La récession économique en Espagne s'est traduite par une baisse d'activité dans l'ensemble des secteurs, la colère des travailleurs et fonctionnaires a acculé le gouvernement à adopter des mesures impopulaires. Le panorama est chimérique mais personne, y compris les experts les plus avertis, n'est en mesure de prévoir les conséquences du plan d'ajustement ni la dimension du préjudice qu'il causerait pour le bien-être et le pouvoir d'achat des contribuables. Lundi, et 48 heures seulement après l'approbation par le conseil des ministres des hausses de la Taxe sur la Valeur ajoutée (Impôt sur la Valeur Ajoutée – IVA en espagnol), commencent à se profiler les aspects de la crise qui prend des formes différentes selon le secteur affecté. Il y a aussi des voix qui sont en colère contre les hommes politiques, les parlementaires et les grandes fortunes. Avant tout, la bourse, principal thermomètre de mesure de l'état de santé de l'économie, a entamé la journée avec apathie en accueillant les hausses tarifaires, décidées vendredi dernier, avec une baisse de 0,5% de son indicateur selélectif l'Ibex-35. La prime de risque, calculée sur la base de la différence entre le bon du trésor espagnol à dix ans et son homologue espagnol de même délai, marque 542,6 points (contre 540,3 points vendredi à la clôture), avec un taux de rentabilité de 6,684%. Ceci intervient au moment où l'Institut Espagnol de la Statistique (INE) a rendu publiques les dernières données de conjoncture concernant l'activité économique. La facturation du secteur industriel a accusé une baisse de 2,6% en mai dernier en comparaison avec le même mois de 2011 alors que les bons de commande du secteur ont régressé de 3,7%. De son côté, la facturation du secteur des services a régressé de 5,4%, soit neuf mois consécutifs de baisse depuis mai de 2011. Le commerce, la vente, la réparation de véhicules et motocyclettes ont enregistré les plus fortes chutes d'activités avec des diminutions respectives de facturation interannuelle de 5,2% et 16,1%. Toutefois, la rue a constitué, le weekend dernier, la plus forte expression sociale contre le plan d'ajustement et les hausses tarifaires. Des milliers de fonctionnaires ont manifesté devant le siège du parlement contre la suppression de la prime de fin d'année par le gouvernement et l'élimination de six jours de repos de libre choix par an. Agents de police en uniforme, sapeurs pompiers avec leurs équipements, infirmiers, médecins, fonctionnaires des différents départements se sont donné rendez-vous vers 20 heures 30 pour faire entendre aux députés leur désaccord avec les décisions du gouvernement et demander la démission du président de l'exécutif, Mariano Rajoy. Leur attitude a été immédiatement appuyée par les centrales syndicales qui ont annoncé que « les coupes budgétaires annoncées par le gouvernement ne vont pas demeurer sans réponse ». Dans la « Gazette spéciale des manifestations », Commissions Ouvrières et Union Générale des Travailleurs annoncent des marches, le 19 juillet, dans 80 villes espagnoles, parce que le plan d'ajustement structurel « constitue une agression sans précédent contre les fondements qui ont rendu possible la constitution et la démocratie ». C'est aussi « une agression aux conséquences professionnelles, sociales, économiques et politiquées qui auront une réaction syndicale immédiate ». L'autre voix vient de l'Allemagne où la chancelière Angela Merkel a réclamé, dimanche, de la part des autres membres de l'Union Européenne, un grand engagement à l'égard de l'Europe et le respect des accords et normes décidés ensemble pour préserver la monnaie unique et affronter avec succès la crise financière et budgétaire. Dans une déclaration à la chaîne de télévision publique ZDF, dans laquelle elle a fait le point de l'adoption du pacte fiscal de l'UE, Merkel a été catégorique en affirmant que « la solidarité sans contrôle n'est pas possible avec moi ». Dans ce contexte, elle a précisé que les aides apportées pour la recapitalisation directe de la banque espagnole seront concédées suivant les règles des fonds de réserve et avec l'Etat espagnol comme garant. Toutefois, de nombreuses autres voix s'élèvent pour attirer l'attention sur l'impact des mesures drastiques adoptées par le gouvernement qui vont creuser davantage le fossé entre les secteurs les plus défavorisés et les couches sociales les plus riches de la société. Au moment où les partis politiques et les dirigeants affirment être au service des citoyens pour améliorer leur condition de vie, des indicateurs démontrent qu'ils font totalement le contraire. L'actuel gouvernement compte obtenir 65 milliards d'euros en deux ans et demi par le biais de son plan d'ajustement. Le précédent gouvernement socialiste avait, en juillet 2010, décidé de porter de 16% à 18% l'IVA. En même temps, ont été épargnées des reformes gouvernementales les grandes fortunes et les hommes politiques représentant les partis majoritaires. C'est le cas des deux ex-présidents de gouvernement, Felipe Gonzalez (1982-1996) et José Maria Aznar (1996-2004). Chacun a un salaire à vie annuel de 80.000 euros outre les autres charges budgétaires assumées par le trésor. De même, si la loi qui détermine que les retraités ne peuvent effectuer des activités lucratives, Gonzalez et Aznar encaissent des centaines de milliers d'euros pour donner des conférences, assister à des séminaires et autres activités et agir comme conseillers de plusieurs entreprises. Autre cas est celui des parlementaires qui peuvent bénéficier d'une pension de retraite à l'issue seulement de l'exercice de cette fonction pendant sept ans alors que tout citoyen commun est obligé à cotiser et travailler pendant 35 ans. D'autant plus, le député n'est pas obligé à payer sa part à la Sécurité Sociale. De là viennent les contradictions mises à nu par le plan d'ajustement et la crise économique. Les classes vulnérables sont toujours celles qui paient la facture des erreurs commises par les politiques. Ceci intervient dans tout le monde et en Espagne aussi.