Hors champ Avec la projection vendredi du film «Derrière les portes fermées» se clôt la participation marocaine à la treizième édition du FIFM. Une participation haute en couleurs. C'est ainsi que le nouveau film de Mohamed Ahed Bensouda, présenté dans le cadre de la section Coup de cœur vient ouvrir un nouveau dossier dans la thématique sociale, constitutive de l'épine dorsale du cinéma marocain. Il aborde en effet un sujet qui a défrayé la chronique à plusieurs reprises, celui du harcèlement sexuel, notamment au sein des administrations. L'actualité semble aller dans le sens du marketing du film puisqu'une loi vient d'être promulguée à ce paropos. Le film est une confirmation des qualités qui sont celles de Bensouda, depuis ses courts métrages, le souci d'abord de proposer une belle histoire servie par un cast de choix et par un discours consensuel. De belles images viennent mettre en valeur la belle prestation de Karim Doukali loin des clichés de la série où il avait fait ses débuts et de Zineb Odein qui porte le récit de bout en bout, avec un jeu sobre et efficace ; le film a déjà accumulé une belle carrière internationale et s'apprête à affronter le guichet marocain à partir de cette fin d'année. Aux antipodes de ce courant, le mélodrame social, majoritaire au sein de la filmographie marocaine, se positionne l'autre film marocain de la compétition officielle, «Fièvres» de Hicham Ayouch. Une véritable bombe qui a bousculé les eaux calmes du festival. Comment dire ? Un western socio-psychologique dans l'univers urbain, froid et mélancolique des banlieues sans horizon ? Western parce que nous retrouvons le schéma canonique du héros solitaire qui arrive dans un lieu, au sein d'une communauté, règle ses comptes et puis s'en va. C'est le parcours de Benjamin. Sauf que c'est un héros qui a treize ans à peine sort de l'assistance sociale quand il apprend qu'il a un père. Le récit devient celui d'une conquête. Une conquête menée du point de vue de l'enfant ; c'est lui qui recompose un ordre familial figé, cantonné dans la routine du boulot, dodo... et le silence. Quand Benjamin arrive dans ce microcosme, les grands-parents et son père, c'est l'ère du désordre physique et verbal (il touche à tout, dit de gros mots...) et petit à petit les secrets et les silences fendent devant cet E.T. Le film est porté par une mise en scène à bras le corps où nous retrouvons la caméra de Ayouch partie prenante du récit, colle au corps... sauf que cette fois, signe de maturité, des séquences de pause, véritable moment de méditations, viennet donner au film des «aires de repos» où le récit respire pour repartir de nouveau : voir les belles séquences avec le philosophe et poète noir au sein d'une nature quasi sauvage. Pour préparer l'issue finale, tragique, mais libératrice. Jusqu'à vendredi, le palmarès reste toujours incertain ; les festivaliers étant très partagés, aucun film ne s'est imposé d'emblée et du coup les chances pour beaucoup de films, y compris «Fièvres» ; le consensus allant surtout vers certains interprètes avec des acteurs ayant marqué les esprits. Dans la périphérie du festival, les films de l'hommage à Fernando Solanas étant un des moments les plus forts du festival de cette année ; Social genocide (Mémoire d'un saccage), son film sur la faillite de l'économie libérale devrait être présenté comme cours dans les écoles de cinéma, comme écriture de documentaire, et dans les écoles de commerce comme antidote face au ravage du management.