Entretien avec le jeune comédien franco-marocain Jade Chkif (1) Ces dernières années, il vit entre le Maroc et la France. Il a été invité au Festival de Cannes dans la catégorie Short Film Corner 2012 grâce au magnifique court métrage «Les oriflammes» réalisé par Hugo Martin Lassagne. Jade Chkif est l'un des jeunes acteurs marocains dont dépend l'avenir de notre cinéma. Al Bayane : A priori, qui est Jade Chkif pour ceux et celles qui ne vous connaissent pas ? Jade Chkif : C'est toujours difficile de parler de soi (sourire). Alors je vais vous parler de mon identité, car c'est important pour moi. Je suis né en France un 4 juillet et j'y ai vécu toute ma vie. Je suis M.R.E, car on nous appelle comme cela au Maroc. Cela fait 2 ans que je suis plus ou moins installé au Maroc dans la ville natale de mes parents, Mohammedia. Je ne connaissais pas le pays de mes parents, car je venais juste en vacances. Il y'a une phrase qui dit que «pour savoir où tu vas, il faut savoir d'où tu viens» et c'est ce que j'ai fait grâce à mon métier d'acteur. Maintenant, je connais mon Maroc (mon empreinte, mon sang, mon arbre généalogique, etc.) et maintenant je parle couramment le dajira et j'en suis fier. Je suis fier d'être d'origine marocaine. Comme dit un artiste connu que je ne citerais pas et qui est dans le même cas que moi, «ne me demandez pas de choisir entre la France et le Maroc, car c'est comme si on vous demande de choisir entre votre mère et votre père, ce qui est impossible !» Je me considère comme un citoyen du Monde, car je suis libre. Comment es-tu parvenu au monde du 7e art ? Je ne vais pas vous mentir en vous disant qu'un réalisateur m'a repéré sur une terrasse de café et m'a pris dans son film (sourire). Cela n'existe pas ! Pour ma part, j'ai travaillé dur, mais petit à petit. Depuis mon plus jeune âge, j'ai toujours aimé l'art en général (je faisais de l'orgue et du solfège dans le conservatoire de musique de ma ville). Etre acteur en France à l'époque, c'était Mission Impossible, surtout pour un Français d'origine marocaine. Donc, j'ai suivi des études (Bac +2 en Informatique), ensuite j'ai passé un diplôme pour être animateur de tourisme. Cela m'a permis de voyager et surtout de faire des spectacles, des comédies musicales, des sketches au sein des hôtels et villages de vacances, et c'est là que j'ai vraiment eu le déclic, car à chaque fois que je jouais devant les spectateurs, ils me disaient que j'avais du talent, et à cette époque je commençais à voir à la télévision des Français d'origine maghrébine comme, entre autre, Said Tagmaoui, Jamel Debouzze et bien d'autres. Alors je me suis dis : Jade arrête de rêver. Tu dois vivre ton rêve et c'est ce que j'ai fait. Je me suis inscrit dans une école pluridisciplinaire de l'acteur à Versailles où j'ai étudié pendant 2 ans le métier de l'Acteur grâce à la méthode de Constantin Stanislavski et de Lee Strasberg (l'actors studio). Ce sont les méthodes qu'utilisent les grands acteurs américains (50% du personnage et 50% de l'individu). Bref et après ma formation toujours step by step, j'ai frappé aux portes du Monde du cinéma et de la télévision. Le chemin est encore long, mais j'adore mon métier. Quelles sont les grandes étapes qui ont marqué votre parcours artistique professionnel ? Après ma formation d'acteur, et vu que je ne connaissais personne ni le domaine du cinéma, j'ai enchainé la figuration dans beaucoup de films français. Ensuite, ma première apparition en tant qu'acteur, a été dans un Téléfilm en 2008 («Rien dans les poches» réalisé par Marion Vernoux où j'ai joué un apprenti cuistot). Puis j'ai fait plein de petits rôles dans des films français. Mon premier rôle important fût dans un court métrage en 2010 («Delayed» réalisé par Léo Karmann où j'ai joué le rôle d'Amine, un jeune maghrébin qui veut se lancer dans la politique en France. Ce film parle surtout du délit de faciès, sujet très intéressant. Ce court métrage a été sélectionné au Festival de Cannes en 2011 au Short Film Corner. Donc, cette année là, j'ai été invité au Festival de Cannes. J'ai joué aussi dans le film «L'assaut» réalisé par Julien Leclercq et en même tant grâce à Thomas Lubeau (directeur de casting) dans ce long-métrage. J'ai eu la tâche de recruter par le biais du Casting sauvage beaucoup de figurants maghrébins (40-70 ans). Dans ce domaine, il faut avoir plusieurs casquettes (sourire). Ensuite, j'ai joué dans «Sergio», réalisé par Manuel Guillon où le rôle porte le titre du film. Je joue un tueur à gage d'origine italienne : Sergio. Une second fois, j'ai été invité au Festival de Cannes dans la catégorie Short Film Corner 2012 grâce au magnifique court métrage «Les oriflammes» réalisé par Hugo Martin-Lassagne (sujet encore une fois très intéressant) où je joue le rôle de Ahmed Ben-Cherif, le chef d'une milice armée qui se bat contre le Front national (Parti politique d'extrême droite en France). Le réalisateur m'a demandé de l'aider pour le sous-titrage car pour ce rôle j'ai parlé arabe. Entre-temps, j'ai enchaîné avec beaucoup de courts et longs métrages, des publicités et clips en France. Parlez-nous de votre expérience artistique au Maroc... Pour ma première année au Maroc, j'ai joué dans le long-métrage d'Anouar Moatassim « A l'aube un 19 février» où je joue le rôle de Hamada, un jeune Casablancais venu d'un quartier populaire. Ensuite «Jezebal» réalisé par Amir Rouani, où je joue le rôle de Reda, un jeune Casablancais super actif, accro à la cocaïne, aux filles et surtout au monde de la nuit. Dans ce court métrage, le grand réalisateur Nourredine Lakhmari (Casanegra et Zéro) me donne la réplique. Ce n'est pas magnifique cela (rires) ? Ces 2 projets ont été sélectionnés au Festival national du film de Tanger, le premier dans la section long-métrage et le second dans la section court-métrage. Une première au Maroc pour moi surtout pour ma première année dans mon pays, et c'est une fierté. Mais le projet où la jeunesse marocaine me connaît le plus c'est dans la série Switchers, réalisé par Aktarus Aksas, une série jeune, fraîche avec de la 3D. J'y tiens le rôle de Hamid, un jeune marocain beau gosse, mais surtout qui fait rire (c'est ce qu'aiment les femmes) (rires). Cette série a été suivie par toute la jeunesse marocaine et c'est la première fois qu'un pays étranger achète un concept marocain, car maintenant il y en a en Algérie. Et en parallèle, j'ai tourné dans d'autres courts-métrages et des publicités. Je suis particulièrement fier de la publicité de la Fondation Mohamed V pour les M.R.E (Marocain Résident à l'Etranger) réalisé par Aktarus Aksas et récemment j'ai joué dans une publicité pour OSN Dubaï tourné au Maroc avec comme producteur exécutif Hicham Hajji. Je suis remonté en France, car je prépare un rôle où je serai pour la première fois la tête d'affiche dans un Long-métrage avec une grosse boite de production Française. Je ne peux pas en dire plus c'est Top Secret (sourire).