Peut-on prétendre que le cinéma du Maroc a trouvé sa voie ? Il est encore tôt d'y répondre par l'affirmatif. Toujours jeune, la filmographie marocaine n'a commencé son décollage qu'à l'aube de l'indépendance mais réussit à enregistrer quelques expériences qui ont influencé le cours d'évolution du secteur partant de «Wachma» de Hamid Bennani, «Chergui» de Moumen Smihi ou encore «Mirage» de Hamid Bennani. La création du fonds d'aide à la production cinématographique a été d'un grand secours et une bouée de sauvetage qui a contribué à la relance du cinéma après une époque de stagnation à travers l'émergence d'une nouvelle génération de cinéastes pétris de talents et d'imaginaire qui ont sans doute apporté un nouvel éclat à la filmographie marocaine. Cette époque a connu également une profusion thématique témoignant d'une réflexion profonde sur la société marocaine. L'ouverture politique du pays dans les années quatre vingt dix et l'installation d'une atmosphère de liberté a agi sur l'imaginaire des cinéastes de plus en plus tentés par une dissection minutieuse de la société pour défricher les zones tabous. Des thèmes comme les années de plomb, la femme et l'histoire des juifs au Maroc ont occupé la tête du peloton de la filmographie marocaine avant de passer à des thèmes plus audacieux comme la sexualité. Petit à petit, le Maroc commence à s'imposer sur la scène africaine. En effet, il se place troisième après l'Egypte et l'Afrique du Sud. On se félicite aussi de la participation de plus en plus du Maroc dans des festivals et manifestations cinématographiques à l'échelle internationale. Nos cinéastes commencent à empocher des prix honorables. Cette nouvelle dynamique a généré une nouvelle vision cinématographique soutenue par des cinéastes qui sortent du lot, soucieux d'ajouter un nouveau jalon dans l'édifice de la création filmique. Le dernier festival international du film de Marrakech et celui du film national de Tanger ont révélé trois talents particuliers : Mohamed Mouftakir dont le dernier film «Pegase» a raflé la majorité des prix du festival du film national de Tanger, Hicham Ayouch pour son film «Fissures», un opus sans scénario qui rompt avec la structure traditionnelle de la construction filmique. Et enfin les frères Noury qui ont signé leur film «The man who the world», une adaptation de l'œuvre de Dostoïevski. Ces trois films ont suscité une polémique au sein des professionnels. Entre rejets et compréhension, une chose est certaine : la rupture avec le cinéma traditionnel linéaire est consommée. Une nouvelle hiérarchisation du rapport contenu/ contenant prend forme. Le plaisir iconique l'emporte désormais sur la thématique. Paradoxalement à ce nouveau souffle, l'espace de projection connaît une hémorragie déplorable. Les salles obscures continuent à mettre la clé sous le paillasson l'une après l'autre. Aujourd'hui, seules 80 salles parmi 350 continuent à nager contre le courant. Il n'est pas vain de rappeler l'équation évidente : le cinéma est fait pour un public et ce dernier a besoin d'un espace pour l'apprécier. Sinon quelle en est l'utilité ? Question à entendeur.