On ne finit pas de constater que certains syndicats sectoriels continuent d'observer des débrayages dans différents secteurs de l'administration publique. Si le droit à la grève demeure garanti à tous les citoyens, afin d'exprimer leurs doléances et surtout pour défendre leurs intérêts catégoriels, il est mal aisé d'assimiler cette propension exagérée à l'obstruction. En d'autres circonstances, la chose aurait été tout à fait normale. Or, au lendemain de la signature d'un protocole d'accord, dans le cadre du dialogue social, sensé être un compromis de bonne intelligence entre les différentes parties et qui occasionne un coût consistant pour le budget général, on se retrouve devant des agissements en totale discorde par rapport à cette dynamique. Au contraire, on s'attendait à ce que les prémices d'une paix sociale soient plus tangibles. Pour le commun des citoyens, cette situation a quelque chose d'anachronique. Quelle lecture faire de ces grèves qui se succèdent et se ressemblent ? Il y a certainement un élément qui manque à ce puzzle du dialogue social. Au-delà du fait que ces débrayages à répétition ont un coût économique et des désagréments que cela occasionne pour les usagers des services publics, la cohérence de ces actions militantes se trouve sérieusement entamée aux yeux du simple citoyen. Le deal passé entre les parties au dialogue social aura permis de rattraper un retard dans la régularisation de la situation de certaines catégories de salariés et de fonctionnaires. Il est évident que ce qui a été accordé comme acquis devra être revu durant les prochains rounds du dialogue social. Mais pour l'heure, il est plus que probable que la logique de surenchère qu'adoptent certains syndicats ne permettra point de sauvegarder l'essentiel, à savoir les sources de création de la richesse si l'on continue dans cette logique d'obstruction. Cela nous amène à rappeler l'un des rôles essentiels du syndicat : celui de l'encadrement, de la formation et de l'accompagnement de l'édification d'un système économique où les règles de l'équité et de l'équilibre servent de ligne de démarcation entre l'ordre et le désordre. C'est ce sens des responsabilités et de l'engagement citoyen qui doit avoir la primauté sur toute autre considération. La gestion à long terme du dialogue social ne peut se prévaloir d'une quelconque logique de guerre de position. Le dialogue c'est l'art du compromis bien assimilé avec comme plafond la sauvegarde des intérêts suprêmes de la communauté. C'est en fait un jeu de gestion des équilibres instables. Comme nous avons besoin d'un Etat régulateur fort, nous avons tout aussi bien besoin de syndicats aussi forts (en tant que contrepouvoir) et d'une entreprise citoyenne (espace social de création de richesse) capable de relever les défis de l'ouverture et de la compétitivité. Ces ingrédients sont ceux d'une société démocratique moderne, solidaire et ouverte sur son environnement comme cela est le cas dans les démocraties les plus ancrées. C'est pourquoi il est plus que difficile de lire l'occurrence de ces débrayages dans la conjoncture actuelle que traverse le pays et au moment où de grands desseins s'offrent à nous au plan d'édification d'un projet de société qui épouse les aspirations des Marocaines et de Marocains. Et en dernière analyse, une gestion optimale du dialogue social ne peut se situer en dehors de cette logique de la responsabilité partagée.