L'argent fait-il ou non le bonheur ? Les réponses à cette question sont contrastées. Tout dépend du référentiel que l'on prend en considération. Si vous dites à une personne qui n'a pas le sou et qui vit dans l'extrême misère que «l'argent ne fait pas le bonheur», elle ne va pas vous prendre tout simplement au sérieux ! Et si vous dites à une personne richissime que «l'argent fait le bonheur», elle va dans le meilleur des cas vous adresser un regard moqueur ! Autrement dit, l'argent est certes nécessaire, mais il ne fait pas à lui seul le bonheur. D'autres facteurs, aussi importants y interviennent comme le montre d'ailleurs le nouveau classement mondial des pays en fonction de l'indicateur du bonheur humain (IBH) qui ne concorde ni avec le classement en fonction du revenu per capita, ni avec celui de l'indicateur du développement humain (IDH). Ce ne sont pas les pays les plus riches qui tiennent le haut du pavé en matière de bonheur ! Un proverbe exprime cette situation d'une façon on ne peut plus forte : «Les riches qui pensent que les pauvres sont heureux ne sont pas plus bêtes que les pauvres qui pensent que les riches le sont» (Mark Twain). Un proverbe chinois est plus explicite : «L'argent peut acheter une maison, mais pas un foyer. Il peut acheter un lit mais pas le sommeil. Il peut acheter une horloge, mais pas le temps. Il peut acheter un livre, mais pas la connaissance. Il peut acheter une position, mais pas le respect. Il peut acheter du sexe, mais pas l'amour». De même, on trouve par ailleurs, des citations multiples qui font l'éloge de l'argent et en montrent les bienfaits. Ce qui est condamnable et nuisible en fait, c'est l'enrichissement illicite, celui qui est acquis sur la base de la rente, de la corruption et de multiples artifices. C'est ainsi que les premiers auteurs libéraux, et bien avant eux le penseur maghrébin Ibn Khaldoun, ont condamné et fustigé la rente et les rentiers. Seule la richesse acquise par le travail et l'effort est légitime. «Il n'est de richesse que d'hommes» écrivait Jean Bodin, au XVIe siècle. C'est le fondement de la loi de la valeur-travail telle qu'elle a été développée par la théorie marxiste. C'est pour cela que tant qu'il ya des gens qui croient que par l'argent et grâce à l'argent, ils peuvent tout se permettre dans la société, tant que l'argent prime sur les autres valeurs, la société en question est condamnée à la décadence et devenir l'ombre d'elle-même. Car cet argent (roi) pollue la société, pervertit les valeurs et sape à la longue toute velléité émancipatrice. La lutte contre la rente sous toutes ses formes, par la réhabilitation du travail, de l'effort, de la compétence et du mérite est un combat de civilisation. C'est la voie qui mène vers le progrès social et le salut national. La lutte contre la corruption relève du même ordre : «La corruption détourne au profit des riches les ressources destinées aux pauvres, elle alourdit les charges des entreprises, fausse la répartition des dépenses publiques et décourage les investisseurs étrangers... c'est un obstacle majeur à un développement sain et équitable», avait déclaré en 1996 le Président de la Banque Mondiale. Si notre pays parvient à moyen terme à remporter cette bataille contre l'enrichissement illicite, la spéculation et l'argent facile, et à réhabiliter le travail et le mérite, il pourra dès lors rentrer dans l'histoire des grandes nations par la grande porte. *Membre du Bureau Politique du PPS et Professeur à la FSJES Rabat Agdal.