables pour l'amendement des lois. Multiplication négativement pesante des institutions chargées de l'urbanisme La répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités décentralisées laisse apparaître l'existence de plusieurs organes et institutions qui interviennent de manière concomitante dans le domaine de la gestion urbaine. L'Etat monopolisant la production des normes et la planification urbaine, les collectivités locales s'occupent de l'opérationnel. La confusion en matière de partage des responsabilités et le grand nombre d'intervenants constituent une entrave sérieuse à la mise en œuvre des plans d'urbanisme. À partir de 1998, avec le gouvernement dit « d'alternance », la vision intégrée des nouveaux responsables politiques a fait de l'urbanisme, l'habitat, l'environnement et l'aménagement du territoire un seul et même département ministériel. Ainsi, d'une vision technique puis sécuritaire on aboutit enfin à une vision intégrée. Une nouvelle mission multidimensionnelle, mais complémentaire, sera confiée au nouveau grand département chargé de l'urbanisme, de l'aménagement du territoire, de l'environnement et de l'habitat, auquel on a enlevé le département de l'environnement, à la suite du remaniement ministériel de septembre 2000. En effet, les quatre pôles de développement (aménagement de territoire, urbanisme, environnement et habitat) se sont alors « réunifiés » depuis leur séparation en 1985. Dans ce cadre les représentations locales de l'autorité gouvernementale chargée de l'urbanisme se sont superposés à celles relatives aux autorités locales et collectivités locales, ainsi on trouve au niveau régionale et local les agences urbaine, les inspection régionales de l'aménagement du territoire et de l'environnement, les division de l'urbanisme rattachées aux gouverneurs et walis, les services des plans rattachés aux communes territoriales, en plus des centres régionaux d'investissement. Le nombre important de représentations locales et régionales rend difficile, voir impossible le processus de coordination entre les différents acteurs concernés. Conformément à ce qui précède, les résultats de l'enquête d'opinion ont confirmé, avec un score de 70%, que la multiplicité des institutions chargées de l'urbanisme rend difficile la gestion urbaine de la ville. Le contenu des documents d'urbanisme est parfois discutable Plusieurs efforts ont été consentis durant les dernières années en matière de couverture du territoire national par ces documents mais les interviewés font des remarques par rapport aux contenus des plans dans certains cas. Le taux de couverture en milieu urbain atteint 98% en 2013. Le nombre de documents homologués en 2013 a dépassé les 110 documents. Malgré le nombre important de documents d'urbanisme produit annuellement, les questions liées à la qualité des contenus et à l'approche conceptuelle des plans d'aménagement : s'avèrent critiques. Les vocations principales des zones, la densité, la hauteur, les encorbellements, etc. sont évoqués pour souligner la faible souplesse des documents au cours du processus de gestion urbaine. Cet état de fait a été confirmé par les deux scores de l'enquête d'opinion qui ont accordé un pourcentage de 67.9%, à la fois, à la qualité médiocres des études d'urbanisme et à l'approche conceptuelle rigide et complexe des instruments de planification urbaine. Les problèmes soulignés sont liés notamment à : la complexité et la rigidité des dispositions spatiales et réglementaires des plans d'aménagement, les rendent difficiles à gérer. On doit se contenter de fixer uniquement : la vocation principale de chaque secteur ; un intervalle de densité à ne pas dépasser ; la voirie structurante de 20 m et plus ; les équipements structurants ; les conditions de dérogation ; les occupations ou fonctions interdites au sein de chaque zone ; Les problèmes de qualité des documents d'urbanisme s'expliqueraient aussi en partie par : le manque d'attractivité aux études des documents d'urbanisme pour les BET dont l'expertise est confirmée, à cause de la faiblesse des montants alloués aux études expliquerait en partie ce problème ; la faiblesse d'accompagnement et d'engagement des collectivités locales dans le processus d'élaboration des documents d'urbanisme ; le manque d'adéquation entre les documents d'urbanisme et le Plan de développement communal ; la faible adhésion des services déconcentrés qui met en péril le rôle de ces documents en tant qu'instruments de convergence des politiques publiques et impacte négativement le taux de réalisation des dispositions de ces plans (le taux de réalisation ne dépassant pas 20% dans les meilleurs cas) ; l'absence de cadre contractuel dans la mise en œuvre. Procédures complexes d'établissement des documents d'urbanisme Actuellement, la procédure d'établissement d'un document d'urbanisme est lente et complexe. Si on prend l'exemple d'un plan d'aménagement, la procédure se résume comme suit : établissement des photos aériennes et restitutions ; établissement des études locales et régionales ; établissement de l'enquête ménage ; établissement des études démographiques et socioéconomiques ; établissement du plan d'occupation des sols ; établissement du rapport de diagnostic ; établissement des variantes d'aménagement à l'échelle 1/5000 ; validation de la variante d'aménagement retenue ; recueillir l'avis des services de l'agriculture et de l'équipement ; établissement du projet de plan d'aménagement au 1/2000ème avec son règlement d'aménagement ; tenue du comité technique local ; correction du plan selon les remarques du Comité technique et local ; envoi du projet de plan d'aménagement à l'enquête publique et délibération communale pour une durée de deux mois ; tenue de la commission centrale d'arbitrage sur les remarques et observation des citoyens et élus locaux ; correction du projet de Projet plan d'aménagement en selon le procès-verbal de la commission centrale ; Envoi du Dossier complet au service central, plus précisément à la Direction de l'Urbanisme pour contrôle de conformité avec la loi et pour établissement du projet de décret à proposer pour signature par le chef du gouvernement. Pour le cas des villes ou centres qui comptent à l'intérieur de son territoire un monument historique classé, le visa du Ministère de la Culture est obligatoire. Selon cette description détaillée des phases d'établissement des documents d'urbanisme et principalement les projets de plans d'aménagement il parait clairement que la procédure actuelle d'établissement desdits document est lente et complexe cette hypothèse a été confirmé par un score sans appel de 66.3% de l'enquête opinion outil méthodologique d'analyse de la présente thèse. Mise en œuvre des documents d'urbanisme Les résultats de l'enquête d'opinion ont montré que plus de 67,3% des personnes enquêtées ont confirmé l'absence de stratégie de mise en œuvre des documents d'urbanisme. Une minorité des personnes enquêtées représentée (7.5%) considèrent que le système actuel de planification urbaine au Maroc dispose d'une stratégie de mise en œuvre des documents d'urbanisme alors que 25.2% des personnes enquêtées sont restées sans avis par rapport à cette question. En effet, la stratégie de mise en œuvre des plans d'aménagement revient aux communes, acteur principal de proximité. Suivant le contenu de l'article 31 de la loi 12/90 relative à l'urbanisme « Les conseils communaux et, le cas échéant, le conseil de la communauté urbaine prennent toutes mesures nécessaires en concertation avec l'administration pour la réalisation et le respect des dispositions du plan d'aménagement ». l'absence d'une stratégie de mise en œuvre des plans d'aménagement est souvent évoquée car de nombreuses collectivités, privées de visions ou de moyens, attendent des incitations des opérateurs publics ou d'investisseurs privés pour enclencher des dynamiques positives d'urbanisation. La dérogation, est-elle contrainte ou atout de l'urbanisme? En réponse à cette question, et pour outrepasser les problèmes liés à la rigidité et la complexité des dispositions des documents d'urbanisme, le recours à l'approche dérogatoire a été souhaitable et demandé par plus de 64,5% des personnes enquêtées alors que 25,2% n'ont pas donné d'avis. Pour ou contre la dérogation ? Pourcentage Pour le recours à la dérogation 64,5 Contre le recours à la dérogation 10,2 Sans avis 25,3 Réponses des interviewés à propos de la dérogation. Source : enquête d'opinion 2012. Le recours à la dérogation a donc été appuyé et justifié pour permettre la réalisation de grands projets structurants et lever les contraintes urbanistiques posées à certains projets d'investissement qui ne pouvaient voir le jour sans le recours à ce mécanisme à l'échelle locale. Cependant, il y a lieu de recadrer cet instrument en vue d'éviter certaines dérives constatées depuis sa mise en application en 2001, et notamment en 2003 dates de la première circulaire. A ce titre, la circulaire de 2010 a permis de réorienter la dérogation en introduisant des critères d'éligibilité des projets et en mettant en place des garde-fous (pas de dérogation sur les terrains réservés aux équipements publics, aux espaces verts, sur les périmètres irrigués, les zones sensibles ou à risque…). Les dérogations ont concerné la densification de certains secteurs, que ce soit par changement de zonage ou par l'augmentation des hauteurs, entrainant une augmentation du nombre des ménages résidant dans les nouveaux secteurs ouverts à l'urbanisation dans le cadre de cette procédure en l'absence d'une programmation de nouveaux équipements publics. Typologie des dysfonctionnements urbains Les dysfonctionnements urbains peuvent être regroupés en quatre catégories : spatiaux, économiques, sociaux et organisationnels (fig. 1). Les dysfonctionnements spatiaux atteignent leur pic à Casablanca, avec 57%, suivie de Tanger, Agadir, Fès et Marrakech, où ils seraient responsable de près de la moitié du fait urbain. Dans, le reste des villes les valeurs oscillent entre 42.90% et 51,80%. Les dysfonctionnements managériaux viennent en seconde position, puisqu'ils constituent environ le quart de la somme des dysfonctionnements étudiés. En effet dans toutes les villes objet de notre enquête, le manque ou la mauvaise gestion, retenti visiblement et avec force, notamment à Casablanca, Oujda et Marrakech. Paradoxalement Fès échappe relativement à cette situation car les dysfonctionnements managériaux ne sont exprimés que par 23,40% des personnes enquêtées. Les dysfonctionnements sociaux et économiques occupent la troisième place. Ils sont équivalents dans la majorité des villes échantillons. Ils varient entre 11% et 12,70% pour Marrakech, Agadir, Rabat-Salé et Fès. Casablanca et Tanger semblent les moins concernées par ce dysfonctionnement avec respectivement 5% et 9,80% d'opinions. De ces résultats se dégage des enseignements suivants : – les dysfonctionnements sociaux semblent liés aux dysfonctionnements économiques ; – les dysfonctionnements spatiaux et socio-économiques sont l'émanation des dysfonctionnements managériaux. Qu'ils soient d'impact direct ou indirect, ces quatre catégories de dysfonctionnements constituent les variables d'une même équation contribuant à la fabrication de l'espace urbain. Ville Dysfonctionnements exprimés Spatiaux Economiques Sociaux Managériaux Totaux Fès 51,40% 12,20% 13,00% 40% 100,00% Meknès 48,10% 12,70% 14,50% 70% 100,00% Rabat-Salé 49,50% 11,80% 13,30% 25,40% 100,00% Casablanca 57,00% 5,00% 10,50% 27,50% 100,00% Marrakech 49,70% 11,00% 12,40% 26,90% 100,00% Agadir 51,40% 11,60% 11,90% 25,10% 100,00% Tanger 51,80% 9,80% 12,30% 26,10% 100,00% Oujda 42,90% 15,50% 14,60% 27,00% 100,00% Typologie des dysfonctionnements urbains exprimés par les enquêtés. Source : enquête d'opinion, 2012. Dysfonctionnements urbains. Dans notre édition de jeudi 18 juillet nous allons publier la 3e partie de cette étude consacrée aux «Dysfonctionnements spatiaux».