La détérioration de l'activité économique, la santé de la banque et les craintes causées par la comptabilité publique ont semé de nombreux doutes sur la crédibilité de l'Espagne. Ces trois éléments résument en fait la situation dans laquelle se trouve ce pays mais le quotidien économique madrilène espagnol Cinco Dias, a poussé l'analyse, dans son édition du weekend, pour décrire les principales causes de la tempête financière espagnole. Tous les regards se tournent actuellement vers l'Espagne avec davantage d'intensité depuis que la crise eut éclaté il y a quatre ans. L'économie espagnole est vue comme un maillon faible dans la fragile chaîne qui fait tourner les pays de l'euro. La prime de risque est consolidée au-dessus des 530 points mettant en cause la capacité financière de l'Etat et en cascade celle des entreprises espagnoles. La bourse campe au dernier rang du ranking des places financières européennes avec une chute accumulée de 30% depuis le début de l'année. Comment est-elle arrivée à une situation de crise aussi grave? Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a entamé son mandat, en décembre dernier, avec une batterie de réformes fiscales et du marché du travail qui lui ont permis de gagner de la crédibilité devant l'engagement décidé de mettre un terme au déficit public. Cet aval a cependant commencé à se diluer à partir du moment où il avait revu à la hausse par surprise les données du déficit de 2011 les portant de 6% à 8,5%. Il a pris par la suite la décision sans consulter ses partenaires européens de pas accomplir les objectifs du déficit. L'Union Européenne (UE) a finalement accepté d'assouplir ses exigences en portant la réduction du déficit public en 2012 de 4,4% à 5,3% du Produit Intérieur Brut (PIB). Toutefois, la nouvelle correction du déficit de 2011 pour la situer à 8,9%, réalisée en mai dernier, a été le coup de sacre à la politique financière de l'exécutif espagnol. En UE s'est instaurée une conviction générale selon laquelle l'Espagne sera incapable d'accomplir les objectifs du déficit et devra négocier un nouveau délai pour leur concrétisation. L'assainissement du secteur financier est l'autre clé de la faute de confiance en l'Espagne qui a perdu son caractère de marché solvable. Le gouvernement a approuvé deux décrets royaux qui exigeront des provisions de 80 milliards d'euros. Cependant la surprenante nationalisation de Bankia, quatrième grande banque du pays, qui requiert une recapitalisation de 19 milliards d'euros, a déclenché les sirènes d'alarme. Tout ceci s'est déroulé dans un environnement dévastateur avec un taux de chômage de 24,3% et une prévision officielle de chute du PIB de 1,7%. De quelle manière peut-il s'exécuter le secours de Bankia? Le gouvernement de Madrid tente par tous les moyens d'éviter l'aide européenne qui pourrait conduire à un plan de sauvetage. La thèse officielle est que le Fonds de Restructuration Ordonnée Bancaire (FROB) s'est dirigé au marché international pour capter les 19 milliards d'euros nécessaires pour la recapitalisation du groupe BFA- Bankia. Une des formules initiales avancées consiste à prévoir la possibilité selon laquelle l'Etat met à la disposition de cette entité financière des titres de dette en échange de capital que celle-ci peut utiliser par la suite comme garantie auprès de la Banque Centrale Européenne (BCE) pour pouvoir accéder à son financement. La BCE a rejeté cette option qui devait être la moins coûteuse. De nombreux experts proposent, en outre, au gouvernement de s'adresser directement au fonds de secours de l'UE. Ceci impliquerait que l'exécutif sera le responsable direct devant l'UE en contrepartie de se soumettre à certaines conditions de politique fiscale et économique. La solution idéale serait donc le sauvetage financier par voie nationale et non communautaire. Faudrait-il apporter de capitaux au reste des banques espagnoles? Au-delà des 80 milliards d'euros approuvés par décrets royaux, il faudra aussi voir les conclusions des cabinets de conseil Roland Berger y Oliver Wyman qu'elles rendront publiques au cours des prochaines semaines en rapport avec les tests de résistance auxquelles sont soumis les départements de crédit de la banque espagnole. A titre d'exemple, le groupe BFA-Bankia ne peut être pris comme référence du fait que les crédits concédés à l'immobilier s'élèvent à près de 73% des prêtes de risque. Si ce groupe qui représente 20% du secteur financier a demandé 19 milliards d'euros, l'extrapolation directe révèle des besoins de capital totaux proches de 100 milliards d'euros. Tous les experts affirment que ce chiffre sera inférieur et qu'il existe des doutes très grands en relation avec les besoins réels en capital de la banque espagnole tenant compte de la constante détérioration des actifs dans un environnement de récession économique. C'est précisément cette méfiance qui pénalise énormément les actifs espagnols (dette ou rente variable) dans les marchés financiers. Quelle conséquence a-t-elle une prime de risque aussi élevée pour le marché financier espagnol? Cette prime se situe, depuis vendredi dernier, autour de 530 points. Ceci signifie que la différence entre la rentabilité du bon du trésor espagnol à 10 ans par rapport à son équivalent allemand (considéré comme l'actif libre de risque) est exactement de 5,3 points en termes de rentabilité, soit un taux d'intérêt de 6,5% du bon du trésor espagnol face à 1,16% pour le bon allemand. A chaque fois qu'augmente le taux d'intérêt, il est plus difficile de se financer à court terme. Les répercussions de cette prime de risque en termes d'investissement se notent au niveau de la bourse de Madrid où l'indicateur sélectif, l'Ibex-35, accumule une chute de 30% depuis début janvier. Depuis le changement de gouvernement en Espagne, la capitalisation de l'Ibex-35 a baissé de 76,215 milliards d'euros. A la clôture de la séance de vendredi, il marquait 6.065 points, contre 8.581,8 points au 2 janvier dernier. Parallèlement, aucune des valeurs refuge traditionnelles ne fonctionne à merveille puisque l'or a chuté de 9% alors que l'euro et le pétrole ont respectivement diminué de 8% et 22%. Quel rôle peut-elle jouer la BCE dans la crise espagnole? Selon le président de cette institution européenne, Mario Draghi, la BCE n'a pas pour mission d'occuper le vide provoqué par l'inaction des gouvernements ni de faire baisser la prime de risque. Néanmoins, vendredi, avaient circulé au marché financier la rumeur selon laquelle la BCE était en train d'effecteur des achats de bons publics italiens et espagnols. L'effet a été immédiat sur la prime de risque espagnole qui est passée en l'espace de quelques minutes de 540 à 527 points avant de reprendre sa tendance à la baisse. Les experts considèrent que seule une intervention coordonnée de la BCE et de la Commission Européenne peut stopper l'attaque des marchés financiers aux actifs espagnols. La plus haute autorité financière européenne avait, rappelle-t-on, investi 210 milliards d'euros au programme de stabilisation de dette, en vigueur depuis mai 2010. L'Espagne demeure ainsi à la merci d'une intervention décidée de l'UE pour pouvoir assainir son secteur banquier, défendre sa dette publique sur les marchés extérieurs et accomplir les objectifs du déficit public.