On l'a constaté, depuis quelques temps, la production cinématographique marocaine peut tout de même se targuer de servir de modèle pour d'autres contrées. En atteste, par exemple, les récents échanges entre Nourr-Eddine Saïl, directeur général du Centre cinématographique marocain (CCM) et Youssou Ndour, ministre de la Culture et du tourisme sénégalais. En effet, une nouvelle étape se profile avec l'avènement du nouveau décret portant sur le secteur cinématographique marocain. Nouvelle page Après les cahiers des charges du pôle audiovisuel public qui ont finalement été approuvés au conseil de gouvernement du 9 août dernier, Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a présenté à la même date le projet de décret couvrant les trois composantes du secteur cinématographique. Ainsi, la définition des conditions et des procédures d'aide à la production cinématographique, la numérisation, la modernisation et la création de salles de cinéma, ainsi que l'organisation de festivals de cinéma sont les trois axes du décret qui a été aussi adopté par le conseil. Ce dernier aurait ainsi pour objectif «d'améliorer la qualité de la production cinématographique nationale, d'encourager la liberté de création, l'ouverture sur le monde et la préservation du pluralisme dans toutes ses composantes linguistiques, culturelles, sociales, ainsi que la sauvegarde de la diversité régionale», explique El Khalfi. Le texte vise également le développement des structures de l'industrie cinématographique, l'utilisation des technologies numériques, la valorisation des composantes de l'identité marocaine. Cela sans oublier le renforcement de la culture et de l'histoire du Maroc, ainsi que l'encouragement de la créativité chez les jeunes talents et la co-production internationale.Ce texte qui vient en application des dispositions de l'article 24 de la loi de finances, stipulant un appui du fonds de promotion du paysage audiovisuel national à la production cinématographique, la numérisation, la rénovation et la création de salles de cinéma et l'organisation de festivals de cinéma, a été élaboré en concertation avec les institutions concernées, sur la base des recommandations des instances de la gouvernance ayant travaillé sur le développement du système des subventions publiques. Le projet stipule ainsi la création de trois commissions ad-hoc indépendantes ayant pour tâche l'examen et la sélection des œuvres candidates aux subventions, ainsi que la fixation des montants du soutien financier. Les subventions sont accordées selon un programme annuel validé par le conseil d'administration du Centre cinématographique marocain (CCM). Ces projets subventionnés feront l'objet d'un audit annuel de l'Inspection générale des finances. Un tel modèle de subventionnement de l'Etat au secteur cinématographique aurait réussi, selon Nourr-Eddine Saïl et c'est en ce sens qu'allaient ses recommandations lors de sa rencontre avec les professionnels et responsables du secteur du cinéma au Sénégal, la semaine dernière. Ces derniers ont exprimé leur ambition de marcher sur les traces de l'expérience marocaine pour relancer leur production cinématographique et initier à cet effet une coopération étroite avec le CCM. Saïl a ainsi encouragé les autorités sénégalaises à aller vers la création d'un Centre national de la cinématographie et la mise en œuvre d'un système d'avance sur recettes pour permettre aux réalisateurs de produire régulièrement des films. Ce modèle a réussi au Maroc avec une production annuelle de 25 films, comme l'affirme Saïl, et qui outre le succès commercial avec des entrées devançant les superproductions américaines, les longs métrages marocains ont fait 72 festivals internationaux de renom dans 52 pays, offrant une promotion de l'image du royaume. Quid des avances sur recettes ? Le système d'avance sur recettes élaboré en 1959 par André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles puis adopté par le Centre cinématographique marocain est une aide financière dans le cadre de la politique cinématographique et quoiqu'elle soit perçue comme une subvention, son fonctionnement est autre. La dynamique économique doit exister à côté de la dynamique esthétique et culturelle. La promotion de l'image du pays dans des manifestations aux quatre coins du monde est la meilleure rétribution de cet effort d'investissement consenti par l'Etat. Au Maroc, l'avance sur recettes est une formule des plus efficaces qui permet aux cinéastes de bénéficier d'une partie conséquente du budget d'un film avant d'aller, éventuellement, chercher une coproduction en Europe. Néanmoins, le choix des films pouvant bénéficier d'une telle aide financière doit être effectué sur les bases de conditions claires et transparentes.