Le Maroc a enregistré des avancées importantes en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, mais des défis restent à relever, notamment pour la promotion de l'accès des femmes à la justice, la lutte contre l'impunité des auteurs de violences et la mise en place d'une politique préventive, a souligné la représentante du Bureau multi-pays de l'ONU Femmes pour le Maghreb, Leila Rhiwi. Dans un entretien à la MAP à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, célébrée le 25 novembre, Mme Rhiwi a relevé qu'une évolution des modèles comportementaux des hommes et des garçons doit aussi être privilégiée, outre la réalisation de l'égalité des sexes. «Nous sommes très attentifs au processus d'élaboration du projet de loi 103-13 relative à la lutte contre la violence à l'égard des femmes, pour qu'il soit conforme aux standards internationaux et pour qu'il offre une protection multisectorielle et efficace à toutes les femmes et dans toutes les situations de violence», a-t-elle assuré. ONU Femmes, a-t-elle signalé, prône également un accès plus large, pour les victimes ayant survécu à la violence, à des réponses de qualité par les services de prise en charge, notamment en matière de sécurité, d'hébergement, de santé et de justice. Mme Rhiwi a salué les progrès du Maroc dans la lutte contre ce fléau, en particulier l'adoption de la Constitution de 2011 et la réforme partielle du Code pénal qui a abouti d'un côté à l'aggravation des sanctions pour les cas de violence conjugale et de viol, et de l'autre côté à l'incrimination du harcèlement sexuel en le définissant comme abus d'autorité. Elle a aussi évoqué la réforme du Code de la famille ayant garanti une protection plus large aux femmes, notamment à travers l'élévation de l'âge du mariage et la suppression de l'obligation de tutelle, outre la mise en place d'un fonds d'entraide familiale au profit des femmes pauvres divorcées. Relevant que des cellules d'accueil des femmes victimes de violence ont été créées au sein des tribunaux de première instance, elle a néanmoins déploré que «les violences survenues dans les lieux publics sont rapportées à une autorité compétente dans seulement 17,4% des cas et uniquement 3 pc en ce qui concerne les violences conjugales, selon une enquête du Haut-Commissariat au Plan (HCP) menée en 2011». Sur les suites données aux plaintes contre la violence conjugale, elle a fait observer que «la majorité des plaintes finissent par l'établissement d'un procès-verbal (25 pc) ou par la conciliation entre les conjoints et la renonciation à la poursuite (38%)», ajoutant que «seulement 1,3% des auteurs sont arrêtés et 1,8% sont inculpés suite aux plaintes déposées». Des unités de prise en charge des femmes victimes de violence ont certes été récemment créées au sein des hôpitaux au Maroc, mais le recours à ces structures reste plutôt limité, a-t-elle noté, précisant que ces unités ont accueilli 13.012 femmes en 2014, un chiffre qui, d'après elle, est loin de refléter l'ampleur du phénomène de la violence physique et sexuelle. Elle a rappelé que les principaux chiffres sur la violence à l'égard des femmes au Maroc sont issus de l'enquête de la prévalence réalisée par le HCP en 2009 avec l'appui de l'ONU Femmes. Selon ses résultats, près de 6 millions (62,8%) des femmes au Maroc, âgées de 18 à 64 ans, ont subi un acte de violence sous une forme ou une autre durant les douze mois ayant précédé l'enquête, dont 3,8 millions en milieu urbain et 2,2 millions en milieu rural. ONU Femmes appuie les efforts du Maroc notamment sur le plan normatif, en vue d'harmoniser la législation nationale avec les instruments internationaux, dont la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), la Déclaration et le programme d'action de Beijing et, plus récemment, les Objectifs de développement durable (ODD). L'organisation œuvre également en partenariat avec le ministère de la Justice et des libertés pour l'amélioration de l'accès des femmes à la justice, ainsi qu'avec le ministère de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social pour la mise en œuvre du Plan gouvernemental pour l'égalité, notamment dans son volet de lutte contre les violences faites aux femmes, a-t-elle indiqué. Elle a par ailleurs ajouté que des partenariats avec des organisations de la société civile ont récemment conduit à la création d'un réseau national de plus de 60 centres d'écoute et d'orientation pour les femmes victimes de violence, au renforcement d'un centre multifonctionnel dédié à cet effet à Fès et d'un centre d'hébergement et d'insertion professionnelle des mères célibataires à Casablanca. Et de conclure que la lutte contre le harcèlement sexuel et les violences dans les espaces publics urbains est au cœur de deux partenariats stratégiques avec les villes de Rabat et de Marrakech dans le cadre de l'initiative «Des villes sûres et sans violence à l'égard des femmes». En dépit des progrès notoires accomplis par la communauté internationale en faveur de l'égalité des sexes au cours des dernières décennies, les violences à l'égard des femmes demeurent désespérément courantes et atteignent encore un niveau jugé inacceptable. L'éradication de ces pratiques, souvent passées sous silence, n'est pas une mince affaire eu égard notamment à l'insuffisance des initiatives de prévention. Les Nations unies estiment qu'une femme sur trois a été victime, au cours de sa vie, d'une violence physique ou sexuelle, le plus souvent de la part de son conjoint, des chiffres alarmants reflétant la pandémie mondiale qui sévit aujourd'hui. Selon l'ONU, la violence peut être prévenue en conjuguant à la fois les actions de prévention, la protection des rescapées et la poursuite des auteurs des violences. Cette année, «La prévention» est le thème de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes célébrée le 25 novembre, et de la campagne de 16 jours «Tous UNiS» de l'ONU, qui débutera ce même jour et s'achèvera le 10 décembre à l'occasion de la Journée des droits humains. L'esprit de cette campagne, sous la couleur orange, est de sensibiliser et mobiliser les populations dans le monde entier pour changer la condition des femmes victimes de violence. Lors de la commémoration officielle qui se tiendra au siège des Nations unies à New York, une vision commune des entités onusiennes, décideurs et autres parties prenantes sur la prévention de la violence à l'égard des femmes sera adoptée. Première du genre, cette vision propose également une théorie de changement qui sous-tendra l'action dans ce domaine, affirme à la MAP Leïla Rhiwi, représentante du Bureau multi-pays de l'ONU Femmes pour le Maghreb. Selon la représentante onusienne, la lutte contre les violences faites aux femmes constitue «une priorité mondiale» et a logiquement été inscrite parmi les cibles des Objectifs de développement durable (ODD) qui guideront l'action internationale pour les quinze années à venir. En effet, un nombre important de pays ont adopté des lois contre la violence domestique, les agressions sexuelles et autres formes de discrimination à l'égard des femmes, assure Mme Rhiwi, regrettant que malgré ces efforts, de nombreux défis restent à relever pour imposer l'application de ces lois et permettre aux femmes et aux filles de vivre en sécurité et de faire valoir leurs droits. De plus, poursuit-elle, «les initiatives de prévention sont insuffisantes et les actes de violence restent bien souvent impunis». La problématique des violences n'échappe nullement aux phénomènes politiques et socio-économiques qui traversent le monde, en l'occurrence les guerres, les crises économiques et les écarts Nord-Sud. Selon Mme Rhiwi, «cette situation ne fait que s'aggraver», notamment face aux «crises économiques actuelles qui ont accru le handicap économique des femmes et entraîné une réduction des dépenses sociales en matière de santé et d'éducation, rendant ainsi les femmes plus vulnérables à l'exploitation et à la violence». Au niveau national, la représentante de l'ONU Femmes au Maroc s'est réjouie des progrès accomplis dans la réponse aux violences faites aux femmes, en particulier l'adoption de la Constitution de 2011 et les réformes apportées au Code pénale et au Code de la famille, outre la mise en place d'un fonds d'entraide familiale au profit des femmes pauvres divorcées. De même, des réformes juridiques et institutionnelles ont été lancées au Maroc pour combattre ce fléau, à savoir le projet de loi sur les violences faites aux femmes, le projet de loi fixant les conditions d'emploi des travailleurs domestiques et le projet de loi relative à l'Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD). L'élimination de la violence faite aux femmes est un chantier complexe et de longue haleine qui requiert une volonté politique, des ressources adéquates et l'effort concerté et durable des différents acteurs concernés. L'investissement dans les initiatives de prévention doit surtout être mené à long terme pour changer les stéréotypes sexistes et les valeurs propices à la violence.