Visite du Roi juan Carlos 1er au Maroc "La distance entre le Maroc et l'Espagne est très courte au moment où il existe d'énormes affinités entre les deux peuples. Il est difficile de comprendre comment un pays comme la France soit un partenaire qui jouit de plus de présence que nous dans la vie du Maroc, à tel point que nous avions perdu la bataille de la langue". Ce diagnostic a été fait, il y a une semaine, par l'écrivain espagnol Lorenzo Silva durant les cours d'été de la Fondation Université Rey Juan Carlos d'Aranjuez (44 km au sud de Madrid). En peu de mots, cet écrivain, dernier lauréat du Prix Planeta (le Goncourt espagnol) et auteur de nombreux essais sur le Maroc, résume la perception générale qui se fait du royaume qui demeure un parfait inconnu pour la majorité des Espagnols en dépit du renforcement des relations humaines. Silva attribue seulement à "la paresse" le fait que l'Espagne et le Maroc n'entretiennent pas d'intenses relations. La visite qu'entreprend au Maroc le roi Juan Carlos 1er d'Espagne (15-17 juillet) va contribuer probablement au redressement de cette perception et au déficit en termes de relations entre les deux pays. Si les rapports politiques entre les deux gouvernements traversent une phase d'entente exceptionnelle après les périodes ombragées durant le deuxième mandat de José Maria Aznar en tant que président du gouvernement espagnol (2000-2004), la visite du roi Juan Carlos revêt en outre un caractère économique. Certes, les relations humaines ne cessent de se renforcer à tel point que les immigrés marocains se situent en tête des étrangers non communautaires munis d'autorisations de résidence légale avec 880.789 membres (27,4%). Les deux Etats sont également unis par des accords sur la coopération judiciaire, économique et financière, la protection des investissements réciproques, en matière de sécurité sociale et culturelle, ou, la lutte conjointe contre les réseaux de trafic d'êtres humains et du crime organisé. Précisément, vendredi dernier, le conseil des ministres espagnol a approuvé la conclusion "ad référendum" de la Convention d'association stratégique en matière de développement et de coopération culturelle, éducative et sportive entre les deux royaumes. Cette convention a pour objet, signale un communiqué officiel parvenu à Al Bayane, de créer un cadre général et stratégique d'association pour le développement et la promotion de la coopération culturelle, éducative, scientifique et sportive. Elle complétera ainsi le cadre juridique actuellement en vigueur de la coopération entre les deux pays et permettre d'optimiser le développement des programmes de coopération espagnole afin de les "concentrer sur le soutien de la reforme structurelle de politiques sociales entreprise par le gouvernement du Maroc". De cette manière, la coopération espagnole sera alignée sur les priorités identifiées par le Maroc dans les différents secteurs, explique le communiqué notant que la convention répond au besoin de s'appuyer sur un cadre juridique rénové qui s'adapte aux nouveaux besoins dans les domaines culturel, social et économique des deux Etats. La convention, d'une durée de huit ans, sera prorogeable automatiquement pour des périodes similaires. La visite du souverain d'Espagne vient donc à point nommé pour boucler la boucle et donner une nouvelle impulsion aux relations économiques. C'est la raison pour laquelle le Palais Royal espagnol accorde à cette visite "une signification politique très haute" pour intervenir en "un moment fructueux" marqué par "une énorme entente" dans les relations bilatérales, signale un porte-porale officiel espagnol cité par l'agence Efe. Plusieurs facteurs interviennent pour justifier le caractère économique de cette visite en vue de diversifier et renforcer les relations économiques bilatérales. Elle est considérée "importante" pour les entreprises espagnoles et marocaines, selon Juan Rosell, président de la Confédération espagnole des organisations d'entreprises (CEOE) le plus important rassemblement professionnel d'entrepreneurs d'Espagne. D'après diverses sources officielles et les médias madrilènes, le souverain espagnol sera accompagné d'une délégation d'hommes d'affaires forte de présidents ou conseillers-délégués de 27 grandes entreprises, dont des multinationales espagnoles. Il suffit de citer à ce titre Acciona, Abengoa, ACS, OHL, Ferrovial, Técnicas Reunidas, Talgo, Iberia, Inditex, Telefónica, Endesa o Indra. Ce sont en outre les entreprises qui dirigent de "grandes opérations au Maroc ou disposent de projets imminents qu'il faudra appuyer". La délégation économique sera dirigée par la CEOE, la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CEPYME) et les Chambres de Commerce. La visite du souverain espagnol comporte également une forte charge symbolique et un fait innovateur, jamais intervenu dans les déplacements royaux à l'étranger. Le roi Juan Carlos 1er sera ainsi accompagné, outre les cinq membres du gouvernement (affaires extérieures et coopération, sécurité, justice, industrie, énergie et tourisme, développement), de neuf ex-ministres des relations extérieures appartenant aux différents partis politiques qui ont dirigé l'Espagne depuis l'avènement de la démocratie en 1978 (Marcelino Oreja, José Pérez Llorca, Javier Solana, Carlos Westendorp, Abel Matutes, Josep Piqué, Ana Palacio, Miguel Angel Moratinos et Trinidad Jiménez). Seul Fernando Moran, pour des raisons de santé, ne fera partie de ce déplacement. Moran a été l'artisan de l'édification d'une politique extérieure espagnole favorable au développement de l'entente et des échanges économiques avec le Maroc à l'avènement des socialistes au pouvoir au début des années 80. Pour les multiples opportunités d'investissements offertes actuellement, le Maroc est devenu un marché cible pour les entreprises espagnoles qui tentent de surclasser leurs homologues françaises. Il est le premier marché africain, le second hors de l'Union européenne (derrière les Etats-Unis) et le neuvième au plan mondial de l'Espagne avec une part de marché de 2,4%. "Avec un taux de croissance des exportations d'environ 28,7% en 2012 et plus de 18.839 entreprises exportatrices vers le Maroc, l'Espagne était en 2012 le premier fournisseur du Maroc, devant la France, avec 31% du total des exportations de l'UE", lit-on dans une étude élaborée par l'ambassade d'Espagne à Rabat. Se référant aux dernières données disponibles de janvier à avril 2013, l'Office statistique des communautés européennes (Eurostat) signale que 29,9% du total des exportations européennes vers le Maroc sont d'origine espagnole. Le Maroc est également le premier fournisseur de l'Espagne dans le continent africain et l'Espagne son premier client européen. Ceci s'explique par le fait que 31,7% des exportations marocaines vers l'Union européenne en 2012 avaient pour destination l'Espagne. En 2013 (janvier - avril), le royaume se consolide en tant que pays clé dans l'internationalisation des entreprises espagnoles. Parmi les facteurs qui jouent en faveur du développement des relations économiques bilatérales, les entreprises espagnoles ont su finalement comment mettre à profit des avantages concurrentiels significatifs qu'offre le Maroc en tant que plate-forme productive telles la proximité des marchés européens et africains, la stabilité politique, les bonnes performances économiques malgré la crise internationale ou la libéralisation progressive de l'économie et l'amélioration progressive du climat des affaires. Au moins 800 entreprises espagnoles sont actuellement installées au Maroc, avec une présence dans presque tous les secteurs.