Les marchés financiers paraissent trouver en l'Espagne la proie idéale pour maintenir leur pression et tenter de tirer le maximum profit des bons de son trésor soumis aux enchères. C'est précisément ce qui est arrivé, jeudi, contre tout pronostic lorsque la prime de risque calculée sur la rentabilité des bons du trésor à dix ans en comparaison avec leurs homologues allemands, ont eu une rentabilité qui plaçait l'Espagne à la lisière de la zone à hauts risques de sauvetage irrémédiable. Cette prime a bouclé sur 539 points. Vendredi, la même tendance à la hausse s'est accrue pour entamer la journée sur un nouveau record de 550 points et une rentabilité de 6,95%. Les marchés financiers traquent sans répit la dette souveraine espagnole à la suite de la mise aux enchères, jeudi, de trois milliards d'euros et l'annonce par la Banque Centrale Européenne (BCE) de nouvelles mesures tendant à alléger la pression sur la dette publique des pays membres. Les systèmes d'alerte avaient été, en outre, enclenchés il y a une semaine, pour éloigner toute sorte de risque à la dette de l'Espagne ce qui avait conduit à un accord au Conseil d'Europe à Bruxelles sur la recapitalisation directe du système bancaire de ce pays. La prime de risque s'est ainsi éloignée de la zone des 550 points et le taux d'intérêt des bons du trésor à dix ans s'est relâché pour se placer au-dessous de 6,5%. Jeudi, tout fut mis en cause. La prime de risque a fortement démarré, au début de la séance, en passant de 496 points à 539 points à la clôture. Vendredi, le différentiel entre la dette espagnole et le « bund » allemand a pris l'ascenseur pour se situer à 546 points de référence au moment où l'indicateur sélectif de la bourse de Madrid, l'Ibex-35, ouvre sur une baisse de 0,6%, perdant du coup le support psychologique des 7.000 points. En fait, les marchés financiers ont réagi négativement et avec déception devant la décision de la BCE de réduire, jeudi, de 0,25% le taux d'intérêt de référence en vue de réactiver l'économie de la zone euro qui est sur le point d'entrer en récession sans prendre de mesures favorables à l'achat de la dette souveraine. A l'ouverture de la Bourse de Madrid, l'Ibex-35 a également souffert des attaques contre la dette et entame la séance sur 6.912,3 points, soit une régression de 0,6%. Jeudi, les grandes perdantes étaient les banques avec des chutes des valeurs de BBVA de 5% et de 3% du Banco Santander. Le refus de la BCE d'adopter des mesures en vue de soulager les marchés financiers a, en réalité, déçu les investisseurs. Elle a adopté l'orthodoxie appuyée par les pays du nord de l'Europe très attachés à la discipline budgétaire. La baisse des taux d'intérêt de 1% à 0,75% n'a pas, finalement, satisfait les investisseurs qui s'attendaient à nouvelles enchères ou achat de bons de la dette souveraine de la part de la BCE. Une telle initiative permettrait de mettre en circulation davantage de liquidité au profit des économies nationales et apporterait plus de garanties aux investisseurs. La BCE a, par contre, opté pour accorder des facilités de crédit, une décision qui a attisé la méfiance des investisseurs et a conduit à des ventes aussi bien des titres de la dette que des actions des entreprises cotisant à la bourse. C'est la raison pour laquelle l'absence de confiance en l'économie espagnole a provoqué l'enlisement de la prime de risque. Finalement, le résultat des enchères de jeudi était catastrophique pour la dette espagnole. Le trésor a réussi à atteindre son objectif maximum d'émission de trois milliards d'euros sous une forte demande de la part des acheteurs mais ceci lui a coûté très cher. Pour les 747,2 millions d'euros captés en bons à 10 ans, le taux d'intérêt marginal était de 6,505% (contre 6,121% lors des enchères précédentes). Le trésor espagnol a dû aussi payer un taux d'intérêt de 5,621% (contre 5,443% en juin) pour 1,015 milliard d'euros en bons de cinq ans et une rentabilisé de 5,197% pour 1,239 milliard d'euros en bons à trois ans. Ces taux reflètent la grande différence existant entre la commercialisation du bon espagnol à 10 ans au marché secondaire de la dette qui se situe à plus de 6,7% de rentabilité face à son homologue allemand qui est à 1,4% d'intérêt. En tout cas, l'Espagne peut tirer profit des mois de grande tranquillité au marché de la dette pour accélérer les enchères prévues. Le trésor espagnol a, jusqu'à présent, couvert ses besoins financiers à moyen et long termes pour 2012 en plaçant 56,042 milliards d'euros au marché de la dette sur un total de 85,9 milliards d'euros prévus pour cet exercice. Le reste, soit 34,8%, dépendra de la facilité avec laquelle seront appliquées les mesures annoncées lors du dernier sommet d'Europe.