Le Maroc et l'Algérie ont déjà convenu depuis belle lurette qu'ils doivent mettre de côté leur désaccord sur la question du Sahara marocain, en vue d'ouvrir une nouvelle ère dans leurs relations bilatérales, et ce dans l'intérêt des populations des deux pays et en vue de baliser la voie à la construction de l'ensemble maghrébin. Des rencontres officielles périodiques ont même été programmées par les deux parties à cet effet. Or, le rétablissement des relations bilatérales passait bien évidemment par la levée de l'obstacle frontalier entre les deux pays, levée à laquelle l'Algérie s'est jusqu'ici fermement opposée. Mais alors qu'on ne désespérait pas de voir ce problème réglé, voici que l'Algérie, et de façon officielle, revient à nouveau à la case départ. Jeudi dernier, Amar Belani, porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères, a fait une sortie pour le moins surprenante. Il a déclaré que l'Algérie exige du Maroc de remplir trois conditions sine que non afin qu'Alger se décide à l'ouverture des frontières entre les deux pays : l'arrêt de «la campagne de dénigrement menée par des cercles officiels et non officiels marocains contre l'Algérie», la «coopération effective du Maroc pour arrêter les flux de trafics, notamment de drogues» et le «respect de la position algérienne au sujet de la crise du Sahara occidental». Cette déclaration est d'autant plus inattendue que le premier décideur algérien, Abdelaziz Bouteflika, est actuellement déconnecté de la décision politique dans son pays, car interné aux «Invalides» à Paris depuis maintenant plus de deux mois pour y suivre des soins intensifs suite à la dégradation brusque de son déjà très chancelant état de santé. On est donc en droit de se demander qui est derrière cette «conditionnalité» d'un autre âge. En tout cas, si on connait bien les véritables détenteurs du pouvoir algérien, qui plus est sont tapis à l'ombre, mais bien visibles, cette décision est à inscrire dans le cadre de la lutte qui sourd actuellement à Alger pour la succession de Bouteflika. Pour mieux plaire aux «faiseurs de présidents», une campagne de charme s'impose donc, et celle-ci passe bien évidemment par l'intransigeance vis-à-vis du voisin de l'ouest. La réaction marocaine à cette nouvelle surenchère algérienne ne s'est pas fait attendre. Dès jeudi soir, un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la coopération, a été rendu public. Il «dénonce vigoureusement» les conditions «infondées» et «incompréhensibles» qui ont été dressées comme autant d'obstacles à la réouverture des frontières entre les deux pays, fermant ainsi la voie à la normalisation de leurs relations bilatérales multiformes. Le communiqué note que «le principe même d'introduire une conditionnalité unilatérale dans la normalisation des relations bilatérales est une pratique d'un autre âge et dénote une culture politique d'une ère révolue, en total déphasage avec les exigences et les perspectives du 21e siècle». Même si la déclaration algérienne parle de choses marginales comme un supposé « trafic de drogues » et de déclarations d'hommes politiques qui n'engagent qu'eux-mêmes, le communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères s'est essentiellement appesanti sur le dossier saharien qui, lui, constitue le nœud gordien des relations entre les deux voisins. A cet effet, il précise que «le Maroc a respecté pleinement l'approche préconisée, protégeant le processus bilatéral et laissant parallèlement et distinctement les deux pays défendre leurs points de vue respectifs sur la question du Sahara marocain». Face à cette énième volte face algérienne, il reste à déplorer que l'avenir des peuples du Maghreb soit encore le cadet des soucis des autorités algériennes...