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Entretien : «L'économie de rente se développe au détriment des consommateurs»
Publié dans Finances news le 31 - 03 - 2011

La rationalité et la concurrence devraient garantir normalement la juste répartition des revenus.
Les agréments sont un héritage de la colonisation.
La suppression des agréments et le respect d'un cahier des charges s'imposent.
Le point avec Abderrahmane Ouali, Economiste et professeur universitaire.
- Finances News Hebdo : En pratique, quelle est la définition de la rente ?
- Abderahmane Ouali : En pratique, les rentes, dans des perceptions globales et générales, peuvent être considérées comme des superprofits; c'est un revenu que les gens prélèvent sans fournir un effort. C'est un bénéfice supplémentaire obtenu par rapport à la concurrence (vente à un prix supérieur à la normale selon le marché).
En effet, à côté des situations de rente qui se justifient (les retraites, les pensions vieillesse, la rente viagère etc…), il y a les situations de rente au titre de privilèges, c'est là d'où est venue l'expression qui est souvent associée par la majorité des gens à «rentes de privilège, liées à des interventions dues au lien de parenté… »
Se sont alors développées des rentes économiquement nuisibles et politiquement dangereuses : les rentes de situations, les rentes de monopoles, les rentes d'ententes, les rentes d'oligopoles.
En fait, ces situations de rente sont liées aux défaillances et aux imperfections de l'économie de marché dans laquelle l'Etat ne veille pas au fonctionnement des mécanismes du marché :
les mécanismes rationnels et les mécanismes de concurrence.
La rationalité et la concurrence devraient garantir normalement la juste répartition des revenus entre la rémunération des différents facteurs de production. C'est là le propre du capitalisme et le fondement de l'économie de marché. Si, au-delà de cette rémunération, des personnes ou des entreprises prennent plus, dans ce cas se constituent des rentes de situation ou de monopole qui résultent du fait que l'entreprise a réussi à appliquer des prix supérieurs à des prix normaux, pour se donner des marges de profits qui ne sont ni normales, ni justifiées. C'est l'aspect le plus dangereux qui nuit en quelque sorte aux économies depuis le milieu des années 80.
En effet, depuis cette époque-là, avec la mondialisation, la globalisation, les technologies financières, la multiplication de produits de placements spéculatifs sur les valeurs et le rendement des capitaux, en particulier des capitaux financiers, et non les capitaux productifs, une partie de la valeur ajoutée, de plus en plus ascendante, a bénéficié aux spéculateurs, au détriment de la rémunération des salaires, de la rémunération des capitaux productifs, à savoir le profit, avec comme support des politiques économiques de lutte contre l'inflation, donc modération des salaires, tout l'effort étant porté sur l'intelligence de la spéculation.
- F.N.H : Ya-t-il une relation
entre économie de rente et niche de marché ?
- A.O : D'ailleurs, je me pose toujours la question de savoir si on ne peut pas assimiler les revenus spéculatifs des coûts exposés à des situations de rente ?
Donc, pour revenir au concept, «une économie de rente» comme vous voulez l'appeler, est une économie qui se développe au détriment des consommateurs; on prend plus qu'il ne faut par les prix dans l'ensemble des activités économiques (dans le domaine financier comme dans celui des biens et services réels). Ainsi, «une économie de rente» serait liée à l'existence de niches de marchés qui permettent des situations de non concurrence et de comportement irrationnel.
Il est anormal, par exemple, de trouver une production locale en situation de monopole et qui bénéficie d'une protection douanière importante. C'est le cas d'une entreprise qui fabrique une matière première dans une situation monopoliste, qui bénéficiait d'une protection douanière importante permettant de réaliser une rente annuelle conséquente supportée par des petits consommateurs et des projets d'infrastructure.
- F.N.H : On a longtemps qualifié une partie de l'économie marocaine comme étant une économie de rente, qu'en pensez-vous ?
- A.O : En se référant aux différentes définitions ci-dessus, il est très difficile de qualifier une partie de l'économie d'économie de rente, mais il y a des situations qui génèrent des rentes.
Le concept rente s'applique à plusieurs situations, mais «économie de rente» veut dire une économie qui vit seulement d'un certain nombre de situations monopolistes ou de situations privilégiées. C'est difficile de concevoir une telle économie.
Par contre, on pourrait dire qu'une bonne partie de l'économie marocaine fonctionne dans des situations de non concurrence qui profitent à certaines catégories.
Malgré l'ensemble des accords de libre-échange que la Maroc a signés ces dernières années, on commence à peine à percevoir les premières prémices des effets de la concurrence. Ces accords n'engendrent pas encore les effets escomptés au profit des consommateurs.
Il n'en demeure pas moins que, même dans des situations de produits fabriqués dans des situations de monopole ou de duopole, les importateurs s'alignent sur les producteurs nationaux. Il y a même des situations où la baisse des droits de douane a été accompagnée d'une hausse des prix des produits importés, au lieu normalement d'une baisse.
Une grande partie de l'économie continue à bénéficier dans des situations de monopole, de duopole et je dois reconnaitre qu'il y a des lobbies très forts qui ont toujours empêché l'adoption d'une législation complète, conséquente et applicable en matière de droit de la concurrence.
Je dois vous rappeler que la réglementation de la concurrence et de la protection des droits des consommateurs font partie des piliers du Programme d'Ajustement Structurel, au moment même du début de son application, et que, le premier projet de texte en la matière avait été soumis à l'appréciation des professionnels en 1986. Mais il y a eu toujours des interventions de lobbies qui arrivaient à le faire retourner au placard. Il a fallu attendre le gouvernement Youssoufi pour qu'un texte soit sorti mais sans son complément direct, à savoir le texte sur la protection des consommateurs.
C'est un texte hybride et qui n'a pas une grande efficacité en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.
De ce fait, notre économie n'a de marché que le nom. Les mécanismes de marché n'existent pas. L'Etat et l'administration, d'une part, la politique économique globale, d'autre part, ne garantissent pas le jeu de ces mécanismes.
- F.N.H : Les économies de rente ont favorisé l'expansion de la corruption ; comment expliquez-vous cet état de fait et que faire pour éviter cette situation ?
- A.O : Est-ce qu'il y a un lien entre corruption et situation (et non économie) de rente ? Les situations de rente telles que précisées ci-dessus, peuvent donner lieu à corruption, mais ce n'est ni évident ni automatique. On peut profiter de niche de marché sans corruption.
La question de la corruption dans le domaine économique est plus liée à la nature de la relation entre privé et public, au niveau des mécanismes de la dépense publique. C'est là où il y a l'essentiel des sources de corruption. La véritable corruption est celle qui dérange le bon fonctionnement de l'économie, en créant des situations de privilèges indus, moyennant de l'argent.
Je peux vous dire qu'historiquement le Maroc ne connaissait pas ces situations. En fait, les pratiques de corruption se sont plutôt développées sous le protectorat dans la lutte d'influence pour bénéficier de marchés ou de concessions.
Ensuite, le phénomène de corruption s'est développé dans les relations Nord/Sud, après les indépendances.
Les pays du Nord accordaient des prêts aux pays du Sud pour réaliser des projets et ont développé des lobbies autour des Etats des pays du Sud pour orienter l'octroi des marchés financés par ces prêts moyennant commissions juteuses. Ces pratiques ont été complétées par la suite par le développement de la pauvreté et l'élargissement des inégalités, qui ont obligé plusieurs catégories sociales à recourir à tout moyen pour arrondir la fin du mois. Chemin faisant, c'est devenu un phénomène social qui fait que dans notre sociologie actuelle, il est devenu impensable de croire qu'on peut bénéficier d'un service sans payer.
Par rapport aux situations de rente, elles peuvent être pérennisées par des recours à des pratiques de corruption.
- F.N.H : Au Maroc, il existe depuis longtemps un système d'agréments accordés par le pouvoir à des commis de l'Etat et à certaines catégories sociales ; ne croyez-vous pas que ces agréments n'ont plus de raison
d'être ?
- A.O : Les agréments sont un héritage de la colonisation. Au lendemain de l'indépendance, il est évident qu'un système makhzénien ne pouvait que pérenniser cette situation et en tirer profit sur le plan politique et le développement du clientélisme.
Mais, ce qui est dramatique, c'est que le système des agréments n'a non seulement rien d'économique, ni de rationnel, mais il est parmi les pratiques qui détruisent l'économie de marché : de plus, ce système des agréments ne bénéficie pas seulement aux commis de l'Etat, comme vous dites
A l'origine, il était destiné à des anciens combattants et puis d'autres personnes en ont bénéficié : vous avez des chanteurs avec des agréments, des chikhates qui ont des agréments et j'en passe ; et on est arrivé à des situations aberrantes, notamment dans le transport, et ce depuis le milieu des années 80, avec la hausse des prix du gazoil.
Prenons l'exemple des taxis, c'est là où se situe le plus gros du problème : ce mode de transport est devenu néfaste tant sur le plan social qu'économique. Economiquement, cela porte un préjudice total à l'image du pays, notamment eu égard aux touristes.
Au plan social, se trouvent les vraies situations de rente : pour le taxi, vous avez celui qui a l'agrément, celui qui a la voiture et le chauffeur qui «bosse». Vous avez deux personnes qui vivent dans des situations de rentiers : celui qui a l'agrément et celui qui a la voiture, le seul qui vit de son travail est le chauffeur à qui il ne reste pas grande chose à la fin de la journée.
Dans une société où on parle de modernité, il faut mettre un terme à cette situation.
Comme partout dans le monde, il y a un cahier des charges qui réglemente la situation et qui doit être accompagné des moyens de financement. Les soumissionnaires peuvent être des personnes morales ou physiques.
Dans le cas des sociétés (sociétés d'exploitation de taxis), le chauffeur serait un salarié avec tous les droits et obligations.
Dans le cas d'une personne physique, c'est lui qui doit exploiter la licence avec un suivi et un contrôle.
Se posera alors le problème du prix de la course, lequel est lié à celui des revenus des usagers qui relève de la problématique de la répartition.
Cette problématique ne doit pas cantonner une profession dans la médiocrité.
Pour ce qui est des transports interurbains, je crois que le code de la route aurait dû être précédé, ou du moins accompagné, par la modernisation de la réglementation de ce transport. Là aussi, la suppression des agréments et le respect d'un cahier des charges s'imposent.
Dossier réalisé par W.M. et C.J.
* Pensée économique : Rente ou économie de rente
En théorie économique et dans les concepts économiques, on parle de rente, mais pas d'économie de rente.
La notion «économie de rente», me semble t-il, est une notion péjorative qui relève des considérations actuelles, les gens confondent rente avec privilèges, liens de parentés, passe-droits, etc….
Maintenant, par sa définition, la rente est une somme d'argent qui revient de manière permanente à une personne suite à un emprunt (à l'origine) avec garantie, pour une durée déterminée ou indéterminée (rente perpétuelle)
Au départ, c'était sur la base d'emprunts. A l'origine, aux 18ème et 19ème siècles, c'était surtout des emprunts d'Etats, soit pour une durée déterminée, soit pour une durée illimitée (la personne reçoit une somme d'argent régulièrement pour toute la vie), c'est ce qu'on appelle une rente viagère.
Du 19ème siècle jusqu'à pratiquement l'entre-deux guerres, beaucoup de personnes faisaient ce type de prêt puisque le crédit bancaire n'existait pas à l'époque ou était limité. Donc, les gens contractaient des prêts contre des sommes d'argent en contrepartie pendant une longue période. Au Maroc, c'était le cas de la communauté juive, marchand d'or.
C'est l'économiste classique David Ricardo qui a été le premier à mettre en évidence la notion de rente dans le domaine agraire.
Il y avait plusieurs formules. En effet, les propriétaires terriens donnaient aux paysans le droit d'exploiter leur terre moyennant une somme d'argent régulièrement et périodiquement, c'est ce qu'on appelle la rente agraire.
Puis, la notion s'est développée en théorie économique.
A côté de la rente qu'on appelait «rente de crédit», ou cette notion de rente agricole, que l'on trouvait chez Ricardo et reprise un peu par Marx au niveau de la détermination de la valeur du travail, on peut parler également de la notion de rente « revenu ». D'ailleurs, cette notion est actuellement utilisée dans les expressions courantes, la retraite est aussi considérée comme une rente. Des rentes qui viennent des revenus du travail, comme les pensions et tout ce qui est placement en assurance qui donnent droit à une rente permanente (rente viagère).
La pensée économique a donné naissance à un débat concernant la notion de rente (les classiques, les néoclassiques, les keynésiens).
Pour les classiques, la rente est un revenu mais un revenu de parasite. Cette expression va dans le sens de celle de Ricardo selon laquelle la rente encourage les gens à ne pas être dynamiques, ils placent l'argent, ils donnent la terre, ils reçoivent de l'argent en tant que revenu permanent. Ensuite, les néoclassiques parlent de la rente comme étant un prix, donc un prix relatif à un placement, apparenté un peu à un profit.
Et puis Keynes a repris de manière plus large la question de l'approche classique, pour démontrer que la rente constitue une fuite par rapport à la constitution de l'épargne dynamique et qu'elle va à l'encontre du système productif et de l'investissement.


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