Les participants à une table ronde organisée sur “l'image de la ville de Tétouan et sa région dans le cinéma marocain” ont appelé, mercredi à Tétouan, à la création de centres cinématographiques régionaux qui auront pour mission de promouvoir une production locale privilégiant les réalisateurs et les thèmes locaux, l'ultime objectif étant de permettre l'émergence d'une industrie cinématographique à l'échelle régionale et locale. Lors de cette rencontre, tenue en marge de la 18ème édition du Festival international du cinéma méditerranéen de Tétouan qui se poursuit jusqu'au 31 mars, l'universitaire et critique de cinéma Ahmed El Ftouh a souligné la nécessité de décentraliser l'industrie du cinéma de l'axe Rabat-Casablanca et de faire en sorte que toutes les villes et régions du Maroc puissent devenir des pépinières d'acteurs de talent. Dans le contexte de la régionalisation avancée, cette décentralisation devient une nécessité impérieuse, eu égard au rôle que le cinéma est invité à jouer en matière de promotion et de sauvegarde du patrimoine historique de chaque région. Pour réussir une telle décentralisation, le réalisateur Mohamed Chrif Tribak insiste sur l'importance de doter les régions marocaines de l'infrastructure cinématographique nécessaire d'une part, et de former les jeunes de ces régions aux métiers cinématographiques d'autre part, pour qu'ils inaugurent une industrie locale de cinéma qui puisse exprimer au mieux les spécificités démographiques, linguistiques et culturelles de la région, loin des clichés et des idées reçues qui circulent. Abordant la relation presque filiale qu'il entretient avec sa ville natale Tétouan, le réalisateur Mohamed Ismail a indiqué qu'il a découvert et s'est épris du 7ème art à l'enceinte du club de cinéma de l'université de la ville, d'où est sortie tout une génération de critiques, réalisateurs et acteurs de cinéma. Et le réalisateur de se féliciter du fait que Tétouan commence à devenir une destination prisée par les cinéastes marocains, grâce en partie aux efforts déployés en matière de renforcement de l'infrastructure. Le critique de cinéma Azzedine El Ouafi va jusqu'à parler d'un “cinéma du Nord”, notamment des villes frontalières connues pour abriter des “agglomérations mixtes” où cohabitent autochtones et immigrés. Cette mixité et les problématiques qui en découlent fournissent une riche matière cinématographique et une palette de thématiques sociales qui, exploitées à bon escient, peuvent servir à réaliser des films “citoyens” où le public peut se retrouver, souligne le critique de cinéma qui cite, parmi les thèmes dominants de ce type de cinéma, la pauvreté, l'enrichissement illicite, la criminalité, l'extrémisme religieux et la cohabitation avec l'autre. De par sa situation géographique, lui donnant une fenêtre sur deux continents, deux cultures voire deux mondes, la ville de Tétouan, à l'instar des villes méditerranéennes, est le lieu de rencontre entre différentes communautés religieuses, ethniques et linguistiques qui forgent sa mémoire collective. Plus que de se servir de la ville comme simple espace de tournage au décor original, il s'agit, selon M. El Ouafi, de mettre à l'honneur cette mémoire collective et de l'immortaliser dans les œuvres cinématographiques. Pour le critique de cinéma Mohamed Chouika, l'espace, en l'occurrence la ville de Tétouan, assure dans les œuvres des réalisateurs marocains s'étant intéressés à la Colombe blanche, trois grandes fonctions : dramatique, puisque la ville et ses différents espaces deviennent une partie intégrante de l'histoire du film, voire un personnage principal, historique, dans la mesure où certains films mettent en exergue le passé colonial de la ville et l'histoire de la résistance, en plus de la fonction esthétique. Une semaine durant, quelque 39 films (longs, courts métrages et documentaires) sont en lice pour les 12 prix de la 18ème édition du Festival international du cinéma méditerranéen de Tétouan, d'une valeur totale de 390.000 DH. Outre Mohamed Ismail, cette édition rend hommage notamment aux acteurs marocain Mohamed Majd, tunisien Hicham Rostom et égyptien Karim Abdelaziz, ainsi qu'à la comédienne française Sandrine Bonnaire et aux réalisateurs Daniele Luchetti (Italie) et Iciar Bollain (Espagne).