Aujourd'hui, trois ans après la mise en œuvre des nouvelles procédures venues encadrer et réglementer le soutien de l'Etat aux manifestations cinématographiques, aucun bilan dressant l'état des lieux de cette première période de mise en œuvre n'a été rendu public. En attendant un bilan officiel évaluant le dispositif de soutien et ses résultats, une étude analytique a été élaborée par Damir Yaqouti et Mohammed El Hachimi, cherchant à ouvrir un débat objectif pouvant éclairer de meilleures perspectives pour la configuration nationale des manifestations cinématographiques. L'étude en question est en arabe et fait 30 pages. Elle se base sur les textes officiels encadrant le soutien en question, les communiqués de la commission de soutien ainsi que des articles de journaux et des réactions sur les réseaux sociaux de communication. Cinq axes y sont exposés : les objectifs, les procédures, les décisions de la commission de soutien, les critères non adoptés et une conclusion avec des recommandations. Au départ, les auteurs de l'étude rappellent les textes clarifiant, organisant et règlementant ce soutien que l'Etat verse aux organisateurs des manifestations cinématographiques : - un décret, décrivant les conditions et les procédures de soutien de trois actions qui sont : la production cinématographique ; la numérisation, la modernisation et la construction de salles de cinéma et l'organisation de festivals de cinéma ; - une décision ministérielle conjointe du Ministre de la Communication, Porte-parole du gouvernement et du Ministre Délégué auprès du Ministre de l'Economie et des Finances chargé du Budget, qui définit les conditions, les critères et les procédures pour bénéficier du soutien financier ; et - un cahier de charge, émanant du CCM pour l'application du décret et de la décision ministérielle ci-haut cités. Après une analyse minutieuse des textes, les auteurs analysent le soutien octroyé aux manifestations cinématographiques pendant trois ans d'exercice s'arrêtant sur l'évolution du leur nombre, leur distribution géographique, leur distribution selon la nature du cadre organisateur, leurs thématiques et les critères non adoptés par les procédures. Nous vous présentons ci-dessous les principales conclusions et recommandations de l'étude : Bien que l'étude soit centrée sur le soutien des manifestations cinématographiques, elle souligne que les deux autres actions soutenues par l'Etat nécessitent (la production nationale et la numérisation des salles), elles aussi, une évaluation objective. Le soutien des manifestations cinématographiques a connu depuis la première année de sa mise en œuvre un certain nombre de dysfonctionnements relatifs aux textes encadrant le soutien qui est censé clarifier les termes du contrat liant l'Etat aux organisateurs des manifestations... des dysfonctionnements qui ont soulevé à travers des articles et des communiqués de presse... un certain nombre de réactions appelant à une révision des critères et des procédures d'octroi du soutien et à instaurer plus de transparence dans le traitement des dossiers de candidature. Le nombre de manifestations cinématographiques au Maroc n'est pas élevé comme le laisseraient entendre certaines voix. C'est plutôt des dysfonctionnements de conception et de procédures que les auteurs critiquent, considérant le soutien de l'Etat aux manifestations cinématographiques, comme son soutien à la production nationale de films et à la numérisation des salles, expriment la volonté de l'Etat à faire survivre le cinéma au Maroc tant au niveau de la production que celui de la consommation...des solutions «transitoires» en attendant la résolution des problèmes structurels du domaine...une résolution qui lui donnerait son autonomie, sa rentabilité et son décollage naturel sans avoir besoin de l'argent public. Les manifestations cinématographiques au Maroc jouent plusieurs rôles. Elles permettent la diffusion de films marocains et étrangers, permettent aux citoyens de rencontrer des artistes et intellectuels. Elles encouragent la production cinématographique des professionnels et amateurs, la diffusion de la culture cinématographique, l'expression de la diversité culturelle du Royaume, l'enrichissement de la mémoire cinématographique nationale et l'animation de la place publique...Des objectifs, à ne pas sous-estimer. A première vue, le nombre de 55 festivals de cinéma en 2015 paraitrait trop élevé pour certains, mais en observant que 32 de ces 55 manifestations ont été considérées comme «non-classées» par la commission, cela atténuerait ce préjugé. Ces 32 manifestations ne bénéficient que de maigres subventions (sous le plafond de 100000 Dh). Des sommes dérisoires ne pouvant assurer des résultats probants pour ces manifestations. En dehors de ce nombre, on ne compte plus que 23 manifestations classées «A», «B» et «C». En France, par exemple, il y'a actuellement plus de 250 festivals cinématographiques, rien que pour les longs métrages dont 43 à Paris. Un nombre important, bien que l'indicateur de l'affluence du public en France, soit le plus élevé en Europe. Parmi les questions pertinentes que soulèvent les auteurs de l'étude est celle du rôle de la commission de soutien. Se limitera-t-elle à distribuer d'une façon ou d'une autre l'enveloppe consacrée par l'Etat aux manifestations cinématographiques? Ils considèrent qu'en dehors d'objectifs clairs, classés et hiérarchisés selon un ordre d'importance, l'évolution de la configuration nationale des manifestations cinématographiques accusera probablement plus de confusions et d'incohérences dans le futur. Partant de ce constat et se basant sur les résultats de leurs analyses, les auteurs de l'étude viennent de tirer plusieurs conclusions et faire quelques recommandations. Impliquer le ministère de la culture La quasi-totalité des manifestations cinématographiques est de la pure action culturelle. Le paradoxe du système administratif marocain est celui de voir cette action culturelle se faire en dehors de la tutelle du Ministère de la Culture. Celui de la Communication, chargé de l'organisation et du contrôle et du développement du secteur de l'audiovisuel et de la promotion des tournages étrangers au Maroc... se voit aussi délégué à promouvoir la culture cinématographique ! Le prétexte de l'insuffisance des ressources financières du Ministère de la Culture ne suffit plus, du moment que le gouvernement dans la complémentarité de ses objectifs et de ses fonctions peut mettre la somme actuellement octroyée aux manifestations entre les mains de ce Ministère de la Culture en lui ordonnant de la consacrer au même usage. Le bon sens exige que le Ministère de la Culture, de par son statut symbolique, ses fonctions et responsabilités, soit acteur majeur dans l'élaboration des textes et procédures et l'évaluation des manifestations cinématographiques, surtout qu'aujourd'hui, celles-ci sont la locomotive de l'action culturelle au Maroc. Leur nombre, l'affluence du public qu'elles suscitent, leur étendue géographique et leur impact tant national qu'international le prouvent. D'autres considérations, et non des moindres étayent cette proposition : à la différence du Ministère de la Communication, celui de la Culture possède des structures Régionales et Provinciales en contact direct avec les organisateurs des manifestations cinématographiques. Elles les connaissent bien et sont mieux placées pour juger de l'action, de la présence et de la crédibilité de leur action ; (NDLR : le ministère de la communication dispose aussi de délégations régionales...en principe) en suivant de façon assidue les activités de la manifestation cinématographique, les Directions Régionales et les Délégations Provinciales du Ministère de la Culture, peuvent rendre possible une évaluation objective, surtout si ce même Ministère adopte une grille d'évaluation avec des indicateurs pertinents ; le Ministère de la Culture soutient d'autres manifestations culturelles et artistiques comme pour le théâtre, la musique, les arts plastiques, le livre...Continuer à situer les manifestations cinématographiques en dehors de ces domaines revient à dire qu'il n'y a pas de politique culturelle qui cadre l'ensemble de ces domaines culturels. Sans une politique culturelle méditée et une stratégie nationale globale avec des objectifs mesurables, le soutien de l'Etat aux manifestations cinématographiques continuera à alimenter les dysfonctionnements observés et la confusion par rapport à ses finalités... Pour l'illustration, il est, aujourd'hui, possible pour une association culturelle, d'obtenir un soutien financier pour une manifestation cinématographique et un autre pour une pièce de théâtre, puisqu'il s'agit du soutien de deux Ministères distincts...; les Directions Régionales et les Délégations Provinciales du Ministère de la Culture entretiennent des relations administratives de proximité en continuel échange avec les autres administrations et instances élues du territoire, ce qui leur permet d'avoir une connaissance actualisée des autres financements que reçoivent les organisateurs des manifestations cinématographiques. Ainsi, elles peuvent agir, dans les deux sens, pour une régulation financière qui assureraient la stabilité et la pérennité des manifestations ; Le Ministère de la Culture est en cours d'installer, un peu partout dans le Royaume, des complexes culturels qui abriteraient aussi des manifestations cinématographiques. Il serait très approprié que ses structures provinciales et régionales envisagent une programmation annuelle multiculturelle entièrement sous sa tutelle pour ainsi embrasser l'action culturelle dans toute sa diversité