Une participation sur fond d'un processus évolutif Le Maroc s'est singularisé par rapport à d'autres pays de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA). En effet, alors que beaucoup de pays appartenant à cette zone ont connu des manifestations violentes ayant abouti à la chute de bien des régimes (Tunisie, Egypte et Libye) ou le départ de chefs d'Etat sous pression de la rue comme pour le cas du Yémen, au Maroc, les contestations sociales ont été vite atténuées par une série de réformes, dont notamment l'adoption d'une nouvelle Constitution. En effet, dès le 20 février 2011, des mouvements de protestation ont jalonné les rues de plusieurs villes du Royaume. Ces mouvements ont été généralement pacifiques et les autorités n'ont pas utilisé la force pour les contrer sauf lorsqu'il s'agissait de protéger des biens publics pouvant faire l'objet d'actes de pillage ou de vandalisme. Le discours royal en date du 9 mars 2011 a aussitôt canalisé les demandes intervenues dans un contexte géopolitique régional particulièrement agité. Ces demandes avaient en général un aspect plus social que politique. Ledit discours royal a annoncé une réforme constitutionnelle audacieuse. Une commission consultative s'est penchée sur le travail de préparation d'un texte constitutionnel qui réponde aux nouvelles aspirations. Au bout de plusieurs semaines de consultations intenses, la commission de préparation a soumis au Roi son projet de Constitution. Lequel projet a fait l'objet d'un référendum le 1er juillet 2011. Les Marocains ont massivement participé à ce référendum qui a largement approuvé le projet de réforme de la Constitution du Royaume. Après l'adoption d'une nouvelle Constitution, des élections législatives anticipées ont été organisées le 25 novembre 2011. Ces élections ont porté le Parti de la justice et du développement (PJD) - d'obédience islamiste - au pouvoir. Juste après, le Roi a nommé Monsieur Abdelilah Benkirane comme nouveau Chef du gouvernement. Après plusieurs tractations menées par celui-ci avec des formations politiques, une coalition gouvernementale s'est constituée de quatre partis politiques. C'est dire que le Maroc a connu une sorte d'alternance politique islamiste de manière fluide et pacifique, conformément aux normes constitutionnelles. Une telle transition pacifique traduit l'ancrage des institutions politiques marocaines et leur stabilité, en dépit d'une conjoncture économique mondiale difficile. Si le Maroc est parvenu à réussir l'épreuve du «printemps arabe», cela est dû aussi à la série de réformes fondamentales qu'il a adoptées pratiquement dès le début des années 1990, accélérées à la suite du nouveau règne. La communauté internationale a d'ailleurs félicité le Maroc consécutivement à l'adoption de la nouvelle Constitution et l'organisation d'élections législatives transparentes. Dans le contexte du «printemps arabe», la communauté internationale a décidé d'apporter son soutien aux pays arabes engagés dans des processus de réforme ou de changements démocratiques. Tel est l'objectif du Partenariat de Deauville lancé en France en mai 2011. D'ailleurs, ce pays a joué un rôle de premier plan dans la chute du régime de Mouammar Kadhafi à travers un soutien logistique et militaire apporté au mouvement insurrectionnel, devenu ensuite le Conseil national de transition. Ledit partenariat a été lancé à la suite d'une initiative du G8. Dans le même contexte, la politique européenne de voisinage a fait l'objet d'une révision, justement à la lumière du «printemps arabe», l'objectif étant de soutenir les transitions démocratiques dans les pays membres du partenariat euro-méditerranéen. A la suite de la réunion de Deauville, à laquelle le Maroc n'avait pas participé initialement, une autre réunion a eu lieu en septembre 2011 à Marseille. Le Maroc et la Jordanie ont pris part à cette rencontre des ministres des finances des pays membres du Partenariat de Deauville. Comme le Maroc, la Jordanie a connu des mouvements sociaux de contestation qui ne sont pas allés jusqu'à demander le renversement des régimes en place, dans la mesure où leurs revendications étaient fondamentalement socioéconomiques. Initialement, le Partenariat de Deauville a été lancé dans l'objectif de soutenir les changements démocratiques en Tunisie et en Egypte. Il s'est donc par la suite généralisé aux pays de la région MENA. Font également partie de ce partenariat, l'Arabie Saoudite, la Qatar, le Koweït, les Emirats arabes unis et la Turquie. La Libye a également rejoint le partenariat. Le Maroc, pour reprendre un terme employé dans la déclaration des ministres des affaires étrangères des pays membres du partenariat de Deauville, a connu un «processus évolutif» et non pas un changement de régime. En effet, le 20 septembre 2011, à New York, les ministres des affaires étrangères du Partenariat de Deauville ont adopté une déclaration dans laquelle ils ont souligné leur «(...) profond attachement aux deux éléments-clés de la stabilité et de la paix dans la région que sont les valeurs de la démocratie et un développement économique durable et partagé». Sur le plan de la gouvernance, le Partenariat de Deauville a fait l'objet durant cette même rencontre d'une plate-forme commune de coordination par les institutions financières internationales. Les principales institutions internationales participant au Partenariat de Deauville sont l'Organisation des Nations Unies, l'Organisation de coopération et de développement économiques, la Ligue des Etats arabes, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l'Union pour la Méditerranée. La Banque européenne d'investissement, la Banque européenne de reconstruction et de développement et la Banque africaine de développement participent également de manière active à ce partenariat. Le Partenariat de Deauville est fondé sur deux piliers fondamentaux, un pilier politique et un volet économique. Ces deux aspects font l'objet des points 7 et 8 de la déclaration précitée. Il y est notamment question du renforcement de l'Etat de droit, du soutien à la société civile, du renforcement du développement économique (38 milliards de dollars mis à disposition durant la période allant de 2011 à 2013 sous forme d'aide multilatérale) et du soutien à l'intégration régionale et mondiale. Ce dernier point intéresse particulièrement le Maroc. En effet, le Royaume pourrait jouer un rôle d'avant-garde pour la relance des processus d'intégration à l'échelle maghrébine ou dans une perspective euro-méditerranéenne. Dans cette optique, le Partenariat de Deauville pourrait soutenir le choix d'une solution politique au conflit du Sahara, principale pomme de discorde dans les relations entre le Maroc et l'Algérie. Il est d'ailleurs curieux de remarquer que l'Algérie, qui résiste encore au changement démocratique, ne participe pas au Partenariat de Deauville. Dans cette dynamique de relance, l'Union européenne et l'Union pour la Méditerranée auront également un rôle à jouer à travers la revitalisation et la redynamisation des initiatives et des processus déjà mis en branle. D'ailleurs, l'expérience du Maroc avec l'Union européenne, dans le cadre du Statut avancé, pourrait être dupliquée avec la Tunisie, la Libye, l'Egypte ou la Jordanie. En conclusion, dans le cadre de tels partenariats, le Maroc pourrait jouer un rôle de premier plan en raison notamment de sa bonne foi en matière de gouvernance et de réformes, la dernière étant la révision constitutionnelle de 2011. Ce qui est de nature à doter le Projet Marocain d'Autonomie d'un fort coefficient géostratégique au niveau international, et d'une crédibilité accrue au regard des populations concernées sur le plan national. Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales* *Zoom sue le CEI Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, «Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009)» (décembre 2009), «Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile» (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies » (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, « La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires ». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume.