On annonçait l'arrivée du ministre du tourisme, vendredi dernier à Agadir, finalement, c'est celui de l'intérieur qui fit irruption inopinément, le même jour. Une visite furtive qui survint en pleine lutte contre les constructions non réglementaires dans nombre de points de la cité et ses banlieues. D'emblée, Cherqui Draiss, ministre délégué de tutelle, imprima à la rencontre, meublée de tous les intervenants, autorités civiles et militaires, services extérieurs et corps élus, une résonance plutôt sulfureuse. «Le phénomène de l'habitation anarchique prolifère un peu partout dans le pays, notamment à Tanger, mais, à Agadir, il prend des dimensions beaucoup plus hallucinantes. C'est immoral et inadmissible ! », tonnait-il, tout en fustigeant sèchement les auteurs de ces infractions qu'ils qualifient de « mafias » du foncier. Avant de lâcher ce vocable fulminant, il a dû tergiverser un laps de temps, en se contentant du terme « lobbys » dangereux. Exhibant des images d'immeubles bâtis sur le domaine public, l'inquisiteur de cette hérésie condamnait énergiquement ce non respect de la loi et annonçait la constitution d'une commission d'enquête chargée d'identifier les responsables de ces aberrations inouïes. Accompagné d'une délégation composée du wali, directeur général des collectivités locales, du wali, inspecteur général de l'administration territoriale, ainsi que le secrétaire général du ministère de l'habitat, de l'urbanisme et la politique de la ville, Cherqui Draiss passa laconiquement en revue les multiples répercussions générées par la profusion des spéculateurs et les médiateurs qui s'enrichissent illicitement de ces transactions juteuses. Au rythme soutenu de ce marché, les matériaux de construction flambent et tendent quasiment à la pénurie. Il n'est donc plus question de verser dans le laxisme face à cette situation déplorable. « Nous agirons avec la fermeté requise, en attendant les résultats des investigations du comité mis en place, chargé de la collecte de toutes les données inhérentes à ces pillages infâmes », conclut-il. Par la suite, la parole fut passée à l'assistance qui révéla, en connaissance de cause, les tenants et les aboutissants de la prolifération des constructions anarchiques de cette ampleur, tout en affirmant, dans sa totalité, sa désapprobation par rapport aux constructions illicites. Pour Abderrahim Oummani, président du conseil de la préfecture d'Agadir Ida Outanane, il doit plutôt s'agir d'allégement des procédures administratives dans le milieu rural, tout en exigeant le respect des normes urbanistiques. De son côté, Tarik Kabbage, maire d'Agadir évoqua la dérobade dont étaient soumis les piémonts, en dépit de la volonté manifeste de la commune de régulariser, depuis presque une décennie, cet état désastreux qui empire, jour pour jour. Dans le même contexte, il s'interrogea sur le sort de l'habitat social du promoteur immobilier national qui, selon lui, il y a doute que les unités d'habitation étaient parvenues à destination, en faveur des familles démunies à reloger. Pour sa part, Lahcen Bijdiguen, conseiller parlementaire, s'en prend au «deux poids, deux mesures» dont fait l'Etat fait preuve. D'une part, celui-ci étouffe les citoyens en leur interdisant de construire leurs habitations, en particulier à Aghroud de Tamri et à Tamaouanza d'Aourir et, d'autre part, il se permet, à travers la SONABA et, maintenant la SMIT, de « confisquer » des terrains à hauteur de plus de 1000 ha dont 590 au site d'Aghroud, sans procédure légale d'expropriation, depuis 1976. Aujourd'hui, les superficies accaparées aux particuliers, conservées titrées par les organismes étatiques et auxquels sont destinés des projets « d'intérêt général » ne sont jamais exploitées à bon escient. « L'Etat s'adonne également à la spéculation, si l'on sait qu'il s'octroie le terrain du domaine public forestier modiquement (plus de 33 ha), y plante des projets d'habitation et vend l'unité à 10 000dh le m2, alors que les populations, frustrées et asphyxiées, n'ont pas le droit de toucher à ces espaces ni avoir accès à la construction autorisée. Comment peut-on appeler ce double traitement ? C'est de l'injustice, pure et simple ! », s'indigne-t-il. Quant à Said Dor, parlementaire et président de la chambre de commerce, d'industrie et de services d'Agadir, il ne manqua pas, de prime abord, de rendre hommage au wali de la région SMD pour cette campagne de nettoyage du domaine public, tout en soulevant la problématique des marchands ambulants qui se propagent d'une manière exaspérante. L'occupation des terrains, à tort et travers, et la profusion de ce commerce informel, occasionnent, dit-il, des préjudices sérieux aux commerçants qui paient leurs impôts et s'acquittent de leurs diverses charges. Dans sa communication, Driss Ainous, procureur près de première instance d'Agadir, a souligné que les infractions relatives à la construction anarchique ont atteint des taux fort inquiétants. En effet, pour le compte de 2011, on enregistre pas moins de 3063 cas, alors qu'en 2010, on arrive à peine à 239. C'est combien le phénomène a pris une tournure galopante. Le responsable judiciaire a appelé, enfin, toutes les victimes des contrevenants de recourir à la justice pour les déterminer et les sanctionner. A ce propos, la salle de réunion fut étonnée de voir certains présidents des communes rurales prendre la parole et parler, eux aussi, de la dépravation urbanistique, alors que tout le monde sait qu'ils sont pointés du doigt pour leur implication dans des infractions directes, des soudoiements et des complicités flagrantes. Enfin, Mohamed Boussaid, wali de la région Souss Massa Draa, à qui on ne cessa pas de faire des éloges, tout au long de cette réunion, pour cette campagne d'épurement du domaine public, a affirmé dans son allocution de clôture, qu'un réseau structuré des constructions illégales rôde toujours dans les parages et que des personnes influentes impliquées dans ces immondices essaient de plier l'échine à l'autorité qui devra garder son registre de pourvoyeur de paix, de stabilité et de respect des lois en vigueur. A ce sillage, l'autorité se doit de procéder par sensibilisation, de contrôle, de simplification des procédures et de mesures répressives, tout en incitant quiconque victime de manipulation de la part des malfrats du foncier, à déposer plainte auprès du tribunal pour contribuer ensemble à mettre fin à ces manœuvres abjectes.