Ouvert vendredi à Rabat, le forum sur la transition démocratique dans les pays arabes a clos ses travaux, samedi, sur une nouvelle conception du devenir des peuples de la région et des moyens de le réaliser. En empruntant au traité d'Agadir notamment. Le forum sur la transition démocratique et les processus constitutionnels dans le monde arabe sont en passe totalement de changer la perception que la plupart des observateurs avaient de la conduite des révolutions. Les experts qui y ont pris part durant deux jours ont en effet dit dès la séance inaugurale du vendredi ce qu'on n'admettait que rarement auparavant: à savoir que pour se construire, le changement ne doit pas se faire à huis clos, mais en situation d'échange avec l'extérieur. C'est en particulier ce qu'a souligné le ministre des affaires étrangères du Royaume, Taïeb Fassi Fihri, qui a appelé à l'extension du traité de libre-échange conclu à Agadir entre le Maroc, la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie. Mais, s'est-il empressé d'ajouter: un traité qui, en plus d'offrir un cadre aux échanges économiques, en présente également à l'intégration et à la participation aux «questions stratégiques, politiques et de droits de l'Homme». C'est également ce qu'il a laissé entendre quand il a mis en exergue l'initiative prise récemment par le G8 à Deauville et ses effets d'entraînement éventuels sur les souhaits de changement exprimés par les peuples arabes. Quelques commentateurs n'ont pas manqué de faire le rapprochement entre ces propositions et des faits récents. Ainsi ont-ils jugé utile de relever que l'offre d'extension du traité d'Agadir intervient quelques jours seulement au sortir de rudes négociations menées par le ministre avec le Conseil de coopération du Golfe au sujet d'une éventuelle adhésion du Royaume à l'ensemble régional. Ils rappellent à ce propos qu'au lendemain de ces discussions le Maroc n'a plus demandé qu'un statut d'associé au lieu de celui de membre et , qu'il s'est nettement rapproché de la Jordanie, l'autre invité au Conseil, en vue de coordonner leurs réponses au groupement du Golfe. D'autres commentateurs ont relevé que sur les quatre pays du traité d'Agadir, deux sont en pleine révolution et que les deux autres qui ont échappé aux troubles sont des monarchies. Ces propos ne veulent sans doute rien dire de plus que ce qu'établit nettement ce forum organisé à Rabat par le Club diplomatique marocain et l'Association marocaine de droit constitutionnel en partenariat avec le ministère des affaires étrangères : qu'il est d'une insolente pertinence. Cela, c'est ce que dira avec la sagacité du politicien blanchi sous le harnais, l'ancien vice- Premier ministre égyptien Yahia Al Gamal. De son point de vue, si la révolution égyptienne a renversé le régime, elle n'a pas encore réussi à son passage à la démocratie qu'il a définie comme un état où priment la loi et la raison. Vécues par tous les pays en transition, ces difficultés de passage diffèrent cependant de l'un à l'autre pays, a estimé le constitutionnaliste Abdelaziz Lamghari. Au Maroc, a-t-il déclaré, la question qui se pose aujourd'hui est de traduire dans les faits les dispositions de la nouvelle Constitution et les réformes qu'elle stipule. Pour lui, comme pour l'Association marocaine de droit constitutionnel qu'il préside, le chemin est assez ardu pour qu'on le batte avec méthode. Cette méthode, c'est en fait la question sur laquelle ont planché les deux panels qui ont continué samedi les travaux du forum. Ils s'étaient penchés sur «les processus de consultation constitutionnelle pour les transitions démocratiques dans le monde arabe» et s'étaient demandé «quelles dispositions constitutionnelles pour assurer la réussite des transitions démocratiques dans le monde arabe». «Le printemps arabe» à inscrire dans un contexte de reconfiguration de la carte géopolitique internationale Les mutations que connaît actuellement le monde arabe s'inscrivent dans un processus global de reconfiguration de la carte géopolitique internationale, ont estimé les participants à un panel organisé samedi à Rabat dans le cadre du Forum international sur les transitions démocratiques et les processus constitutionnels dans le monde arabe. Les participants ont souligné, lors de cette rencontre tenue sous le thème «Quels mécanismes de consultation constitutionnelle pour les transitions démocratiques dans le monde arabe», que les vagues de contestations populaires qui secouent plusieurs pays arabes en faveur de l'établissement de l'Etat de droit et de l'enracinement des valeurs de la démocratie et de la justice sociale, interviennent dans un contexte mondial «compliqué» et en plein mutation. L'ex-ministre des affaires étrangères du Portugal, Luis Amado, a donné un aperçu sur la transition démocratique dans son pays, tout en soulignant le caractère «très compliqué» du changement politique dans le monde arabe. Quant à Mme Nadia Bernoussi, membre de la commission de la révision de la Constitution, elle a mis l'accent sur le processus d'élaboration de ce texte, soulignant à cet égard l'approche participative et transparente adoptée. Ahmed Salaheddine