La célébration du nouvel an amazigh équivaut à “rendre justice à la mémoire et à la culture amazigh" en tant qu'affluents essentiels parmi d'autres composantes de l'identité nationale, a souligné Ahmed Sabir, doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines d'Agadir. Imbriquée dans des pratiques sociales et culturelles des peuples maghrébins, cette célébration fait partie intégrante de l'ensemble des traditions constitutives de l'identité culturelle marocaine. Des voix s'élèvent pour faire du nouvel an amazigh, qui coïncide avec le 12 janvier du calendrier grégorien, une date plus marquante. Célébrer “Idh Yennayer”, “Ixf n usggwas” ou encore “Hagouza”, c'est, comme l'a affirmé Ahmed Sabir dans un entretien à la MAP, “rendre justice à la mémoire et à la culture amazighes en leur donnant un droit au chapitre pour leur permettre de contribuer à l'enrichissement de l'identité marocaine forte de ses diverses composantes”. Une tradition agricole “Idh Yennayer” renvoie en langue amazighe à la veille de Yennayer, qui marque le début du calendrier agricole, explique ce chercheur, relevant que la célébration du nouvel an amazigh est liée à “une tradition agricole et aux ressources essentielles à la vie paysanne”. Ahmed Sabir soutient que la célébration de cet anniversaire, qui marque cette année le début de l'an amazigh 2963, remonte à la préhistoire et ne peut être dissociée d'avec les rituels agricoles qui diffèrent d'une région amazighe à une autre, même à l'intérieur du Maroc. Il rappelle également que la célébration de “Idh Yennayer” renvoie au jour de l'intronisation du roi amazigh Chichong, dans l'Egypte antique, et que “la région égyptienne de Siwa commémore encore cette fête amazighe”. Un évènement toujours vivace Mais, loin d'être un vestige évanescent de l'histoire et encore moins une vague réminiscence, Yennayer continue de ponctuer le temps comme un évènement toujours vivace avec ses pratiques rituelles, ses couleurs et ses traditions culinaires. “Des plats spéciaux sont préparés à cette occasion tels que 'orkimen', 'tigwawin', 'haggouza' ou encore 'barkoukech', et ce même dans des régions arabophones”, signale El Mahfoud Asmhri, historien chercheur à l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM). Il précise que dans tous les cas, c'est un repas riche et de bon augure. Présage d'une nouvelle année féconde Néanmoins, le référentiel agricole constitue un dénominateur commun entre les différentes manifestations de cet évènement, rappelle Ahmed Sabir, faisant observer que les festivités le marquant veulent être le présage d'une nouvelle année féconde. Pour lui, ces rituels tirent leur “résilience historique”, en dépit de la mondialisation et des technologies modernes, de l'attachement des Marocains à leur mémoire et à leur culture ancestrale. Il note que “Idh Yennayer est la fête la plus typée que tiennent à célébrer les Amazighs, qui fasse table rase de tous les différends du passé”. Il fait remarquer que les nouvelles technologies de l'information et de la communication n'ont fait qu'amplifier davantage le rayonnement et renforcer les échanges et les contacts entre les diverses composantes amazighes pour aller, au-delà du Maroc (Chleuhs, Rifains et Amazighs), à la rencontre d'autres semblables, notamment ceux d'Algérie, de Tunisie, de Libye et d'Egypte. “Ad ffghen iberkanen, ad asen imellalen”, (littéralement “Que partent les journées sombres et viennent les lumineuses”), cet adage qui annonce le premier jour de l'an dans certains villages, donne davantage de force à la croyance qui veut que tel vous trouve Yennayer, tel vous serez durant toute l'année. Il faut donc, ce jour-là, se montrer jovial, aimable et généreux !