C'est un fait, l'année en cours n'est pas particulièrement rose, tant l'agriculture a subi une nouvelle fois le diktat du climat et que l'environnement extérieur est resté particulièrement perturbé chez nos partenaires tant d'Europe, que dans le monde arabe, toujours confronté à un printemps aux conséquences incertaines. La nouveauté réside, bien sûr, dans la confirmation du ralentissement du rythme de la croissance économique, dont le taux passerait en dessous de 3%, même si la croissance hors agriculture resterait aux alentours de 4% ; ce qui accentue le poids des déséquilibres financiers, interne et externe, et met sous plus de pression nos réserves en devises étrangères, nécessaires à honorer nos engagements commerciaux et financiers. Il va de soi, que cela va impacter le taux de chômage, surtout dans les campagnes, mais aussi dans les villes où la basse conjoncture fait perdre beaucoup d'emplois, et ce, au moment où la nouvelle vague annuelle de demandeurs d'emplois se manifeste sur un marché du travail, structurellement sous pression, en particulier dans son département des jeunes diplômés en spécialités non demandées par les employeurs. Mais soyons clairs ! Cette situation était en gestation depuis quelques années, avant de se précipiter depuis que la crise mondiale a éclaté en 2007- 2008, c'est-à-dire, depuis que les dépenses publiques ont explosé ces deux dernières années pour faire face aux demandes sociales pressantes, dans le sillage du « Printemps arabe», et pour continuer à soutenir la consommation et à financer les programmes des grands travaux publics. La dégradation des comptes publics, aggravée cette année par la sécheresse, est le résultat du renchérissement des cours pétroliers et des matières premières importées ; de la baisse de la demande adressée au Maroc, en produits et en services, notamment touristiques et de la diminution des transferts étrangers tant privés qu'en investissements. Ajouter à cela, le retard pris -transition constitutionnelle oblige- dans le processus de publication de la loi des finances 2012, qui a laissé les acteurs économiques, publics et privés, dans une expectative qui a duré six mois. A un moment, justement, où la conjoncture internationale a continué à s'assombrir et à distiller ses effets négatifs, commerciaux, financiers et sociaux. Entretemps, ne se sont pas atténués, bien au contraire, les effets structurels, exercés de longue date, sur les comptes publics par la caisse de compensation ; les caisses de retraite ; les salaires publics ; la défense et le développement du territoire sud du pays ; le peu de dynamisme des exportations ; l'augmentation continue des importations ; le faible rendement fiscal et le poids des exonérations; la faible rentabilité du secteur public...etc. Il va de soi, que dans ce panorama, l'état préoccupant de notre balance commerciale (qui ne date pas d'hier) interpelle en priorité, puisque il est l'indicateur éloquent de la fragilité de notre tissu productif et du manque de compétitivité de pans entiers de notre économie, surtout que les plans sectoriels de développement des métiers dits mondiaux du Maroc, tardent à donner le retour sur investissement escompté, à cause, entre autres, du manque d'harmonie dans leur gestion. Le fait le plus inquiétant reste l'état d'attentisme qui affecte l'investissement privé national, hors bâtiment, et l'attrait réduit des investissements privés étrangers. Car c'est là que se trouve la clé de la problématique de la croissance économique et du social. Ne soyons pas injustes, non plus ! l'analyste scientifique est étonné que des voix de quelques hommes politiques, passés dans l'opposition, s'élèvent avec force pour contrecarrer, au quart de tour, le démarrage de l'action réformatrice du Gouvernement actuel. Cela étonne quand on sait que ces personnes ont participé à la gestion gouvernementale antérieure et sont, en partie, responsables de la situation léguée à l'exécutif actuel et, en totalité, du retard imprimé aux réformes économiques structurelles qui s'imposaient de longue date ! N'est-il pas plus logique de laisser se déployer les réformes pour les juger, résultats à l'appui ? Et puis, ces critiques, savent pertinemment que l'action gouvernementale nécessite une double action à mener en parallèle : la réponse aux attentes populaires pressantes que la nouvelle constitution a ouvertes et élargies et l'engagement courageux de réformes structurelles, forcément impopulaires. Il est, surtout, étonnant que ces voix politiques se mettent dans le même bord que certains défenseurs attitrés des intérêts occidentaux au Maroc, qui crient d'ores et déjà à la crise et dressent un tableau douteux de l'économie marocaine et... du Maroc. A croire, que l'objectif recherché est que ces réformes ne soient jamais entreprises. L'analyste objectif se rappelle aussi, qu'aussitôt que le gouvernement a révisé les prix de l'essence et du gasoil, comme première étape dans le processus de résolution de l'épineux problème de la caisse de compensation, qu'une manifestation fut organisée, par ceux qu'on attendait le moins, et qui plus est, sous le mot d'ordre de « Dignité ». De quelle dignité s'agit-il? Serait-ce celle que préconise un des porte- drapeau de cette manifestation, qui propose une énième amnistie fiscale, comme solution miracle à nos problèmes ! Soyons réalistes ! Le Maroc a besoin de ressources budgétaires nouvelles. Il ne peut et ne doit faire l'économie d'une véritable réforme fiscale. La croissance soutenue et la paix sociale nécessitent que tous les citoyens, nantis et moins nantis, doivent s'acquitter chacun selon leurs capacités réelles, de leur dû fiscal. Ce ne sont plus les avantages fiscaux, dont beaucoup sont inefficients, et moins encore, l'amnistie fiscale, qui résoudront l'équation financière nationale. Autant, les investisseurs doivent être encouragés, autant ceux qui gardent les richesses oisives doivent contribuer au budget public normalement, comme cela se fait à travers le monde. Les salariés et la consommation ne doivent plus rester les seules sources sûres des rentrées fiscales. Aussitôt que le gouvernement a pris des décisions financières pour faire en sorte que les réserves en devises ne posent un problème majeur au Pays et pour maintenir les conditions avantageuses de sortie sur les marchés financiers internationaux, que ces mêmes voix se sont élevées attirant l'attention sur le danger du retour du FMI et d'un nouveau PAS, comme si on était dans les mêmes conditions des années 80 du siècle dernier. Oui, la précaution active doit être de mise. Mais a-t-on oublié que les marocains ont payé, rubis sur ongle, le prix du PAS et ont permis de créer les conditions avantageuses des années 2000, qu'on a justement ratées pour accomplir les réformes structurelles qui s'imposaient et qui auraient coûté moins cher? Mais, il n'est jamais tard pour bien faire ! 1. A commencer par préciser la stratégie gouvernementale et préciser le chemin directeur suivi, chiffres et échéances à l'appui, surtout que la plate-forme de la coalition gouvernementale existe. Il y a nécessité à recadrer la communication gouvernementale, en s'adressant certes aux couches populaires, mais aussi aux opérateurs économiques nationaux et les partenaires étrangers, mais dans un langage plus précis, plus chiffré et fixé dans le temps. 2. S'activer à résoudre immédiatement les problèmes urgents des couches populaires pour consolider la confiance, tout en se gardant d'importuner inutilement les riches, qui savent qu'ils doivent mettre la main à la poche, pour apporter leur juste contribution, afin de pas faire supporter la totalité de la facture des réformes aux couches moyennes, qui subissent déjà de plein fouet la pression fiscale et parafiscale, la hausse des prix et le coût des services publics adaptés à leurs besoins. 3. Engager, sans plus tarder, les réformes structurelles. Il est temps de résoudre la problématique de la caisse de compensation et des prix des produits de grande consommation, à l'image de ce qu'ont fait les mexicains, les brésiliens, les indonésiens ou les iraniens. Mais chacun sait que cette problématique est liée à une saine gestion administrative et à une claire volonté d'en finir avec l'économie de rente pour créer une concurrence loyale apte à imprimer à l'investissement privé national et étranger des rythmes soutenus élevés. 4. La problématique de la compétitivité nationale, qui se pose aujourd'hui avec acuité, est lisible à travers la faiblesse du tissu productif national. Nous produisons peu ou cher, donc nous exportons peu. D'ailleurs, dans le contexte de mondialisation, exporter aujourd'hui, c'est vendre à son voisin de palier. Autant la solution réside dans l'optimisation de nos importations, autant elle urge en matière d'amélioration de la productivité, d'encouragement de l'investissement productif et de promotion efficiente des exportations. Les 2/3 de nos importations sont incompressibles et les dépenses que nous effectuons en matière de promotion de produits peu diversifiés, à faible teneur technologique, ou en perte de compétitivité, ne paient plus. Les chefs d'entreprises doivent se mobiliser pour produire, sceller des partenariats utiles, renforcer notre présence sur les marchés traditionnels et accéder à de nouveaux marchés exigeants. Il est aberrant que notre agriculture continue à être aussi peu productive; que nos 3000 Kms de côtes participent si peu au PIB ; que notre PIB industriel recule. La compétitivité et l'exportation ne peuvent décoller que si notre offre décolle et que la problématique humaine qui les bloque soit résolue, aux niveaux administratif, associatif et de l'entreprise. 5. La fâcheuse problématique de l'enseignement, appelle aujourd'hui une action gouvernementale courageuse, soutenue par « un pacte national effectif» apte à débloquer la réforme du système éducatif national. Sans école publique forte, sans université créative, ancrées dans des territoires intelligents appuyant efficacement l'entreprenariat, sans système efficient de Recherche-développement, point de développement. Oui, mais chacun sait que la solution sera politique, ou elle ne sera pas. Ce n'est pas une question de paiement des frais scolaires ou de non paiement. Ni une question de plan d'urgence, c'est-à-dire, de dépenses engagées dans la précipitation. C'est une question de ferme volonté gouvernementale, de mobilisation de tous les acteurs, centraux et locaux, et de leur mise devant leurs responsabilités respectives. *Professeur universitaire- Fondateur de l'Association marocaine des économistes d'entreprise. AMEEN