Incontestablement, c'est de l'anarchie qu'il s'agit en matière de gestion de l'espace public dans la capitale économique du pays. Des trottoirs sont complètement squattés par les cafetiers et les commerçants dans presque toutes les zones de la Métropole. Ce qui pousse les piétons à partager, à leurs risques et périls, la chaussée avec les automobilistes et ces triporteurs, made in China, qui roulent sans aucun respect du code de la route. Le paradoxe est que dans certaines zones du centre ville, les auteurs de l'infraction de l'exploitation illégale de l'espace public sont des élus ou leurs proches. C'est le cas de ce café «LeNoble» dans la zone du Maârif, du côté du boulevard Al Massira. Le cas de cet espace appartenant au président de la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Casablanca interpelle à plus d'un titre. Le gérant du café s'est permis, au vu et au su de tout le monde, d'aligner des chaises et des tables sur la terrasse squattant complètement le trottoir. Un peu plus loin, sur le boulevard d'Anfa, le propriétaire d'un hôtel cinq étoiles s'est permis de construire carrément sur le trottoir une «annexe» de son restaurant. La préfecture des arrondissements d'Anfa aurait fermé les yeux sur cette infraction. Cet espace, rappelle-t-on, avait abrité durant les années 2008 et 2009 les conférences intitulées «les Jeudis de la gouvernance» organisées par le Conseil de la ville de Casablanca. Voilà la bonne gouvernance ! Et lorsqu'on apprend que la famille du président de l'Arrondissement de Aîn Chock et du conseil de la Région du Grand Casablanca est actionnaire dans cet espace, l'on ne s'étonne pas à propos de ces violations flagrantes du code de l'urbanisme et de la gestion de l'espace public. Une occupation illégale de l'espace public, «catégorie cinq étoiles» ! Voilà l'exemple de deux élus-présidents qui violent les lois en vigueur sans qu'ils ne soient rappelés à l'ordre par les autorités de la wilaya. Comment ces responsables-élus pourraient conduire, sans avoir froid aux yeux, une campagne, en partenariat avec les autorités de la wilaya, pour sensibiliser les marchands ambulants quant à l'exploitation illégale de l'espace public. Pis encore, ce sont ces mêmes élus qui ont fait foirer les programmes de sédentarisation des marchands ambulants et organiser leurs activités dans des souks pilotes à Casablanca au début de cette décennie. Et du coup, le nombre des marchands ambulants ne fait que s'accroître considérablement dans les différentes zones de cette métropole. A Aîn chock, les cas des deux souks, «Yasmina», (300 locaux), au quartier Mssalla sur le boulevard Amkala, et «Chrifa», (300 locaux), au quartier Chrifa sur le boulevard Dakhla ainsi que le souk«Baghdad», (326 locaux) sont les plus illustratifs. Les locaux ont été cédés à d'autres commerçants avec des «pas de portes» alors que les marchands ambulants ont été marginalisés. Voilà pourquoi le nombre de ces colporteurs des temps modernes a atteint plus de 128.572 marchands ambulants à Casablanca, dont 13.310 exercent leurs activités dans la seule zone d'Al Fida-Mers Sultan, selon des statistiques officielles. Selon les mêmes statistiques, 58% des marchands ambulants sont mariés, 34% célibataires, 4% divorcés et 4% veufs. 93% de ces personnes désirent obtenir un local et sont prêts à le payer, indique la même étude, précisant que cette activité génère une somme variant entre 50 et 100 dirhams par jour. Alors si ces marchands occupent la voie publique pour gagner leur bas de laine, force est de constater que ce sont des élus qui sont à l'origine de cette situation. Et aujourd'hui, ces mêmes élus poussent le bouchon plus loin. Ils occupent illégalement eux-mêmes l'espace public et appellent les autorités locales à combattre les marchands ambulants. A Al Fida, ces mêmes élus sont allés plus loin jusqu'à mobiliser certains commerçants travaillant pour leur compte à organiser un sit-in contre le phénomène des marchands ambulants. Du jamais vu.