Dimanche, les espagnols ont célébré avec tous les fastes la prestation de leur sélection nationale de football à la finale de l'Euro 2012 qui a remporté une victoire historique sur son homologue italienne (4-0) et sa troisième coupe des Nations d'Europe. Lundi, les médias ont épuisé tous les superlatifs possibles pour rendre hommage aux heureux sélectionnés qui ont parcouru les rues de Madrid portant le trophée de Kiev après avoir été reçus avec les honneurs dignes de grands dignitaires par l'ensemble de la famille royale, le gouvernement et les autorités locales. Cette euphorie a duré moins de 72 heures. Mardi, l'habituelle terminologie utilisée dans la description des aspects de la délicate conjoncture socio-économique a repris surface avec la publication par les instituts d'études des statistiques relatives à la réalité du marché du travail, du pouvoir d'achat des ménages, des indices de la bourse et de l'effondrement du marché immobilier. Les difficultés d'accéder à un plan de sauvetage de la banque aux conditions douces les secouent aussi de manière impitoyable. C'est l'Espagne réelle avec le pain quotidien que le citoyen moyen prend chaque matin avec le petit-déjeuner, celui de la crise qui campe dans la rue et dans les ménages depuis l'éclatement de la bulle immobilière, fin 2007. Mariano Rajoy, président du gouvernement, n'a pas hésité mardi à Séville (Sud) à exprimer son grand enthousiasme pour le titre de champion d'Europe devant le Comité de Direction Nationale du Parti Populaire avant de ressaisir et inviter les espagnols a faire «un effort encore plus grand» dans les prochains mois pour tirer le pays de l'abîme. Il a choisi le moment opportun pour préparer la population à de nouvelles batteries de réformes et d'austérité. «Nous avons adopté plusieurs réformes mais maintenant nous devrons appuyer sur l'accélérateur. Nous allons faire encore plus. Je sais que les circonstances son compliquées mais nous ne nous sommes arrivés là pour la mauvaise chance mais parce que les choses furent mal faites». Ce sont les prédications du chef du gouvernement espagnol qui a introduit le terme « accélérateur » pour mettre en garde contre la prochaine phase des réformes à mettre en pratique en dépit des conséquences des précédentes sur l'Etat du bien-être. Ceci intervient 48 heures seulement après les hausses tarifaires des reçus du gaz naturel (de ville), de l'électricité, de la bonbonne de gaz comme si l'annonce de l'augmentation des types de l'Impôt sur la Valeur Ajoutée (IVA) de plusieurs produits de base et de grande consommation ne paraissait pas encore suffisante. Le type normal de l'IVA pourrait ainsi passer de 18% à 23%. Dans ce contexte, l'Union Européenne (UE) ne compte faire aucune concession à l'Espagne. Suivant les directives de la chancelière allemande Angela Merkel, des conditions sont posées pour la recapitalisation du système bancaire afin d'intervenir moins dans l'économie du pays, ce qui répond en partie à la hausse de l'IVA pour l'aligner sur celui des autres partenaires communautaires tels le Portugal, la Grèce et l'Irlande qui vivent la même situation de crise. Ce chimérique panorama ne peut être compris sans s'appuyer sur des données fiables rendues publiques par les institutions scientifiques officielles. Il suffit seulement de repasser les tableaux Excell de l'Institut Espagnol de la Statistique, actualisés mardi, pour se rendre compte des moments durs que traverse la population espagnole. D'abord, le taux d'épargne des ménages est entré à des niveaux négatifs pour la première fois depuis 2005. Ce taux, qui concerne aussi les institutions sans but lucratif, a régressé de 3,3% au premier trimestre pour se situer à moins de 0,6% de sa rente disponible. La diminution interannuelle de rente est de 1,3% et se situe à 165,838 milliards d'euros alors que les besoins de financement des ménages sont estimés á 12,591 milliards d'euros, soit 4,8% du produit intérieur brut (PIB). La baisse de l'épargne des ménages est la conséquence de l'augmentation de la consommation finale de 2,1%. De son côté, la rente variable négociée à la bourse espagnole a mobilisé un volume de 375,609 milliards d'euros durant le premier semestre, ce qui signifie une baisse de 22,5% par rapport à la même période de l'exercice précédent. Le dernier rapport de conjoncture des Bourses et Marchés Espagnols (BME) signale qu'en juin dernier, ont été négociés 62,504 milliards d'euros, soit 11% de moins par rapport au mois précédent et 14% de moins en rapport avec juin 2011. Un autre aspect de la récession économique a été révélé par la chute des ventes de véhicules au marché espagnol de 12,1% en comparaison avec mai dernier, lit-on dans un rapport des Associations des Fabricants (ANFAC) et Vendeurs de Véhicules (GANVAM). Seuls 406.070 unités ont été vendues de janvier à fin juin, soit une régression de 8,2% en comparaison avec la même période de l'année dernière. Les prévisions retenues pour 2012 tablent sur des ventes de 750.000 unités alors que celles-ci atteignaient 1,6 millions d'unités il y a cinq ans, ont précisé les mêmes sources. Le secteur l'immobilier paie aussi sa part des dégâts causés par la récession économique. Du moment, il y a moins d'acquéreurs de logements neufs dont le prix a baissé de 3,8% au premier semestre. En l'espace d'un an, la valeur du logement neuf a accumulé une baisse de 5,5%. A la Bourse de Madrid, l'indicateur sélectif, l'Ibex-35 peine à se maintenir au-dessus de la barre psychologique des 7.000 points, en marquant un niveau de 7.155,6 points à 12 :30. Par contre, au marché secondaire de dette, la prime de risque oscille entre les 488,70 et 478,70 points, contre 488,6 points la veille à la clôture. Cette prime de risque, calculée sur la comparaison avec celle du bon du trésor allemand à dix ans, offrait une rentabilité de 6,36%. Enfin, une dernière donnée de l'office de la Statistique (Eurostat) parvenant de l'UE place l'Espagne en tête de l'Europe en termes de chômage des jeunes et femmes. Le taux de chômage masculin dans la zone-euro s'est maintenu, en mai dernier, à 10,9% et en UE des 27 Etats à 10,3%. Le chômage féminin s'est situé dans ces deux zones respectivement à 11,3% et 10,4% alors que celui des jeunes de moins de 25 ans représentait 22,6% dans l'euro-zone et 22,7% en UE. Ces chiffres prennent une autre allure en traversant du nord la frontière de l'Espagne où 52,1% des jeunes sont sans emploi. Les statistiques de l'Eurostat, auxquelles a eu accès Albayane, placent l'Espagne en tête des pays membres de l'UE qui compte le plus de chômeurs avec un taux de 24,6%, derrière la Grèce (21,9%), le Portugal (15,2%) et l'Irlande (14,6%). En tête du peloton des marchés perforants, se trouvent l'Autriche avec un taux de chômage de 4,1%. Ainsi donc, l'euphorie apportée par la sélection espagnole de football est-elle loin de dissuader les contribuables de continuer à vivre dans l'euphorie de l'Euro 2012. La réalité des prix et des chiffres relatifs au marchés du travail est la plus visible et celle qui conditionne le quotidien.