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Espagne : Le désinvestissement obligé de l'Etat
Publié dans Albayane le 06 - 07 - 2012

Ce qui paraissait impossible d'imaginer il y a une dizaine d'années alors que l'Espagne était cataloguée comme la quatrième puissance économique d'Europe et un sérieux candidat au G8, est devenu une évidence en ce début juillet 2012. Jeudi, encore une fois, le trésor de l'Etat a débarqué au marché
secondaire de la dette pour tenter de capter entre deux milliards et trois milliards d'euros sous forme de bons pour la première fois depuis la tenue du dernier Sommet d'Europe, à Bruxelles, qui avait approuvé la recapitalisation directe de la banque espagnole. Ceci intervient au lendemain de pressantes rumeurs, qui circulaient dans les médias étrangers, selon lesquelles le gouvernement compte mettre en pratique un grand programme de privatisations en vue de réunir trente milliards d'euros. Ces privatisations affecteraient les principales « joyaux de la couronne », c'est-à-dire, les transports ferroviaires, la gestion des aéroports, les grandes auberges publiques, la société des paris et loteries de l'Etat. Dans de précédentes chroniques, Albayane avait fait état des mesures du gouvernement espagnol d'augmenter les prix de plusieurs produits de base et de grande consommation, d'annoncer la hausse de l'Impôt sur la Valeur ajoutée (IVA) et d'inviter les contribuables à de futures mesures encore plus drastiques.
Jeudi, la bourse de Madrid a entamé la séance sur une tendance à la baisse où son principal indicateur, Ibex-35, a chuté de 0,83% par rapport à son niveau à la clôture (7.180,3 points), la veille. Il s'agissait d'un moment d'indécision qui s'emparait de la place financière dans l'attente d'aborder les nouvelles enchères de la dette espagnole.
De même, les investisseurs étaient à l'écoute des nouvelles parvenant de la Banque Centrale Européenne (BCE) qui va probablement réduire le taux d'intérêt officiel de 0,25% pour le ramener à 0,75%, un niveau minimum historique dans la zone euro.
Par contre dans le reste de l'Europe, la bourse de Londres a progressé de 0,05% et celle de Francfort de 0,06% alors que celles de Milan a régressé de 0,15% et de Paris de 0,14%.
C'est la baisse des valeurs de la banque Bankia, qui vient d'être nationalisée en partie par l'Etat espagnol, qui a entraîné dans sa chute l'ensemble de la bourse de Madrid en perdant 2,25% dès l'ouverture du marché financier. Mercredi, de nombreux membres du conseil d'administration de Bankia avaient présenté leur démission à la suite de leur interpellation par l'Audience Nationale, une juridiction spécialisée qui statue sur les grands délits touchant la sécurité de l'Etat.
Cependant, la prime de risque espagnole, calculée sur la différence entre l'intérêt qu'offre le bon du trésor espagnol à dix ans et celui de l'Allemagne du même délai, a transcendé les 500 points de référence avant même l'ouverture de la bourse de Madrid se situant à 503 points.
Durant la séance de mercredi, les mouvements de la prime de risque avait conduit les spéculateurs à un haut niveau de nervosité avant de se fixer à 496 points à cause surtout de la pression exercée de la part des investisseurs sur la dette espagnole pour obtenir plus d'intérêt aux enchères. Finalement, la rentabilité du bon du trésor espagnol à dix ans s'est stabilisée à 6,49% alors que le bon allemand s'est maintenu à un niveau fixe de 1,45%, le même avec lequel a entamé la matinée.
Jeudi, le trésor a soumis aux enchères des bons et lettres d'obligations en vue de réunir entre deux et trois milliards d'euros, lit-on dans la page web du ministère de l'économie. Concrètement, le trésor de l'Etat espagnol a placé des coupons de 4%, 4,25% et 5,85% avec échéances respectivement de trois, quatre et dix ans. Il s'agit des premières enchères faites par le trésor espagnol depuis le dernier sommet européen qui avait autorisé la recapitalisation directe du système bancaire espagnol. La réunion de l'Euro-Groupe, rappelle-t-on, avait autorisé l'usage souple, à partir d'octobre prochain, du fonds de sauvetage pour l'achat de la dette des pays soumis à la pression des marchés afin d'encourager les investisseurs. L'Espagne continue cependant de négocier les conditions du prêt qu'il recevra pour assainir son système bancaire (environ 100 milliards d'euros). Dans ce contexte, des doutes planent encore sur les conditions qu'impliqueront les nouveaux accords concernant ce prêt. La chancelière allemande Angela Merkel assure qu'il n'y aura pas de prêt sans contrepartie alors que le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, assure que les changements ne seraient pas accompagnés de nouveaux réajustements macro-économiques. L'accord atteint la semaine dernière au sommet européen a été qualifié de positif par l'Espagne, ce qui justifie la mise aux enchères des bons du trésor.
Les mises en garde de Rajoy invitant, lundi, les contribuables à davantage de patience et de sacrifice, commencent à se peaufiner avec l'annonce d'un train de privatisations de grandes entreprises publiques. Curieusement, le gouvernement à élu l'agence Reuters, comme plateforme, pour faire passer le message. Les médias espagnols se sont occupés, dans la nuit de mercredi à jeudi, à débattre de la nouvelle et recouper les données. D'ailleurs, les entreprises privatisables formaient partie de l'agenda du gouvernement depuis le mandat des socialistes.
Des sources gouvernementales ont confirmé l'élaboration d'un plan de privatisations qui vont accompagner les mesures tendant à réduire le déficit public dont l'objectif est d'obtenir des recettes de près de trente milliards. Le produit de ces privatisations, assurent certains experts, serviront à l'amortissement d'une partie de la dette et non à la réduction du déficit public. Ce sont des secteurs stratégiques qui vont être affectés puisque la privatisation va concerner des entreprises d'utilité publique relevant de nombreux ministères. C'est le cas de l'Office des Chemins de Fer (RENFE), l'entreprise chargée de la navigation aérienne (AENA), les ports et grandes auberges publiques, le Réseau Electrique d'Espagne (REE) ou l'IAG, la compagnie crée sur la base de la fusion d'Iberia-British Airways.
Déjà, le précédent gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, avait annoncé la privatisation de certaines de ces entités, telles l'AENA et les Paris et Loteries de l'Etat.
Ceci démontre à tel point l'incapacité du gouvernement conservateur de Madrid de réduire le déficit public et le ramener à 5,3% du Produit Intérieur Brut en 2012, comme l'exige l'Union Européenne. L'idée de réduire le coût des services publics (santé et éducation surtout), geler la hausse des retraites, et diminuer les prestations de chômage se sont finalement avérées infructueuses. Seul reste le recours à l'option qui fait plus de mal aux contribuables, la privatisation des biens publics.


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